Algérie - Actualité littéraire

Note de lecture, The Torch, roman de Daniel J. Verin : La contribution des algériens occultée



Note de lecture, The Torch, roman de Daniel J. Verin : La contribution des algériens occultée
Les massacres du 8 mai 1945 dans notre pays ou l’envers du décor d’une victoire des Alliés sur le nazisme. Victoire ayant pourtant été dessinée dans le sillage, entre autres, de la préparation, tenue secrète dans une ferme de la commune de Messelmoune (Cherchell), de la fameuse «opération Torch».

D’abord, il y a une note de lecture. Et celle-ci concerne un ouvrage, celui de Daniel J. Verin, lequel est intitulé «Opération Torch» édité en anglais. En fait, il s’agit plus d’un roman, avec pour personnage principal un certain Henri Tower. D’emblée donc, la note de lecture en question indique que le titre de ce roman est inspiré de l’«Opération Torch» (lire encadré sur la préparation de cette opération), cette gigantesque campagne militaire américaine de débarquement amphibie dont les «naïfs soldats citoyens» firent leur soudaine apparition à l’aube du 8 novembre 1942, sous le commandement du général Eisenhower, sur les plages de Sidi-Fredj, Ain Taya, les Andalouses et Arzew, ainsi que directement dans les ports d’Alger et d’Oran.
Paradoxalement —mais cela s’explique surtout par l’existence d’une censure extrême exercée par la France vichyste d’alors— très peu de témoignages de citoyens algériens existent sur cet important événement historique. Mais il n’empêche… car la même note de lecture indique un peu plus loin : «l’action militaire américaine est bien documentée, à savoir la préparation d’une campagne alliée de grande envergure contre l’Allemagne nazie sur le flanc sud-ouest de l’Europe qu’elle occupait, tandis que la Russie (ex-Union soviétique de l’époque, ndlr) préparait sa résistance héroïque à Stalingrad. C’est ainsi qu’«après l’Opération Torch», l’armée américaine traversa l’Algérie pacifiquement, confrontée uniquement pendant deux ou trois jours à la «résistance» surannée —notamment à Oran— des troupes françaises aux ordres du gouvernement fasciste du Maréchal Pétain». Et le document en question d’affirmer en substance : «le territoire algérien fut donc la plate-forme de départ qui permit aux alliés de célébrer leur victoire sur le Nazisme, le 8 mai 1945, à la fin d’une guerre où l’armée d’Afrique perdit 60.000 de ses hommes, dont 20.000 Algériens.» Il est toutefois précisé dans ce même document —en raison des mêmes contraintes citées plus haut— que «l’action diplomatique et politique anticolonialiste américaine est beaucoup moins connue». C’est pourquoi l’auteur du livre en question —nous avions dit roman— fait entrer en scène son personnage principal, Henri Tower, lequel «divulgue, pour le grand public, les vérités oblitérées par l’idéologie ‘’Algérie Française’’ et par les techniques de censure du colonialisme français».

