Algérie - Théâtre

Portrait : Il a décide d’arrêter après cinquante deux années au service de l’école algérienne "Mohand Oulhadj Oukaci: une vie dédiée à l’éducation et au savoir"




Portrait : Il a décide d’arrêter après cinquante deux années au service de l’école algérienne




Debout au milieu du portail, la silhouette imposante, la mise impeccable, rehaussée de son inoubliable blouse bleu azur, il tient d’une main (de fer) sa règle en métal et de l’autre le sifflet pour presser les morveux petits Gavroche retardataires à se joindre aux rangs alignés devant l’entrée de chaque classe. Avec lui, le cours commence par le respect de la ponctualité.

C’est une des images qui doit être probablement rangée dans un coin de la mémoire de ces élèves, aujourd’hui grand-pères pour la plupart, qui ont eu le privilège d’être dans la classe de Monsieur (avec un grand M) Oukaci. C’est ainsi qu’on l’appelait, par respect . Il est vrai qu’il en imposait, qu’il avait du charisme. C’était l’époque où être instituteur était un métier prestigieux. Où l’éducation se conjuguait avec ambition. Cela remonte à plus de cinquante deux ans déjà! Un parcours fabuleux, hors norme, qui a commencé un certain janvier 1963 à l’école du village d’Ait Saâda, (actuellement commune Yattafen).

Et dire qu’avec son niveau de l’époque, où les diplômés étaient encore des perles rares, Mohand Oulhadj Oukaci aurait pu aller faire carrière dans la haute administration, ou être P-DG dans une entreprise publique. Non, il a préféré se vouer à l’enseignement pour ouvrir les portes du savoir et de la connaissance aux enfants de son village, dans une Algérie qui venait juste de recouvrer son indépendance. L’enseignement pour lui est plus qu’un choix, c’est une vocation qui ne se démentira pas tout au long de son parcours.

Un parcours qui se décline comme les différents chapitres de L’Ami fidèle. Point de départ: Aït Saâda, en se lançant le défi de rouvrir, avec d’autres collègues, l’école du village, incendiée durant la colonisation. Sous l’impulsion de M Oukaci, cette école ne tardera pas à se forger une bonne réputation dans la région pour ses taux de réussite record aux examens.

A cheval sur la discipline, mais passionné par l’exercice de son métier d’instit , M Oukaci se voue à fond à sa classe, initiant ses élèves aux subtilités de la grammaire et de l’orthographe, à la magie de la lecture, au remue-méninges du calcul. Bien qu’il ne soit pas resté très longtemps au village d’Ait Saâda, le passage de M. Oukaci dans cette école est cité comme un exemple, à ce jour. Les gens du village le lui rendent d’ailleurs bien, en ayant pour lui un grand respect qu’ils ne manquent pas de lui exprimer à chacun de ses brefs passages au village pour telle ou telle autre occasion.

Aït Saâda, Ouacifs, Redjaouna.

Trois escales dans le cycle primaire avant de monter au palier supérieur, le cycle moyen, après une formation à l’institut de Bouzaréah. Juste quelques années comme PEM avant de passer de l’autre côté de la classe: l’administration. Animé par la même passion, il est directeur au CEM Aïn El-Hammam, à Larbaâ Nath Irathen, surveillant général à l’ITE de Tizi Ouzou, conseiller principal d’éducation à El-Harrach, puis enfin directeur du CEM Tassadort à Tizi Ouzou.

En 1999, c’est la retraite, après 36 ans de bons et loyaux service dans l’Éducation nationale. Une retraite qui n’en est pas une, car l’envie de servir encore et toujours le pousse à entamer une nouvelle carrière dans l’enseignement privé qui venait de faire son apparition dans certaines villes du pays, où des parents préféraient se saigner aux quatre veines pour arracher leurs enfants à l’école publique qui avait déjà entamé sa descente aux enfers de la “talibanisation”. M. Oukaci met son expertise au service de l’ecole Assalas de Tizi Ouzou comme directeur. Sa touche personnelle n’est certainement pas étrangère aux remarquables performances de cette école dont beaucoup d’élèves poursuivent actuellement leurs cursus dans des universités françaises et canadiennes.

Mais comme il y a toujours une fin à tout, “Da Mouhadj” a choisi cette année de mettre un point final au dernier chapitre de sa carrière, après 52 ans de bons et loyaux services dans l’enseignement. Une longévité exemplaire.

L’envie n’y est plus ?

Question d’âge ?

Toujours est-il que Monsieur Oukaci a décidé, cette année, de mettre un point final au dernier chapitre de sa carrière pour savourer pleinement une retraite (ô combien méritée) aux côtés de la femme de sa vie, Na Ouzna, une épouse admirable.

Mais peut-être trouvera-t-il encore un peu de temps pour raconter son parcours extraordinaire dans un livre-témoignage qui sera une sorte d’ultime leçon des choses à ses milliers d’élèves qui lui doivent ad vitam æternam respect et considération.

Omar Ouali

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