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Quelle rentabilité pour le complexe de phosphate de Tébessa '


Le 18 août 2009 selon l'agence officielle APS, le gouvernement annonce officiellement un important projet de phosphate qui permettra de créer 5 000 emplois permanents, évalué entre 1,5 et 2 milliards de dollars.A titre d'exemple, pour l'urée granulés du Moyen Orient, la cotation est passée de 256 dollars en octobre 2017 à 238 en juin 2018 et à 301 fin septembre 2018. Pour l'urée granulée d'Indonésie/Malaisie, le cours est passé pour la même période de 282, à 261 et à 305 dollars. Quant au cours de l'ammoniac, (yuzhny), il est passé de 243 dollars en octobre 2017 à 243 en juin 2018 et à 341 dollars fins septembre 2018. L'engrais /urée était vendue à plus de 423 dollars la tonne en 2014 et a été coté en moyenne le 20 novembre 2018 à 327 euros soit au cours actuel (1,13 dollar un euro) 369 dollars contre une moyenne annuelle en 2017 dee 327 dollars la tonne.
C'est que le prix de l'ammoniac est fonction du prix du gaz sur le marché international. Selon des experts, lorsque le prix du gaz est de 4 dollars le MBTU le cout de revient de l'ammoniac est d'environ au cours actuel du dollar environ 140 dollars. Lorsque le prix du gaz est de 7 dollars le MBTU le prix de revient est d'environ 242 dollars. Qu'en est-il pour l'Algérie '
3- Le coût du projet du Complexe de phosphate à l'Est du pays en partenariat entre deux groupes algériens Sonatrach et ASMIDAL-MANAL et deux groupes chinois CITIC et WENGFU, opérationnel selon les prévisions en 2022, qui permettra la création de près de 2.500 postes d'emplois directs permanents, devrait s'élever à près de 6 milliards de dollars. IL est répartie entre la mine de Bled El-Hadba à Tebessa (1,2 milliards de dollars), la plateforme de Hadjer Kebrit à Souk Ahras (2,2 milliards de dollars), la plateforme de Hadjar Essoud à Skikda (2,5 milliards de dollars) et le port de Annaba (0,2 milliards de dollars).
Ce projet porte sur l'exploitation du phosphate extrait du champs de Bled El-Hadba dans la wilaya de Tébessa, d'une capacité de 500 millions de tonnes et la valorisation de cette ressource naturelle à travers la production des engrais, de l'ammoniac, du silicium et autres matières utilisées dans les différentes activités économiques. Le projet prévoit l'extraction de 6 millions de tonnes/an de phosphate de haute qualité de Bled El-Hadba (Tébessa), la production de 3 millions de tonnes d'acide phosphorique à Oued Kebrit (Skikda) et la réalisation d'une unité d'accompagnement pour la récupération des rejets fluorés à partir des unités de production de l'acide phosphorique, ce qui permettra de produire 60.000 tonnes d'Acide fluorhydrique anhydre (AHF) et 57.000 tonnes de SIO².
Il est question également de la production de 1,2 millions de tonnes/an d'ammoniac et 4 millions de tonnes d'engrais. Ainsi si l'Algérie exporte trois millions de tonnes de phosphate brut annuellement à un cours moyen même de 100 dollars entre 2019/2020, nous aurons un chiffre d'affaire, à ne pas confondre avec le profit net devant déduire les charges et le partage du profit avec la compagnie étrangère, d'environ 300 millions de dollars et pour dix millions de tonnes brut un (1) milliards de dollars.
Car dans cette filière les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) minimum de 40%, le profit net serait pour dix millions de tonnes de tonnes environ 600 millions de dollars. En cas d'association avec un partenaire étranger selon la règle des 49/51%, le profit net restant à l'Algérie serait légèrement supérieur à 300 millions de dollars. On est loin des profits dans le domaine des hydrocarbures. Pour accroitre le profit net, il faut donc se lancer dans des unités de transformation hautement capitalistiques avec des investissements lourds et à rentabilité à moyen terme avec une exportation de produits nobles, passant par un partenariat avec une firme de renom du fait du contrôle de cette filière par quelques firmes au niveau mondial.
