Algérie - Revue de Presse

la fédération de france du FLN et le « second front »




La révolution algérienne au c?ur de la puissance coloniale Cinquante années après le déclenchement de la Guerre de Libération, le recul paraît suffisant pour en parler avec objectivité et sans passion partisane.Décrire l?action de la Fédération de France du FLN, une action gigantesque mais combien ignorée, c?est évoquer ces 150 000 femmes et hommes structurés au sein du Front, force extraordinaire implantée au c?ur du pays colonisateur, et dont l?histoire ne donne pas d?autre exemple. C?est aussi rappeler les 30 000 militantes et militants incarcérés dans les prisons et les centres d?internement de France, et qui, sous d?autres formes, poursuivaient le combat derrière les murs des centrales et les barbelés des camps. C?est également décrire l?Organisation spéciale (OS) et les « groupes de choc » du Nidham (organisation politico-administrative), véritable armée de l?ombre, soldats sans uniforme opérant sur le sol de l?Hexagone et dont la plupart des missions constituaient des actions de kamikaze, délibérément acceptées parce que accomplies avec la conviction que donnent les causes justes. Et que dire de l?apport financier de l?émigration qui, selon le témoignage de Bentobal, couvrait à lui seul, les dernières années de la guerre, entre 50% et 80% du budget de fonctionnement du GPRA ! La limite du présent article nous impose de restreindre notre évocation à un événement exemplaire sur lequel semble s?étendre le voile de l?oubli. Aussi nous ne rappellerons pas un autre épisode plus important dans ses conséquences politiques, la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Nous examinerons donc cette phase du combat du FLN qui, à l?époque, fit couler assez d?encre et hélas beaucoup de sang : l?action du 25 août 1958 ou l?ouverture en France d?un « second front ». En mai 1957, le CCE désignait un nouveau responsable à la tête de la Fédération, récemment décapitée par de nombreuses arrestations. Omar Boudaoud arrivait alors muni de certaines directives du CCE, en particulier celle de créer, dès que les circonstances le permettraient, un climat d?insécurité en France afin de contraindre le gouvernement à y maintenir le maximum de troupes, ce qui aurait allégé d?autant le dispositif de guerre pesant sur l?ALN en Algérie. En ce mois de juillet 1958, dans un village de la banlieue de Cologne, sur la rive droite du Rhin, l?auberge des Die Falken abrite une réunion qui dure plus d?une semaine. Le Comité fédéral et les chefs des quatre wilayas du FLN en France tiennent une séance extraordinaire. S?y trouvent Omar Boudaoud, chef du Comité fédéral, Saïd Bouaziz, responsable de l?OS, Ali Haroun, responsable de la presse/information de l?organisation et de la défense des détenus, Kaddour Ladlani, responsable de l?organisation mère, Abdelkrim Souici, responsable des finances et des organisations annexes (SU, AGTA...). S?y trouvent également Moussa Kebaïli, chef de la Wilaya I (Paris-Centre), Hamada Haddad, chef de la Wilaya Il (Paris-périphérie), Amor Ghezali, chef de la Wilaya III (Centre : Lyon-Grenoble-Saint-Etienne), Smaïl Manaâ, chef de la wilaya IV (Nord et Est) et Bachir Boumaza, responsable du collectif du Comité de soutien aux détenus (CSD). Le comité élargi estime que le FLN est parvenu à installer sur le territoire français une organisation politico-administrative et paramilitaire telle qu?il peut envisager le passage à une forme supérieure de combat. A cet effet, Boudaoud rappelle qu?il est venu, investi d?une mission bien précise et, parmi les directives données par Abane Ramdane, au nom du CCE, celle d?ouvrir en France, au moment opportun, un « second front ». Le but : élargir le champ du combat, contraignant ainsi le gouvernement colonial à accroître ses dépenses militaires et son budget de répression pour rendre sa politique impopulaire et disperser ses forces, ce qui soulagerait d?autant les maquis. Les participants se donnent alors un mois de délai pour préparer, chacun dans son domaine, l?action envisagée. Levant la séance le 25 juillet 1958, ils fixent le déclenchement au 25 août 1958 à zéro heure. Il est convenu que la date restera secrète, connue seulement des participants, l?OS, et les groupes de choc devant être prêts à l?action au jour J. Et chacun prend le chemin du retour vers sa circonscription : les responsables de wilaya par leurs filières respectives et, un peu plus tard, Bouaziz, Haroun et Ladlani transitent par la Belgique où, depuis Bruxelles, un membre du réseau des filières les conduira jusqu?