Le Manifeste du MTLD fut présenté en février 1943 au Président Roosevelt

Dans la même note de lecture, il est souligné que «le président Franklin D. Roosevelt, en grand visionnaire, avait su prévoir les chaos probables de l’après-guerre. En particulier, il s’était rendu compte que le colonialisme était un obstacle au libre-échange nécessaire, selon lui, à la prospérité et la stabilité mondiale. Chose tout à fait nouvelle pour l’époque, «sa charte de l’Atlantique formula le droit à l’auto-détermination de tous les pays occupés par toute autre puissance extérieure».
C’est là précisément où, «profitant de l’Opération Torch», le président Roosevelt décida de mettre en pratique en Afrique du Nord les principes de la Charte Atlantique, en confrontant directement l’occupant français». Et le document de mentionner que «son succès fut total au Maroc, partiel en Tunisie et nul en Algérie».
Pour en revenir au personnage principal —pour ne pas dire au héros— du roman, l’auteur le fait parler dans la mesure où «Henri Tower explique que le message de la Charte Atlantique donna un souffle d’espoir à tous les peuples colonisés.
En Algérie, Ferhat Abbas, le Dr. Bendjelloul et d’autres formulèrent le projet génial du Manifeste du Peuple algérien. En réponse à la Charte Atlantique et dans le but d’internationaliser le problème algérien en dehors de l’oppression étouffante des autorités françaises, le Manifeste fut présenté en février 1943 au Président Roosevelt, par l’intermédiaire de son jeune neveu Archie Roosevelt et durant plusieurs visites à Robert Murphy, consul américain à Alger.
«C’est à ce point-là, mentionne la note de lecture, que Henri Towers dévoile les dessous des échecs diplomatiques du Président Franklin D. Roosevelt» et pour cause : «son consul et ‘’représentant personnel’’, Robert Murphy, changea subrepticement de camp sous l’influence anti-américaine de lobbyistes comploteurs français connus sous le nom de ‘’Groupe des Cinq’’.
Membres de l’extrême droite française, ceux-ci se posèrent en représentants, de facto, de la France traditionnelle, fidèles à ses traditions et à sa ‘’grandeur’’ colonisatrice.»
Et l’auteur de la note de lecture de poursuivre en ces termes : «leur influence sur Robert Murphy eut de très graves conséquences pour l’Algérie : non seulement le consul développa une hantise totale vis-à-vis des ‘’Arabes’’, mais il s’assura que tous les documents signés contiennent un addendum déclarant que les Américains respecteraient pour toujours les territoires sur lesquels battait le drapeau français.» «Séparément, mentionne la note de lecture, Archie Roosevelt eut beaucoup de succès grâce à ses contacts secrets avec les leaders politiques nord-africains. Il mit en place la politique anticolonialiste des USA au Maroc —en contactant Mehdi Ben Barka du parti Istiqlal— et en Tunisie —en soutenant Moncef Bey et Bourguiba du parti Néo-Destour. Au Maroc et en Tunisie cette, heureuse initiative contribua à mettre fin à l’oppression colonialiste française en mars 1956».

Ferhat Abbas fut mis en résidence surveillée à In Salah

«Hélas, poursuit le document, en Algérie la situation fut totalement différente». Comme il fallait pratiquement s’y attendre, «le consul Robert Murphy rejeta systématiquement les suggestions de Archie Roosevelt en faveur d’une Algérie indépendante.
D’autre part, au lieu se suivre la politique libératrice de son président, Robert Murphy se montra méprisant à l’égard de Ferhat Abbas.
Ce revirement sonna le glas de la politique pro-algérienne du Président Roosevelt. Pour avoir osé s’adresser aux autorités Alliées, Ferhat Abbas fut mis en résidence surveillée à In Salah.
Messali Hadj fut exilé au Congo. Finalement, affront diplomatique suprême, De Gaulle exigea que le général Eisenhower expulse Archie Roosevelt.
Incroyable ! Le neveu du président des USA et son envoyé spécial étaient déclarés «persona non grata» par les défenseurs de l’Algérie française».
S’ensuit une brève rétrospective permettant de mieux situer, ci-après, le contexte de la situation sociopolitique qui prévalait à l’époque : «Comme ce fut le cas en 1919, quand l’émir Khaled, petit-fils de l’émir Abd El Kader, avait communiqué au président américain Woodrow Wilson la grande détresse de ses compatriotes, l’Algérie perdit de nouveau, en 1943, l’occasion de retrouver la liberté que la France lui avait dérobée en 1830. C’est l’évolution de cette occasion tragiquement manquée qu’Henri Towers (…) met en lumière à travers ses contacts (…) avec les différents groupes sociaux de l’époque.
Mis au courant des crimes coloniaux de la France, (…) il comprend le sens patriotique des changements qui se produisent au sein de la société algérienne. Il comprend les programmes politiques de Ferhat Abbas, de Messali Hadj, de Cheikh Ben Badis, ainsi que le but rénovateur des Scouts Musulmans Algériens organisés par les successeurs de Mohamed Bouras, sommairement exécuté pour ses activités nationalistes (…)».
Toujours est-il que «le personnage principal du roman, Henri Tower, se morfond en réalisant que la politique pro-algérienne de son mentor, le Président Roosevelt, a échoué en Algérie, alors que ses adversaires politiques, sèment la terreur sur une terre déjà victime de tant d’exactions, et sans se rendre compte des conséquences que l’Algérie, la France et le monde entier auront à affronter. Il est frustré de réaliser que le consul Murphy se soit laisser manipuler —naïf extrême ou traitre à l’image de son pays— par une poignée de lobbyistes français d’extrême droite, au point de mettre à bas la politique anticolonialiste et d’ouverture aux peuples opprimés que son ‘’boss’’ désirait pour le monde entier».
Voici donc présentés de façon limpide quelques éléments de décryptage qui peuvent aider à mieux comprendre l’évolution de la situation sociopolitique durant les deux décennies qui ont précédé l’indépendance de notre pays.
Kamel Bouslama