Le projet prévoit justement, mais sans donner de précisions sur la synchronisation datée des unités en aval, la production 3 millions de tonnes d'acide phosphorique, 60.000 tonnes d'Acide fluorhydrique anhydre (AHF), 57.000 tonnes de SIO², 1,2 millions de tonnes/an d'ammoniac et 4 millions de tonnes d'engrais, le chiffre d'affaire exportable pourrait fluctuer selon les cours entre 1,5 et 2 milliards de dollars, avec un profit net si l'on prend 40% de charge entre 900 millions et 1,2 milliards de dollars, montant auquel il faut soustraire le profit des associés étrangers, soit beaucoup plus si on exportait le brut).
Mais on est loin du gain des hydrocarbures où avec une augmentation de 4 à 5 dollars moyenne annuelle du cours du pétrole qui occasionnerait pour l'Algérie un gain en devises fluctuant entre 1,6 et 2 milliards de dollars. Comme la rentabilité est lente et l'investissement lourd, comme le projet entrerait en fonctionnement en 2022, et en fonction des cadences -normes internationales- 25% 1ère année, 50% 2ème année pour atteindre la vitesse de croisière la troisème année -2025-, l'amortissement de l'investissement se ferait vers 2030.
4- Ainsi, le phosphate et les dérivées sont loin de procurer (idem pour le fer) une importante rente contrairement à certaines déclarations tendancieuses. Par ailleurs, quel sera le le prix de cession du gaz afin d'éviter des rentes de situation de ces unités fortes consommatrice d'énergie, un bas prix en plus des avantages financiers et fiscaux, fausserait à la fois la capacité véritablement concurrentielle de ces projets sur le marché mondial qui interdit le dumping et donc le véritable cout et qui constituerait une perte pour le trésor algérien. C'est dans ce cadre objectif, que je me permets de mettre en garde le gouvernement contre les utopies du passé. Tout cela pose la problématique de la maitrise du management stratégique pour éviter les surcoûts, la mauvaise gestion et surtout le pilotage à vue, ignorant les nouvelles mutations mondiales ou l'initiation de projets non muris qui risquent de faire faillite à terme.
Comme cette dérive du montage de voitures où l'on recense plus des dizaines de constructeurs qui n'existent nulle part dans le monde, allant vers la sortie de devises et des faillites prévisibles, après avoir perçu des avantages financiers et fiscaux considérables. D'où l'importance de comprendre les nouvelles mutations de ces filières internationalisées en perpétuel mutation technologique afin d?éviter pour l'Algérie des pertes financières qui peuvent se chiffrer en dizaines de milliards de dollars. L'Algérie a besoin d'une vision stratégique au sein de laquelle doit s'insérer la politique industrielle (institutions, système financier, fiscal, douanier, domanial, système socio-éducatif, le marché du travail, le foncier ect.), afin de s'adapter aux nouvelles filières mondiales en perpétuelles évolutions poussées par l'innovation.
Sans cette nécessaire adaptation au nouveau monde en perpétuelle mutation, renvoyant à une nette volonté politique d'accélérer les réformes, donc à un renouveau culturel pas seulement des responsables mais de la société, l'Algérie ayant toutes les potentialités pour dépasser le statut quo actuel, il est vain de pénétrer le marché mondial et encore moins la filière minière contrôlée par quelques firmes internationales. Il ne faut pas vendre des rêves : l'Algérie dépendra encore pour de longues années des hydrocarbures. Les autres matières premières permettent de réaliser tout juste un profit moyen.
5- Ainsi le profit net de ce complexe après amortissement ne se fera, sauf pannes techniques ou autres désagréments, ce qui donnerait un temps plus long, que vers 2030. Evitons donc l'euphorie. Tant pour le phosphate que pour le fer (brut ou semi-brut), la commercialisation dépend tant des contraintes de l'environnement international, du management stratégique interne, de la teneur de ces minerais qui détermine le coût d'exploitation, et surtout de la croissance de l'économie mondiale dont sa future structure avec la quatrième révolution industrielle qui se met progressivement en place 2020/2030. Dans ces segments internationalisés, quelques firmes multinationales contrôlent les techniques et les circuits de distribution.
Un partenariat gagnant-gagnant avec des compagnies qui contrôlent les circuits internationaux est la seule voie pour valoriser le phosphate et pour avoir une plus grande valeur ajoutée car exporter la matière brute constitue une entrée en devise dérisoire. Evitons l'illusion de la rente éternelle par les matières premières, car aucun pays dans le monde qui a misé uniquement sur les matières premières, n'a réalisé un développement durable.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul
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