à Paris pour les déposer vers 2 h du matin rue de Rivoli, au milieu de la cohue des halles, qui n?avaient pas encore déménagé à Rungis. Le 22 août 1958 se tient à Sceaux, dans la banlieue sud de Paris, la réunion ordinaire mensuelle pour l?examen des rapports organiques et financiers. Un élément des réseaux de soutien est chargé de véhiculer les participants au nombre de sept : Bouaziz, Haroun et Ladlani pour le Comité fédéral ; Kebaïli, Haddad, Ghezali et Souami (1), chefs des quatre wilayas. Mais cette fois-ci, l?ordre du jour de la réunion compte, en outre, l?ultime vérification du dispositif avant l?heure H. Tout est au point. Aucun imprévu n?a perturbé le planning établi à Cologne. On confirme : 25 août 1958, zéro heure, et on se sépare. Le compte à rebours commence. Coup de tonnerre dans la quiétude estivale de la France en vacances. Le peuple français dans sa grande masse va soudain découvrir par la presse, le 26 au matin, que la guerre coloniale vient de franchir la Méditerranée au moment même où il commençait à s?en accommoder. Les rumeurs des manifestations de rappelés étaient depuis longtemps étouffées par la répression policière, encouragée il est vrai par le laxisme des socialistes et des communistes, partisans des « pouvoirs spéciaux » votés à Guy Mollet. Commissariats, postes de police et casernes attaqués, dépôts de carburant incendiés, voies ferrées sabotées, objectifs économiques visés, policiers, militaires tués, raffineries en flammes et quartiers entiers évacués... Tout cela en une seule nuit. Mais quel fut le bilan réel ? Dans la région parisienne, les commandos, sous les ordres directs de Saâdaoui et Mezrara, passent à l?attaque. A 2 h 05, l?annexe de la préfecture de police - 66, boulevard de l?Hôpital, à Paris -est assaillie. Sur les quatre policiers de garde, trois tombent, le quatrième est grièvement atteint. Le commissariat du XIIIe arrondissement est arrosé de rafales de mitraillettes. Quai de la Gare, un dépôt d?essence est touché. La cartoucherie de Vincennes prise à partie. L?on se propose de la faire sauter. L?attaque, dirigée par Larbi Hamidi dit Amar, a lieu à 3 h du matin. Mais des policiers alertés quelque temps auparavant patrouillent. Elle se solde par une intense fusillade : 1 policier tué, plusieurs blessés et du côté FLN, 2 tués et 8 blessés. L?objectif de Vincennes a été en réalité un échec dû à une préparation hâtive. Des dépôts de pétrole à Gennevilliers et à Vitry sont incendiés. Egalement à Vitry est attaquée une usine de montage de camions militaires. Sont aussi visés, mais sans succès, un hangar à l?aéroport du Bourget ainsi qu?une usine à Villejuif. Cela pour la région parisienne. Dans le découpage géographique de l?OS, la Normandie constitue une région militaire confiée à Aomar Tazbint, dit Abdou, chef de région avec Arab Aïnouz comme adjoint et Abderrahmane Skali comme artificier. Ces trois hommes, avec leurs éléments - une trentaine environ -, vont mener les opérations des 25 août et jours suivants jusqu?à leur arrestation intervenue le 29 septembre 1958. A Port-Jérôme, près du Havre, la raffinerie Esso-Standard est sabotée. La centrale de gaz de Rouen est attaquée avec succès. Une tentative d?attaque contre le commissariat central de Rouen est stoppée par la police qui intercepte la voiture du commando et saisit la bombe destinée au bâtiment. Lors du désamorçage, l?engin explose tuant et blessant plusieurs policiers. Le commando compte un mort : Omar Djillali. A Elbeuf, un brigadier-chef sera grièvement blessé. Plusieurs attaques seront menées à Evreux pour lesquelles Mohamed Tirouche et Ali Seddiki, arrêtés puis condamnés à mort, seront guillotinés en 1960. Au Petit-Quevilly, près de Rouen, le dépôt pétrolier est attaqué. Malgré la présence de la police qui tue un militant et en blesse un autre, le commando parvient à incendier quatre cuves de carburant d?une contenance de 4000 mètres cubes. Compte tenu des nombreux objectifs économiques et militaires recensés par l?OS dans le Midi de la France, cette zone est subdivisée en plusieurs circonscriptions ou régions militaires. Le chef en est Ouahmed Aïssaoui, aidé par l?artificier Ouznani. Deux agents de liaison : Yamina Idjerri dite Antoinette et Rabia? Dekkari dite Djamila assurent un contact permanent avec Paris où se tient l?état-major de la Spéciale. Quatre subdivisions ont chacune à leur tête un chef de région. Ces cadres avec leurs hommes - moins d?une centaine pour toute la zone sud - vont, en quelques jours, déferler en vagues d?actions directes ininterrompues durant plusieurs semaines. Dans une mise au point adressée le 10 juillet 1972 au journal El Moudjahid qui ne l?a pas publiée, Ouahmed Aïssaoui rappelle, au sujet des actions du 25 août 1958, les conditions de préparation, les objectifs visés et les buts atteints. Il y donne sans forfanterie le détail des objectifs attaqués cette nuit et le bilan - somme toute modeste à ses yeux - de l?action dans cette zone. Soit en bref : « 1re région : Mourepiane, Cap Pinède, les Aygalades. 