Algérie - Autres événements culturels


La ville de Souk Ahras est en fête! L’information peut paraître incongrue si compte est tenu de l’invraisemblable indigence jouissive qui enveloppe, telle une chape de plomb et à longueur d’année, la cité natale de Saint-Augustin. Mais le fait est là (la fête aussi d’ailleurs) à force d’abnégation et de bonne volonté, les gestionnaires de la commune ont réussi le pari d’honorer, une fois l’an, comme cela se fait depuis cinq ans, la ville au détour d’un programme culturel et artistique électrique nourrissant la légitime ambition de satisfaire, autant que faire se peut, le goût fin des uns et des autres. A ce propos, on ne manquera pas de souligner le caractère très sobre de l’animation annoncée. La tempérance imposée et pas du tout choisie, se justifie à défaut de s’expliquer, par l’impécuniosité chronique qui caractérise la tirelire municipale, à l’origine du minimalisme adopté et qui risque fort de reléguer cet évènement au rang de non-évènement. Outre la chanson, le sport et l’histoire, le programme concocté prévoit la ré-inauguration de la galerie de l’art qui ouvrira ses portes, après un faux départ déploré il y a six ans de cela déjà, pour accueillir la corporation des correspondants de presse, le bureau du conseil consultatif communal ainsi que les artistes plasticiens. L’initiative heureuse à mettre à l’actif de la mairie, d’offrir à tout ce beau monde, un si beau pied à terre, est à saluer comme il se doit. Ceci dit, il ne nous semble guère inopportun, même si nous courons, en s’épanchant sur la question, le risque réel d’être affublé de trouble-fête, de relever l’insoutenable dilemme qu’il y a, à situer pour les élus, l’urgence devant prévaloir entre faire la fête ou faire sa toilette. Sans verser dans de lourds et ésotériques pensums philosophiques, concédons tout de même que la fête dans son acception élémentaire renvoyant à la réjouissance ne peut en tout état de cause s’accommoder d’une réalité aussi atroce que celle en vigueur à Souk Ahras. Aussi, il apparaît incompatible, voire même insensé, de s’adonner aux plaisirs lascifs, alors que le corps qui porte sur lui le transfert de la volupté est en mal de propreté et d’hygiène. Cela relève des fondamentaux du raisonnement cartésien qui «interdirait» à Souk Ahras de festoyer tant que ses trottoirs demeurent défoncés comme ils l’ont toujours été, ses chaussées cabossées et jonchées de bourrelets, ses murs lézardés et poisseux, ses décharges sauvages poussant à l’emporte-pièce n’importe où et n’importe comment, son éclairage public en clair-obscur, parcimonieux à souhait, ses malades mentaux affranchis de tout contrôle et qui sèment frayeur et panique parmi les citoyens et citoyennes, son plan de circulation en souffrance depuis 1998, qui n’arrive toujours pas à voir le jour, ouvrant ainsi la porte à toutes les dérives et à toutes les extravagances, son modèle lunaire et à nul autre pareil de stationnement de véhicules, ses cadavres de bouteilles de boissons alcoolisées vides parsemées urbi et orbi, ses vendeurs ambulants qui dictent leur loi scélérate en squattant à qui mieux-mieux la chaussée en prenant le soin d’en chasser par la force et l’agression les automobilistes pour qui certaines artères sont devenues, de facto, fermées à la circulation par le bon-vouloir de ces «envahisseurs» impénitents, ses parkings de stationnement sauvages créés sans normes, ni étude et qui, souvent se transforment, faute d’un contrôle sérieux des pouvoirs publics, en paniers à crabes, son jardin public abandonné comme une vieille épave et livré aux brigands, ses places publiques austères et sans âme à l’image de la placette de l’Indépendance, tombée entre les mains de nouveaux conquistadors rustres et infatués qui en font une réplique en miniature du souk d’Okaz. C’est sous réserve que soient levées toutes ces «réserves» que la ville de Souk Ahras aura pleine latitude de se mettre sur son «trente et un» en s’abandonnant aux plaisirs exquis que procure la lyre. En attendant place d’abord à la refondation des attributs fondateurs de la ville au sens moderne du terme. Faute de quoi, il y a lieu de parler de «fête au village» plutôt que de «fête» de la ville. Toute la différence est là.

 


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