Algérie - Parutions de livres de littérature

Métro : Instantanés de Leïla Sebbar, (Récit) - Éditions Editions du Rocher, Monaco 2007



Métro : Instantanés de Leïla Sebbar, (Récit) - Éditions Editions du Rocher, Monaco 2007
Présentation

Le métro. Paris. Une Babel souterraine au-delà des mers, où se croisent les visages et les corps, les accents et les langues. Des instantanés, notés à la vitesse du métro, ironiques et tendres. Saynètes, dialogues, portraits. Des histoires furtives, éphémères, qui racontent deux minutes trente-cinq de bonheur ou de malheur.

Extraits

Prologue
Babel souterraine, pp. 11-12

Le métro à Paris, c'est Babel, les visages, les gestes et les corps posés sans voix, mais les yeux disent, dans la langue du pays perdu, quitté, abandonné, ce que des soeurs, des frères comprennent peut-être. Le pays, c'est la banlieue, les quartiers, les cités, à la périphérie toujours, avec la terre natale, et les ancêtres, en arrière-pays. Je les regarde, un siècle plus tard dans ce lieu souterrain et nomade où ils ne pensaient pas se trouver un jour, peut-être le savaient-ils en secret, le redoutant, le désirant.

Je les regarde avec, en mémoire, l'oeil mécanique des photographes orientalistes, aventuriers de l'image, curieux de l'Étranger, de l'Étrangère, le deuxième oeil toujours prêt à saisir sur le vif ou en studio, un visage, le regard grave ou le sourire ironique, des gestes et des corps qui racontent à ceux qui ne voyagent pas, étoffe de soie éclatante, velours et mousseline, couleurs d'outre-mer. Des paysages étrangers ou fantastiques, des déserts et des savanes, des fleuves.

Je peux, ainsi, regarder longuement un profil pharaonique ou assyrien ; les boucles noires, serrées, d'une petite fille de l'Atlas marocain dans les salles claires du Louvre ; la coiffure subtile et savante de la statuaire africaine ; les tatouages bleus de l'Aurès algérien ; les rayures brillantes du foulard kabyle fabriqué en Chine ; fibule argent et corail, broche du Djebel Amour, mains de Fatma, mais ni diadème ni plumes d'autruche.

Je note, indiscrète, le beau sourire bavard d'une jeune amante entre Afrique et Asie, sa peau dorée chante une géographie insulaire et les mots de sa langue, à l'homme assis contre elle sur la banquette; l'Asie, ses hautes pommettes, et l'Inde des miniatures avec les robes de fête qui traversent le wagon ; les cheveux crêpelés, gonflés en coquilles latérales à la manière de l'aïeule antillaise ; le chèche nomade et le keffieh, la calotte blanche de celui qui lit le Livre saint.

Les photographes ont voyagé dans l'Empire au-delà des mers, leurs images vivent ici, dans le métro
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