Algérie - Divers sujets sur la littérature

Laldja Boughedad. Le cri de l’amour lancé de Bouira, Deux poèmes au souffle épique




Un rocher se détache d’une crête et roule le long de la pente abrupte. Dans sa chute, il entraîne d’autres masses de granit. Et bientôt, c’est toute la montagne qui se met à trembler et à gronder sous l’avalanche.
Ce que la poétesse kabyle Laldja Boughedad nous propose du haut de son village natal Ouadhias, sur Djurdjura, n’est rien d’autre qu’une avalanche de mots, de vers. Résultat : son poème composé d’un millier de vers est un écrasement massif. Publié en 2005 aux éditions El Amel à Tizi Ouzou, sous le titre si romantique Le cri de l’amour, le poème, de facture classique, laisse en fait une impression d’oppression et de démesure. Pas seulement à cause de son développement qu’on serait tenté de qualifier de cornélien, ni du souffle épique qui le traverse de part en part, mais en raison surtout des attributs quasi divins que la poétesse de langue amazighe leur octroie généreusement. Drapé dans son orgueil et sa force, l’homme, en sa montagne altière comme l’Olympe, est un dieu. La femme qui vers la fin va être sa compagne de vie, toute frêle qu’elle est, n’en est pas moins son égale par la force morale. Si l’un et l’autre consentent à quitter volontiers l’empyrée et à revêtir la forme humaine, c’est pour mieux se disputer sur un terrain bien humain celui-là : l’amour. On sait dès lors de quel côté est la victoire. Dans ce duel, maîtresse d’escrime (pour parler un peu comme Boileau), la femme l’emporte grâce à sa science et à son art consommé de la vie sur son rival. Sur le registre purement sentimental, Le cri de l’amour, c’est un peu le sang d’Atys, de François Mauriac, toutes proportions gardées, naturellement. Cybelle, la déesse de la terre, aime à la folie Atys, le dieu de la végétation. Son désespoir vient de ce que cette « Reine à l’immense front que les tristes marées ceignent de varechs noirs, de méduses moirées », ne peut-être prise « dans l’anneau de deux bras ». Elle découvre soudain qu’elle rêve d’une étreinte impossible. Atys est trop petit pour elle. La femme chez Boughedad a résolu la difficulté en dépouillant comme dans Samson et Dalila, son rival de son orgueil et de sa force. Aux derniers vers, il est à ses pieds. Victoire de courte durée, car voilà notre poétesse qui signe, il y a quelques semaines, un deuxième poème de même longueur que le premier auquel il fait suite : Les larmes et les lettres aux mêmes éditions. Et comme Cybelle, l’héroïne de ce 2e chant se sent trahie. « La nymphe Sangaris qu’en un songe, il accueille… » Quoi qu’il en soit, voilà deux grandes odes, l’une dédiée à l’amour, l’autre à la trahison et l’on fera œuvre de lecture en tentant de voir, à titre de curiosité, par quels bouts par exemple les deux poèmes de Boughedad et le sang d’Atys se touchent.
« Assis au bord de la route
Je tâche d’oublier mes malheurs
Au mendiant j’ai donné l’aumône
Je rêve d’un autre visage. »
Si l’on est sensible aux trésors que fait miroiter cette belle langue depuis plus de deux siècles sans prendre une seule ride, alors on lira avec le même intérêt ces deux poèmes composés en tamazigh.
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