Pour Francisco Pol, président de l'ordre des architectes de Madrid, connu
surtout pour sa grande expérience dans la réhabilitation des centres
historiques des villes espagnoles, le transfert de certains services de la
mairie à l'hôtel Châteauneuf serait une «aberration ruineuse».
De passage à Oran, où il a donné dans l'après-midi d'avant-hier une
conférence à l'Institut Cervantès sur «la réhabilitation urbaine en Espagne»
devant un parterre d'enseignants et d'étudiants en architecture, il s'est
informé sur le dilemme qui se pose à la ville d'Oran, entre la conservation
d'un site historique, en l'occurrence le Palais du Bey, et la récupération et
l'exploitation d'un édifice dont la réalisation n'a pas abouti depuis plusieurs
décades.
Pour lui, l'installation de centaines de bureaux risque d'être fatale
pour le Palais du Bey, déjà menacé de ruine. Il préconise soit la destruction
de cet édifice, qu'il juge comme étant «une plaie dans un cadre historique»,
opération qu'il estime excessivement chère parce que nécessitant des techniques
très pointues. L'autre proposition qu'il avance est le lancement d'un concours
pour des équipes d'artistes conceptuels, d'architectes et d'ingénieurs
spécialistes de la mécanique du sol pour transformer cet édifice en monument
artistique. Sans avoir un point de vue tranché sur la question, il estime qu'il
s'agit d'ouvrir un débat entre spécialistes et décideurs au niveau de la ville.
Cependant, il réitère ses craintes de voir les solutions de facilité l'emporter
au détriment d'une réflexion courageuse et franche. D'ailleurs, il met en garde
contre le transfert des services de la mairie au Châteauneuf, qui débouchera
inéluctablement sur «la dévitalisation» de la mairie, élément structurant tout
une partie de la ville.
Concernant la promenade de Létang, Pol Francisco émet le voeu de voir des
petits restaurants s'y installer avec d'autres équipements collectifs pour
donner vie à cet espace à l'état d'abandon depuis des années, ouvert au public
depuis peu, sur initiative personnelle du directeur de l'Institut Cervantès. Le
lieu, grâce aux vues imprenables qu'il offre, peut aisément s'inscrire dans une
stratégie de redynamisation du centre historique du centre-ville historique
d'Oran.
Fort de son expérience, la situation jugée désastreuse par le commun des
citoyens du quartier Sidi El-Houari ne lui semble pas définitivement irrécupérable.
Au contraire, il y voit une opportunité pour relancer un tas de projets qui ne
manqueront pas d'insuffler une véritable dynamique à cette partie de la ville.
Enfin, Francisco Pol, qui envisage de revenir en Algérie pour animer des
ateliers pour les spécialistes sur la réhabilitation, se déclare disposé à
s'insérer dans une dynamique de ce genre une fois décidée et enclenchée.
Lors de sa conférence, où il a étalé un certain nombre de cas de
réhabilitation des centres historiques réalisés en Espagne ces vingt dernières
années, il commencera par préciser deux faits historiques de grandes
importance. L'intérêt pour les centres historiques dans son pays, apparu aux
débuts des années 70, s'est manifesté comme «un mouvement de résistance au
franquisme» et à son corollaire, «la spéculation foncière» qu'avaient suscitée
ces centres historiques. Cette résistance a été le fait de la société civile,
mais aussi d'un corps de métiers, celui des architectes, précisera le
conférencier. Sans l'instauration d'une démocratie, surtout une démocratie
locale, la réhabilitation des centres historiques, qui a donné au bout de vingt
ans des résultats plus que probants en Espagne, cette entreprise n'aurait
jamais vu le jour.
En tant que participant à la rédaction de la législation sur le
financement des opérations de réhabilitation, le conférencier a longuement
évoqué les sources de financement des opérations de réhabilitation réalisées,
les instruments ayant permis la faisabilité de ces opérations et les
partenaires de ces projets. Parmi ces derniers, il a cité la commune, la région
et l'Etat.
Détruisant une idée préconçue, il précisera qu'au départ, la
réhabilitation du centre historique de Madrid a démarré avec un budget de 3
millions d'euros. Or, ce centre est devenu un haut lieu touristique, dans un
pays drainant chaque année 50 millions de touristes, selon le conférencier. Sa
conférence a été une longue exposition des cas réussis en Espagne, où l'on
relève les combinaisons les plus ingénieuses. Le cas de Madrid, apparemment le
plus proche du cas de Sidi El-Houari, démontre qu'en raison de l'avancement de
ce territoire de savoir, des miracles sont possibles. A Madrid, sur les 56.000
logements que comptait le centre historique, 30% étaient pratiquement en état
de délabrement très avancé, pour ne pas dire en ruine tout simplement. Mais
l'opération de réhabilitation a permis, en combinant techniques nouvelles et
exigences de conservation du caractère particulier de ce genre d'habitat,
c'est-à-dire les données sociologiques, de redonner vie à ce centre historique.
En ce moment, il est un des hauts lieux touristiques dans la capitale Ibérique.
Le cas de Barcelone est lui aussi intéressant à évoquer, puisqu'il n'y a
pas si longtemps, son centre historique a lui aussi était en état de
délabrement avancé. Toutes les photos exposées lors de la conférence de
Francisco Pol démontrent l'audace des architectes qui ont réussi à «récupérer»
des édifices historiques souffrant de l'abandon auparavant, pour les réinscrire
dans des projets sociaux et du coup leur donner une seconde vie. L'expérience
espagnole, l'une des plus proches de nous, mérite qu'on s'y intéresse. D'autant
que les spécialistes espagnols sont apparemment disposés à coopérer avec les
spécialistes oranais et algériens. Donc, où se situe le blocage ?
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Posté Le : 19/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com