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Messelmoune, lieu de préparation

«Ici commence la route de la libération de la France, de l’Europe et du monde du joug nazi». C’est l’inscription figurant sur une plaque commémorative fixée à la stèle qui se dresse à l’entrée de la ferme Sitgès, implantée non loin de la localité maritime de Messelmoune, à 21 km à l’ouest de Cherchell. Pour ceux qui ne le savent pas encore, Messelmoune est une commune berbérophone de la wilaya de Tipasa. Son nom provient d’une écorce recherchée par les marchands phéniciens pour la teinture des cheveux et du lainage.
Il faut savoir, au passage, que la ferme Sitgès continue d’enregistrer, depuis l’année de l’indépendance de notre pays, les visites de plusieurs délégations étrangères et pour cause ! Elle avait abrité, lors de la seconde guerre mondiale, plus exactement le 22 octobre 1942, une rencontre ultra-secrète présidée par le général américain Mark Wayne Clarck, rencontre qui avait regroupé des Américains (dont Robert Murphy), des Anglais et des résistants militaires et civils français (dont le colonel Jousse), le général Charles Mast et Bernard Karsenty, adjoint de José Aboulker, Jean Rigault et Henri d’Astier de la Vigerie. D’ailleurs, le général américain était venu secrètement à bord du sous-marin «Seraph» dans la nuit du 21 au 22 octobre 1942 à 1h30 du matin.

Le débarquement sur les côtes nord-africaines marqua le tournant de la Seconde Guerre mondiale

Il faisait nuit. Quatre kayaks accostent, accolades, moments émouvants. Tout le monde entre dans la ferme. Arrivée des autres protagonistes. Discussions le 21 octobre vers 8h du matin. Puis repas et repos. Vers 16h, alerte : la police a été prévenue, et les gendarmes arrivent. Branle-bas de combat, les résistants français déguerpissent et tout le monde se retrouve dans la cave de la ferme. En haut, on simule un banquet avec beaucoup de vin et du désordre, ce qui fut accepté. Et enfin, le lendemain matin vers 3h, retour vers le sous-marin «Seraph». Il fallut au préalable inspecter la plage pour que rien ne fut suspect, et on découvrit un pantalon, celui du général Clarck !
Toujours est-il que grâce au concours de la résistance nord-africaine, le général Clarck et ses compagnons avaient pu quitter la ferme en toute sécurité, le 22 octobre 1942 à 5h30 du matin. Cela s’était passé alors que la France était dirigée par le maréchal Pétain. La rencontre avait pour objet l’étude définitive des derniers détails relatifs à la mise au point de l’opération «Torch», autrement dit le nom de code donné au débarquement dans les territoires français d’Afrique du Nord —Algérie et Maroc— des armées alliées contre les forces nazies. Ce débarquement marque le tournant de la Seconde guerre mondiale sur le front occidental, conjointement avec les victoires britanniques d'El Alamein (Egypte) et ex-soviétique de Stalingrad (Russie).
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