2e et 3e régions : raffineries de Berre, Lavéra, La Mède et Sète. Aucune charge télécommandée n?avait fonctionné. L?attaque elle-même du point de vue organisation avait pleinement réussi, puisque nos éléments, conduits par leurs chefs de groupe, avaient pénétré dans les lieux, placé les charges sur les vannes, déroulé les fils et en étaient ressortis sans avoir été remarqués. 4e région : Port-La-Nouvelle et La Rochelle. Les charges télécommandées ont fonctionné sur le premier objectif qui a brûlé. » Serein et pas enclin à l?exagération, le responsable de l?OS pour la zone sud est d?une modestie qui ne traduit sans doute pas les résultats réels de ce que l?on a appelé la « nuit rouge », ni l?impact certain qu?elle imprima sur les médias. Si la presse souligne les « attentats manqués » contre les dépôts des sociétés Shell et British Petroleum à Saint-Louis, elle informe sans le vouloir que le FLN dispose désormais de techniciens capables d?utiliser des engins sophistiqués et des bombes télécommandées. Elle ne peut davantage passer sous silence que, simultanément à ces actions manquées, le dépôt de la Mobil Oil, près de Toulouse, brûle encore. Deux réservoirs ont sauté, provoquant un incendie dont les flammes atteignent plus de 100 m de hauteur et les colonnes de fumée sont visibles à 20 km alentour. Mobil Oil perdait cette nuit 8000 m3 cubes de carburant. Mais c?est l?affaire de Mourepiane qui, tant par ses conséquences immédiates que par les péripéties judiciaires qui s?ensuivirent, caractérisera dans les mémoires ce « second front » ouvert dans la nuit du 25 août 1958. Quatorze ans plus tard, Albert-Paul Lentin décrit ainsi l?action : « L?opération capitale est cependant celle qui est dirigée contre le plus grand dépôt de stockage de carburant du sud-est de la France, celui de Mourepiane, dans la banlieue nord de Marseille, non loin du port. L?attaque est précédée par une man?uvre de diversion. Des Algériens allument à 21 h plusieurs foyers d?incendie dans les forêts de l?Esterel de manière que plusieurs équipes de pompiers chargées de combattre le sinistre s?éloignent de Marseille. A 3 h 15, l?explosion fait sauter les deux réservoirs et secoue tout le quartier de l?Estaque. Un incendie qui éclaire tout le ciel de Marseille et ravage sept des quatorze bacs. Nouvelle explosion à 8 h 45 après que l?on eut fait évacuer en toute hâte les habitants des quartiers en danger, puis le soir, à 20 h 20, formidable explosion qui détruit toutes les installations qui avaient jusque-là échappé aux destructions. Un pompier - Jean Péri - est tué. Il y a 19 blessés, parmi lesquels le maire de Marseille, Gaston Deferre qui, s?étant rendu sur les lieux, a été touché à un pied. Le feu brûle encore à Mourepiane pendant dix jours... 16 000 m3 de carburant ont été détruits. » L?incendie se propage. Des habitants du quartier sont contraints de fuir les flammes. Les photos de sinistrés publiées le lendemain ont un impact international. Rappelant les faits en 1972, Aïssaoui estimait prudemment que cela aurait pu être une catastrophe pour la France. Au moment même, Le Provençal, influent journal du Midi, titrait : « C?est une catastrophe nationale ». Le lendemain matin, dès l?annonce par la presse et la radio des premiers résultats de la vague d?attentats, le Comité fédéral, qui avait déjà préparé par la commission de presse une déclaration explicative sur les buts de la « nuit rouge », la fait rectifier à la lumière des incendies gigantesques de pétrole qui continuaient d?embraser le ciel du Midi. « Par la guerre à outrance en Algérie et la répression en France, les gouvernements français ne laissent plus aux Algériens d?autres moyens d?action directe pour manifester leur conviction patriotique. C?est pourquoi, conscient de ses responsabilités, après avoir pesé les risques et envisagé toutes les conséquences de ses actes, le FLN a décidé la destruction, partout où il se trouve, du potentiel de guerre ennemi, et en particulier de ses réserves de carburant. » Ce triomphalisme présomptueux de la déclaration n?apparaissait guère à ses auteurs dans l?euphorie des informations reçues. La Fédération de France ne perdait pas de vue pour autant son but politique permanent : faire comprendre à la grande masse que seul le colonialisme est à abattre. Quant au peuple français, dont certains fils sont des alliés effectifs, il ne sera jamais visé ! « L?