Algérie - A la une


Mongi Hamdi
Mi-janvier 2015, il a pris la tête de 14 000 hommes comme représentant spécial du secrétaire général et chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). L'ex-ministre tunisien des Affaires étrangères, en ce moment à Alger pour conduire les négociations entre les mouvements armés du Nord et de Bamako, explique qu'il n'y a pas «d'autre alternative que la paix».- A peine entré dans vos nouvelles fonctions de chef de la Minusma, vous voilà confronté à des violences, puisque plusieurs Casques bleus de la Mission ont été blessés dans une explosion au nord du Mali'oui, depuis son arrivée, la Minusma a déjà perdu 47 soldats. Ce bilan est le plus lourd qu'ait connu une opération de maintien de la paix, et pour moi, une seule victime est déjà de trop. Nous savons que ceux qui attaquent la Minusma sont les ennemis de la paix. Je suis d'ailleurs frappé de constater que certains Maliens ne se rendent pas compte que la Mission est là pour aider leur pays et je compte faire en sorte de changer cette image, car la Minusma a un mandat robuste, et elle ne se laissera pas attaquer sans réagir.- Comment comptez-vous changer son image 'La Minusma doit s'investir davantage sur le terrain pour faire comprendre aux populations en quoi consiste son mandat. On nous reproche par exemple de ne pas couvrir tout le nord du Mali, mais le territoire est très vaste et nous avons des moyens limités. Malgré cela, nous faisons tout pour protéger la population et aider à établir la paix. Je vais donc demander à mes collaborateurs d'élaborer une stratégie de communication.Comme la radio est un média très écouté au Mali, nous venons de créer une station de radio, et comptons renforcer nos liens avec les médias maliens. Nous allons designer un porte-parole pour mieux renforcer la communication avec le public, car jusqu'à maintenant, nous n'en avions pas. Nous comptons aussi communiquer avec les populations en langues locales (bambara, malinké, songhai, dogon, tamasheq, ndlr). Aujourd'hui, sans communication, on n'arrive à rien, et je crois à la force des médias.- Les négociations intermaliennes reprennent à Alger, dans un contexte de reprises régulières des affrontements au nord du pays. Etes-vous optimiste 'La situation est difficile mais la volonté est là. Nous avons réussi à mettre toutes les parties maliennes autour de la même table. J'ai perçu dans leur discours et leurs actes un réel engagement et une volonté d'aller vers la paix. Cette cinquième phase des pourparlers d'Alger représente une chance unique pour le Mali et tous les Maliens. Avec l'accompagnement de la communauté internationale, l'Algérie a énormément investi en temps et en argent, et pour elle, cette paix n'a pas de prix.Aujourd'hui, l'essentiel est là : nous avons un texte, presque finalisé, qui garantit l'unité territoriale, le caractère laïc et républicain du Mali et sa souveraineté. Et tout le monde est d'accord autour de ces principes soutenus par le Conseil de sécurité. Il reste à négocier les arrangements sécuritaires, le développement économique et quelques questions liées à la gouvernance.- Des accords, il y en a eu. Ils n'ont jamais été respectés. Qu'est-ce qui vous laisse penser que cette fois les différentes parties le respecteront 'D'une part parce que la situation est devenue très grave : les deux tiers du pays se sont retrouvés hors contrôle du gouvernement. D'autre part, parce que la communauté internationale n'a jamais été aussi impliquée. Les Nations unies, l'Union européenne, l'Union africaine, la Cédéao, l'Organisation islamique, la France, les Etats-Unis, les pays du voisinage, etc. Tout cela ajoute de la crédibilité à cet accord de paix. Et je crois que de toute manière, il n'y a pas d'autre alternative : ne pas donner une chance à la paix, c'est en donner une aux terroristes qui s'installeront dans le nord du pays. Or, aujourd'hui, nous ne pouvons pas nous permettre cela, le contexte régional et global a changé.- Pour ne laisser aucune chance aux terroristes de prospérer, on sait aussi qu'il faut donner au nord du Mali les moyens de son développement économique...Une fois la paix établie, elle ouvrira la voie au développement économique et social. Les Maliens du Nord doivent savoir que rien ne sera plus comme avant : ils auront un accès facile aux services sociaux de base, tels que l'accès à l'eau, l'éducation, la santé et l'électricité. Les Nations unies et les organisations régionales mettront en œuvre des programmes pour que la paix soit durable. Encore une fois, parvenir à la paix est dans l'intérêt de tout le monde. J'ai choisi de quitter mon poste de ministre des Affaires étrangères, cette mission est pour moi un challenge et je suis là pour relever le défi de la paix- Vous avez passé 25 ans aux Nations unies, quel diplomate ont-elles fait de vous 'J'y ai eu des fonctions très variées qui m'ont permis de développer un profil plus «technocrate» que «politique», même si j'étais jusqu'à une période récente ministre des Affaires étrangères, ce qui est tout de même un poste très politique. Ces différentes compétences apportent un plus, surtout dans un pays comme le mien, car je crois que l'heure n'est plus à la diplomatie classique.Les questions de sécurité ne sont plus des seules compétences du ministère de l'Intérieur. Notre environnement est devenu très compliqué et faire de la diplomatie, c'est aussi se mêler d'économie, de sécuritaire, de technologie et d'innovation.- Votre passage aux Affaires étrangères vous a amené à travailler avec l'Algérie, vous n'êtes pas ici en territoire inconnu...Oui ! Je connais Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères depuis les années 1980 et je crois que depuis l'indépendance, la relation stratégique et la coopération entre Alger et Tunis n'ont jamais été aussi bonnes. A peine le gouvernement de Mehdi Jomaâ nommé, en janvier 2014, je venais avec lui en visite à Alger. Compte tenu du contexte et des défis régionaux ? je pense au terrorisme aux frontières et à la Libye? nous nous devions d'avoir une relation très proche, car si la Tunisie est touchée, l'Algérie aussi.- Justement, alors que la barbarie avance (le groupe de l'Etat islamique mais aussi Boko Haram), que répondez-vous à ceux qui estiment que les Nations unies ne sont plus à même de répondre aux nouvelles menaces terroristes 'Ce sont des critiques mal placées, car les Nations unies ont énormément contribué à la paix, elles ont joué un rôle essentiel dans l'indépendance de certains pays et soixante ans après leur création, on débat de la possibilité de réformer le Conseil de sécurité. Je crois qu'on focalise trop sur la mission politique et on oublie celles en faveur du développement économique, de l'éducation ou de la santé. Si l'ONU n'existait pas, il faudrait l'inventer.





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