Algérie - Revue de Presse

Nouvelle Constitution : nouvelle université ?



Publié par Le Soir Algérie le 05.01.2021
Par A. Khelladi(*)
D’emblée, je voudrais préciser que cette contribution est une invitation à l’expression des citoyens concernant ce qui doit changer dans leur vie grâce aux apports positifs de la nouvelle Constitution. Bien sûr que le sujet est vaste et que je souhaite lire d’autres avis, sur d’autres points de notre vie, de nos espoirs et des changements réels qui doivent être visibles et sensibles à tout citoyen.
Évidemment, il n’y a pas que l’université qui doit avoir et accepter de véritables et profonds changements dans son fonctionnement. Il y a d’abord le comportement du citoyen lui-même qui doit apprendre à demander et à exiger, sereinement, ses droits fondamentaux, tout en respectant ses devoirs. Les changements profonds, cachés sous les articles des amendements de la (nouvelle) Constitution doivent inclure, d’abord, la mairie et tous ses services au service quotidien du citoyen, ensuite la wilaya et toutes ses prérogatives décisionnelles, enfin les institutions administratives à tous les niveaux, y compris celles des grandes administrations et de l’université qui, elle, doit être plus démocratique dans son fonctionnement, au moins dans l’élection des responsables internes (le recteur ?).
J’introduis cette démarche d’expression citoyenne en m’exprimant sur l’université, lieu tant attendu sur ce qu’il doit fournir de bienfaits à tout le peuple. Il est vrai que la pensée populaire est positive, en général, sur l’université, dans toutes ses composantes et ses spécialités. L’université est ressentie comme le lieu de la réflexion, de la sérénité, de la recherche, de la science dans toutes ses déclinaisons, et enfin, un lieu de développement positif exemplaire pour la société. Est-ce vraiment le cas actuellement ? L’université souffre en réalité et dans sa vie de tous les jours des maux qui flétrissent la vie et les espoirs des Algériens. On y retrouve, comme partout ailleurs, une bureaucratie autoritaire bien installée, une impunité largement défendue et, bien que cela ne soit pas apparent à première vue, des lieux de «dhil» bien dissimulés sous des tonnes de tapages non médiatisés. Heureusement que cette situation n’est pas générale, mais elle mérite d’être notée car elle n’est pas non plus négligeable.
La bureaucratie, ce fléau inacceptable sous aucun ciel, est une réalité que vivent et les étudiants et les enseignants.
Les étudiants subissent, tous les jours, l’étouffement bureaucratique. Un seul exemple (et je pourrais donner les noms et le lieu s’il le faut) d’une étudiante pour laquelle l’administration centrale fait une erreur sur le report, dans l’ordinateur du rectorat, de sa note d’examen final.
L’étudiante s’en rend compte et essaie de trouver une solution, vainement. Malgré l’intervention de l’enseignant concerné et du président du jury concerné alertés par l’étudiante, l’administration met NEUF (je dis bien 9) mois pour faire la correction ! Et, cerise sur le gâteau, elle accuse l’étudiante d’avoir pris un retard d’une année et lui refuse l’inscription en master, alors qu’elle y avait droit. Intervention poussée des deux enseignants, encore, pour éviter que l’injustice n’ait lieu, mais l’étudiante avait quand même perdu une année. Vous faut-il d’autres exemples ? Et ces enseignants (en minorité heureusement) qui, sans vergogne, sans honte et dans l’impunité totale, déclarent à leurs étudiants, dès le premier jour : «Celui qui aura 15 avec moi n’est pas encore né.» N’est-ce pas un abus de l’exercice de la fonction, contraire à la déontologie de la profession et, enfin, illégal ? Et cet enseignant (se reconnaîtra-t-il ?) qui obtient des notes catastrophiques (3 moyennes et pratiquement toutes les autres notes en dessous de 06/20 sur un amphi de 120 étudiants) et qui refuse même de se poser la question, trouvant normale la situation et se fâchant avec un collègue qui lui en faisait la remarque… !
Le cas de ce doyen, aussi dans une grande université, qui, entre autres, s’accapare le site web de la faculté, n’y met que ce qu’il veut et qui sert son intérêt personnel, refuse d’y porter la programmation annuelle d’un séminaire hebdomadaire (qui fonctionnait depuis plus de trente ans). Il a exigé, en plus, que le courrier, adressé au doyen (et non à sa personne) soit soumis à un imprimé, illégal dans tous ses aspects, de présentation du contenu : si ce contenu ne lui convient pas, il refuse le courrier.
