Algérie - Divers sujets sur la littérature

Les jeunes loups de «la Meute littéraire»
En participant aux travaux du Forum international du roman organisé du 13 au 16 décembre dernier par la revue de critique littéraire L’Ivrescq et au cours desquels j’ai été invité à intervenir sur le thème de «Littérature au cœur des langues», je fus interpellé par le cri du cœur et le coup de gueule, en même temps, d’un collectif de jeunes étudiants et primo-écrivains qui s’était donné le nom de «Meute littéraire». J’ai été tellement séduit par la pertinence et la fraîcheur de leur communication que je me suis, immédiatement, engagé à les aider à élargir leur horizon. J’ai jugé que c’était la meilleure façon de les encourager à se faire une place sur une scène trop encombrée par les «anciens». Voici donc, ci-dessous, un texte inédit par lequel ils ont souhaité se faire connaître. «Si nous devions faire l’exégèse de la littérature algérienne, nous ne saurions en parler sans citer des noms ayant marqué l’histoire littéraire de l’Algérie, nous pensons à Jean Amrouche, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri ou encore Assia Djebar et Rachid Boudjedra. Nous pouvons dire qu’ils sont “des classiques” car leur écriture a traversé le siècle en cours en apportant un témoignage du vécu de leur temps. Avec talent, ils ont su transmettre un témoignage historique, social et culturel qui est la base essentielle de notre patrimoine littéraire. Certains, si ce n’est tous, ne sont plus à présenter, leurs ouvrages sont accessibles à un large public et souvent dans plusieurs langues, ce qui permet d’avoir un lectorat de différents horizons linguistiques. De nos jours (et c’est ce volet que nous voulons traiter aujourd’hui), il y a une nouvelle écriture qui voit le jour, nous avons du mal à la classifier, tant les écrivains actuels ont un style différent. Ils se rejoignent cependant sur un fait, celui de “raconter des histoires” qu’ils supposent générales, du moins, c’est ce que donnent comme impression leurs écrits. Certains écrivains actuels, en donnant l’impression de dénoncer, tombent dans l’injure et l’insulte. Pourtant l’intellectuel ou celui qui se prétend l’être se doit de respecter son lectorat en lui proposant des récits où l’analyse est présente et où il tente de répondre à certaines questions de société lancinantes. Par exemple, au lieu de dénoncer, seulement, verbalement, l’intégrisme, il serait judicieux d’expliquer les raisons qui y ont conduit, et de produire de l’analyse au lieu du pathos redondant dont nous sommes submergés à chaque fois que la question est évoquée. Tandis que les générations ayant vécu la guerre ou la décennie noire pouvaient plus ou moins se reconnaître dans les écrits de leurs temps, pouvons-nous en dire autant des nouvelles écritures de nos jours ? Nous ne sommes pas certains que ce soit le cas. Autour du groupe que nous avons constitué dernièrement et qui s’appelle “La Meute Littéraire” gravitent de jeunes écrivains qui débutent et qui ont la capacité de bouleverser les choses car ils ont pris conscience que s’ils ne se reconnaissaient pas dans l’écriture des autres, ils devraient combler cette lacune en faisant de leur production littéraire une œuvre spécifique. Nous avons constaté qu’ils avaient du mal à “percer” et connaissent bien des aléas avant de réussir à publier, mais s’agit-il réellement d’aléas fondés ? Nous avons constaté que le marché du livre algérien n’est pas équilibré et que d’un point de vue économique, le livre est devenu une marchandise, ce qui nous a amenés à nous demander si les éditeurs ne pensaient plus la littérature qu’en termes de rentabilité et non plus forcément en termes de qualité. Les éditeurs paraissent méfiants envers les écrivains débutants : par exemple, pour publier un recueil de poésie, l’argument que le genre risque de ne pas marcher revient souvent. Celui du budget bouclé aussi : pourtant ils acceptent, immédiatement, lorsqu’il s’agit d’une édition à “compte d’auteur”. Les défaillances dans le circuit du livre sont nombreuses, nous citerons la mauvaise gestion de la distribution qui empêche les maisons d’édition d’écouler leurs stocks, puis les librairies qui ne sont pas non plus nombreuses et qui cherchent aussi la rentabilité. Qui pourrait leur en vouloir, s’il s’agit d’un gagne-pain et qu’ils ne voudraient pas se risquer à le perdre ? A vrai dire, plus on observe la nouvelle scène littéraire algérienne et plus on est tenté de croire qu’il y a une mainmise de quelques personnes autoproclamées “nouvelle élite” qui conduit à l’étouffement d’une jeunesse qui ne souscrirait pas, forcément à leur doxa. Et pourtant, la