Algérie - A la une

Suicide des consciences !



Par Sarah Raymouche
Il ne passe pas une semaine sans que les journaux ou sites d'informations fassent état de tentatives réussies ou pas de suicides. Nous avons encore en mémoire le jeune homme de Guelma ne dépassant pas les 25 ans, qui s'est donné la mort dans un stade, ou cette jeune fille de Aïn Defla, qui s'est jetée du pont. Tous ces actes traduisent un mal-être, miroir de la société. Ce ne sont pas des faits divers, mais des faits de société !
Beau, jeune, ambitieux, talentueux, intelligent ; ce ne sont pas des qualités mais des tares pour certains jeunes Algériens. Ces derniers se retrouvent dans un labyrinthe de procédures, de manque de transparence, d'une bureaucratie lourde pour pouvoir trouver un emploi, un stage, bref un semblant d'un début d'avenir.
Et lorsqu'on est loin des grandes villes, les obstacles se décuplent. Haythem Hassasnia, 23 ans, jeune artiste de Guelma, en est le parfait, plutôt, malheureusement, le sinistre exemple ! Il s'est donné la mort, le 1er juin dernier, en plein stade de Guelma ! Diplômé de l'Institut supérieur des arts du spectacle et des métiers de l'audiovisuel, promotion 2018, spécialité comédie, il se disait, tout comme son entourage familial et professoral, promis à un bel avenir.
Il n'en fut rien. Le désormais ex-secrétaire d'Etat chargé de la production culturelle, M. Salim Dada, sur sa page Facebook, avait écrit : «En tant qu'artiste et en tant qu'intellectuel, c'est un grand choc et une grande douleur à chaque fois que nous recevons des informations comme celles-ci. Elles rappellent d'autres incidents précédents, d'artistes et de producteurs, qui étaient également, à un stade avancé de désespoir.» Parce que c'est le désespoir qui a tué des Haythem.
Le découragement de ne pas trouver des réponses à des questions assez claires, de se heurter à des murs de promesses solides et surtout de ne pas savoir comment faire pour changer la donne.
Sur sa page Facebook, il exprimait son désarroi d'être au chômage depuis deux ans et de constater que le métier qu'il rêve d'exercer est endossé par d'autres qui n'ont pas les qualifications requises.
Ou bien encore, le fait de se perdre dans toutes les procédures mises en place pour pouvoir faire aboutir un tout petit projet. Ses parents témoignent qu'ils ont tenté de trouver une issue favorable en déposant plusieurs demandes auprès des autorités compétentes ! Où est l'erreur ' Aucun responsable, ou fonctionnaire, ne pouvait prendre de décision. La responsabilité étant dilueé, personne n'est responsable et tous complices !
Le suicide et la société
Les Haythem, malgré eux, obligent la société à voir, constater et analyser un échec et casser un tabou. Longtemps considéré comme inexistant, le suicide atteint des chiffres alarmants, même si aucune statistique fiable n'est disponible. Le déni de notre société fait que la réponse la plus courante est : «Il n'a pas été assez fort !» ou pire encore : «Qu'est-ce qu'il a gagné maintenant '» Pour le docteur Yacine Agha, médecin psychiatre et psychothérapeute, «le suicide n'est ni un acte de courage ni un acte de lâcheté. Ce n'est pas non plus un choix librement consenti mais une mauvaise solution pour un sujet ne pouvant trouver d'autre issue à une souffrance devenue insupportable.»
Il relève, aussi, que le suicide n'est pas uniquement l'apanage des personnes ayant des troubles mentaux. « Le suicide est l'acte de se donner la mort consciemment le plus souvent. A travers le monde, c'est la première cause de mortalité des 25-34 ans, et la deuxième des 15-24 ans après les accidents de la voie publique au monde.» Les questions qui reviennent souvent sont : Sommes-nous égaux devant le suicide ' Y a-t-il des personnes plus vulnérables ' Dr. Yacine Agha répond : «Le suicide est un mécanisme multifactoriel et, de ce fait, il est le résultat d'une liste de facteurs de risques», explique-t-il, il déplore également l'absence d'un Registre national recensant les cas de suicide.
Aussi, il relève que certains facteurs à risques sont répertoriés et sont liés à l'histoire, à la vie d'une personne comme les abus et les violences, l'impulsivité, peine d'amour, la perte d'un proche, les problèmes à l'école et le manque de ressources, le chômage ou encore l'isolement social. De ce fait, ces situations rendent la personne plus vulnérable et produisent, dans certains cas, à titre d'exemple, des troubles de santé mentale, tels que la schizophrénie, le trouble bipolaire, la dépression, les addictions.
Le cas de Haythem interpelle les consciences du fait que ses messages et textes sur sa page Facebook étaient assez clairs en traduisant son désespoir et même son mal-être. à ce sujet, Dr Agha note qu'il ne peut faire un diagnostic précis de ce cas. Néanmoins, il relève que «dans la plupart des cas, le suicide n'est pas un geste spontané.
En réalité, le suicide suit un processus qui peut aller de quelques semaines à quelques mois. En revanche, chez certaines personnes impulsives, le processus peut être accéléré. Donc, aussitôt qu'on a des doutes au sujet d'une personne de notre entourage, il y a urgence d'agir.Le processus suicidaire suit diverses phases avant que la personne passe à l'acte.
Au début, la personne cherche désespérément une solution à ses problèmes, elle est en crise. Ensuite, elle va passer à l'étape de flash : c'est la première apparition de l'idée suicidaire. Après, l'idée du suicide devient plus fréquente et la personne va déjà identifier l'endroit, le moment et la façon de procéder pour passer à l'acte.
Après, vient l'étape de la rumination et l'obsession, la personne est angoissée pensant tout le temps à se donner la mort. La dernière étape est le passage à l'acte. Pour ce faire, il faut qu'un évènement déclencheur soit survenu.» Pour l'entourage, Il y a des messages verbaux et, ou écrits et des indices qui peuvent mettre la puce à l'oreille. Dr. Yacine Agha les relève : «Les messages peuvent être directs : je veux mourir, je n'ai plus le goût de vivre, ou subtils, comme j'ai peur de ce que je pourrai faire ! ou encore vous allez avoir la paix bientôt ! Des indices comportementaux tels que désintérêt, troubles du sommeil et de l'alimentation, consommation excessive de drogues et d'alcool, conduites à risque ainsi que des indices émotifs : perte de plaisir, colère, agressivité et irritabilité.»
Des indices à prendre en considération, à noter, à mémoriser pour faire véhiculer le message que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir ! Depuis des décennies, la jeunesse algérienne a prouvé que tel un sphinx, elle renaît de ses cendres. Et elle continuera à le faire...
S. R.
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