Le syndicat, dont les courriers étaient systématiquement refusés, a été obligé de passer par un courrier recommandé à travers la poste ! Il a fallu lui rappeler, de vive voix, que ce courrier est un courrier officiel qui ne lui est pas adressé personnellement mais au doyen de la faculté, et qu’il doit être accepté, enregistré, sans présager des suites à lui donner.
Enfin, et ce sera le dernier, l’administration d’un département, dont le chef de rang magistral dans une grande université (faut-il vraiment donner des noms et des lieux ?), installé nouvellement par le recteur, fait du département un fief personnel. Il y règne en maître absolu et n’acceptant aucune contestation, même légale, décidant ce qu’il veut, sans concertation aucune (l’université n’est-elle pas le lieu idéal pour la concertation ?), sans même jamais rencontrer ses collègues. Il se met dans l’illégalité impunie en refusant même de reconnaître les PV du Conseil scientifique du département (CSD) précédant sa nomination, alors que le CSD est la première instance, légale et réglementaire, de concertation et d’avis demandés par les instances officielles. Les facilités données à des «connaissances» lors de l’établissement des affectations aux cours, sans tenir compte des demandes, sur fiche de vœux réglementaire et dûment remplie par les «non-connaissances», le refus de répondre aux collègues, etc. etc. Et tout cela dans l’impunité totale et sans l’intervention d’aucune hiérarchie, qu’elle soit universitaire ou ministérielle, les deux ayant été alertées.
J’arrête ici cette litanie de mauvais points et essayons de voir ce que peut amener la nouvelle Constitution à l’université.
D’abord, un changement des mentalités des responsables de l’université, à tous les niveaux. Cela viendrait en application des principes édictés par le préambule du texte fondamental qui rappelle :
- Le peuple algérien est un peuple libre et décidé à le demeurer.
- … le peuple entend par cette Constitution se doter d’institutions fondées sur la participation des citoyens…
- En approuvant cette Constitution,… produit de mutations politiques sociales profondes, le peuple entend consacrer plus solennellement que jamais la primauté du droit.
- La Constitution est au-dessus de tous, elle est la loi fondamentale qui garantit les droits et les libertés individuelles et collectives, protège le principe du libre choix du peuple, confère la légitimité à l’exercice des pouvoirs, et consacre l’alternance démocratique par la voie d’élections périodiques et régulières.
En poursuivant la lecture du texte fondamental, on trouve
- … la garantie de la transparence dans la gestion des affaires publiques,
- Les institutions s’interdisent … les pratiques féodales, régionalistes et népotiques.
- L’État est fondé sur les principes de la représentation démocratique, de la séparation des pouvoirs, de la garantie des droits et libertés et de justice sociale.
J’arrête ici cette référence au texte fondamental car on peut y trouver de nombreuses autres, espérant que je serai suivi par d’autres analystes sur d’autres visions du monde qui attend le peuple de l’Algérie nouvelle.
Toutes ces citations sont extraites en totalité du texte publié au JORDP n°54 du 28 Moharram 1442, correspondant au 16 septembre 2020, proposant au peuple algérien l’amendement constitutionnel et en convoquant le corps électoral. Cet amendement a été approuvé par le président de la République le 31 décembre 2020
Tous les points cités du texte fondamental ne devraient-ils pas s’appliquer à l’université ? Cette nouvelle université, tant attendue et espérée par un peuple qui reconnaît son importance et lui fait confiance, ne devrait-elle pas s’inscrire dans cette voie nouvelle tracée par la nouvelle Constitution, organisation que vivent les plus grands établissements analogues dans le monde ? Jusqu’à quand devrait-elle accepter d’être gérée par des responsables, impunis et irresponsables (hormis ceux qui ne méritent pas ces qualificatifs, et il y en a !)? Faut-il rappeler que l’accord de leurs collègues, leur implication et leur confiance sont les garants incontournables du succès et de l’efficacité, au moyen d’un vote, pour des mandats limités dans le temps et en nombre ? Cela changera sûrement les comportements et nous mènera, enfin, vers une université nouvelle et digne de ce nom, capable de relever les défis qui nous attendent tous, peuple et université confondus.
J’espère aussi que le citoyen, notamment à l’université, apprendra à exiger, sereinement mais fortement, ses droits en s’acquittant de ses devoirs.
Espérons, espérons que cela va vraiment changer et nous mener vers une nouvelle université.
A. K.
(*) Membre fondateur de l’Académie algérienne des sciences et des technologies. Professeur d’université à la retraite

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