scène culturelle nationale pourrait accueillir de nouvelles plumes aux œuvres conséquentes susceptibles de marquer, à leur tour, la littérature algérienne. Nous avons la responsabilité d’agir et en attendant que les choses s’améliorent, nous ne restons pas les bras croisés. Notre groupe tente de promouvoir la littérature et la lecture au sein de la société en organisant des événements littéraires ou des rencontres avec les auteurs. Quand on connaît les lacunes qu’engendrent le manque d’engagement de l’école d’une part et d’autre part, l’absence d’intérêt dont souffre la littérature dans sa confrontation avec d’autres médias, on s’aperçoit très vite que c’est d’un nouveau souffle que l’événementiel littéraire a besoin aujourd’hui. Car, proposer une conférence ou un colloque (à titre d’exemple) à un jeune qui a déjà été très peu sollicité, au cours de sa scolarité, à la lecture semble dérisoire, non seulement, à cause du caractère pesant, très peu attirant mais aussi quelque peu élitiste et parfois intimidant de ce genre de manifestation. Les questions qu’on se pose, de ce fait, sont : quelle solution peut-on proposer ? Quelles sont les plateformes dont dispose la jeunesse pour pousser la simple expression à des formes plus élaborées et réfléchies ? On ne peut prétendre répondre, immédiatement, à ces questions puisqu’elles nécessitent une recherche approfondie sur le terrain sur tout ce qui se fait, actuellement, en Algérie dans le domaine littéraire, mais on peut y répondre en relatant des expériences qui ont été menées par de jeunes collectifs : des solutions pensées par des jeunes adressées à des jeunes. Dans ce sens, une action pour la promotion de la lecture et de la littérature a été menée sur deux plans : un plan performance, celui de l’événementiel littéraire, qui favorise la découverte, la rencontre, l’échange, le “live”. Un plan de la production littéraire qui favorise l’acte de l’écriture. “La Meute littéraire” est un concept d’événement qui propose une approche didactique de la littérature. Nous avons divisé la structure de l’événement en 3 parties : 1- Apprendre : la Meute est souvent thématique et les participants ne sont pas toujours forcément bien informés sur chaque thème que nous traitons, nous faisons donc en sorte que toute personne assistant à l’événement puisse sortir avec une idée du thème abordé, 2- Se divertir : et ce, à travers des jeux littéraires, des montages poétiques, des scénettes, on sort un peu du moule carré pour jouer avec les mots, avec les auteurs, avec les livres. Et enfin 3- produire : ça peut prendre la forme d’ateliers d’écriture mais aussi de débats.Il y a aussi le côté esthétique de la Meute parce que la littérature aime la beauté et la fraîcheur. Au registre de la production, il existe trois plateformes qui offrent aux jeunes écrivains la possibilité de s’épanouir. Il s’agit de journaux en ligne à but non lucratif. Le premier est le journal de la Meute, qui accueille des écrits libres de jeunes loups de tous horizons. Il est imprimé et photocopié par ses membres et distribué pendant les événements de la Meute. Aujourd’hui, il compte deux parties. Une partie production libre et une autre travaillée et structurée qui offre une documentation sur les thèmes de chaque édition. Le deuxième est un magazine germanophone en ligne qui s’appelle : Germanisten Magazin. C’est un magazine fait par des étudiants de langue et de littérature, allemandes. Il compte cinq numéros et il s’est transformé en un site accueillant des contributions libres en langue allemande mais aussi en français et ouvre le champ, par là même, aux apprentis traducteurs pour permettre des échanges multiculturels. Le Germanisten Magazin active, aussi, à travers des événements musicaux tel le concert de rock allemand qu’il a dernièrement organisé. Le dernier est un magazine, en ligne, anglophone, basé à l’Université d’Alger II et qui a pour nom Beez Magazine. Voilà, donc, quelques exemples de jeunes initiatives culturelles destinées à d’autres jeunes et s’appuyant sur le bénévolat. Nous voulons les faire connaître à travers les médias. Badr’Eddine Mili, un écrivain émérite, appuie, avec une grande générosité, notre action et s’est engagé à nos côtés, pour nous offrir la visibilité dont nous avions besoin. Nous le remercions vivement pour cette solidarité encourageante et donnons rendez-vous à nos lecteurs sur les supports ci-dessous.»
Pour «La Meute littéraire»
Lydia Aberrane et Lydia Saidi
• Site : pointdelecturealgerie.jimdo.com
• Page FB : point de lecture – Algérie –
• Mail : pointdelecture.algérie@gmail.com
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