émigration algérienne, ajoute la déclaration, réaffirme toute son estime aux Français et Françaises qui, pour avoir compris l?idéal de liberté du FLN, sont jetés dans les prisons ou traînés dans la boue par les journaux et radios colonialistes », car ils seront demain « les véritables défenseurs des valeurs françaises en Algérie ». Le texte affirme solennellement que les civils ne seront pas intentionnellement visés. Car il faut bien s?en persuader, l?action menée dans la nuit du 25 août, sur le territoire français, ne constitue ni « une vaine et stérile entreprise terroriste », ni « un acte de désespoir ». Comme il fallait s?y attendre, la répression se durcit. Un couvre-feu spécial pour Nord-Africains est instauré dès le 27 août dans le département de la Seine, le 3 septembre dans le Rhône, et le 4 en Seine-et-Oise. Les chasses au faciès se multiplient à Paris, Marseille, Lyon, Belfort et les « transferts » en Algérie se développent. Tout « basané » devient suspect et les Algériens emplissent les hôpitaux désaffectés, comme Beaujon ou les casernes spécialement aménagées pour eux. Des milliers sont triés au Vélodrome d?Hiver, avant d?être internés dans les camps d?Algérie. Ni les contrôles renforcés ni les arrestations préventives n?empêchent l?action déclenchée le 25 de se poursuivre, avec moins d?éclat peut-être, mais non sans efficacité. A Paris, accrochage dans la nuit du 27 au 28 août d?une cellule de l?OS avec un groupe de policiers. Le 31 août, attaque réussie de dépôt d?essence à Arles et de l?usine à gaz d?Alès qui explose. Le 1er septembre, les commandos essuient un échec devant le siège de l?Office algérien d?action économique (OFALAC), avenue de l?Opéra, à Paris. Le 2, explosion d?une bombe près de Rouen. Le 3, sabotage de la voie ferrée Paris-Le-Havre. Les commandos s?attaquent le 4 septembre à l?aérodrome de Melun et, le lendemain, un sabotage entraîne le déraillement d?un train de marchandises à Cagnes-sur-Mer, dans le Midi. Le 7 septembre, une action de faible résultat est menée contre l?aérodrome de Villacoublay. A Lyon, le poste de police de la place Jean-Macé est attaqué : un brigadier y trouve la mort. Espérant rééditer leurs prouesses du 25 août contre les installations pétrolières, les éléments de la Spéciale du Midi visent les dépôts des banlieues de Marseille et de Bordeaux, ce même 7 septembre. Le résultat est mince, pour ne pas dire médiocre. Le lendemain, c?est le tour de la centrale électrique de la Boisse, dans l?Ain. Désormais, on s?attaquera d?une façon plus sélective au potentiel de guerre du colonialisme français. Combat combien inégal ! A peine le « pot de fer » sera-t-il égratigné. Il n?empêche, le « pot de terre » est résolu d?aller jusqu?au bout de son entreprise. En rade de Toulon, les hommes de l?OS tentent vainement de fixer des charges explosives sur les coques du cuirassé Jean Bart, de l?escorteur Bouvet et du sous-marin Dauphin. Cependant, le sabotage du Président de Cazalet fait quelque bruit. Le 5 septembre 1958, le navire quitte Marseille vers 11 h à destination de Bône. A 12 h, alors qu?il se trouve à une vingtaine de milles au large, il signale une explosion dans le compartiment des ventilateurs de chauffe, immobilisant les machines, causant d?importants dégâts et soufflant les cloisons. Un commencement d?incendie vite enrayé suit la déflagration. Le navire en difficulté est pris en remorque par le Djebel Dira qui se trouve dans les parages. Treize personnes sont blessées et un chauffeur qui souffre de graves brûlures succombe deux jours plus tard. L?offensive du 25 août se poursuivait. Entre temps parvenait à Paris le communiqué de CCE publié au Caire le 31 août 1958. Intitulé « Déclaration du Comité de coordination et d?exécution de la Révolution algérienne à propos de la guerre portée en France par le Front de libération nationale », le texte trahit, par la grandiloquence du titre, le soulagement de la direction établie en Egypte de voir le FLN reprendre un second souffle après une lutte de quatre années caractérisée, surtout les derniers mois, par un affaiblissement passager, mais certain, de l?ALN conséquent au « rouleau compresseur » passé sur l?Algérie par les 800 000 hommes de l?armée française. A la veille des actions d?août en France, l?ALN marque militairement le pas en Algérie. Mais son déficit en hommes compétents et son manque de matériel efficace n?affectent en rien son moral toujours élevé, malgré la saignée qu?elle vient de subir. Ainsi, dans la Wilaya III (Kabylie), les opérations commencées à l?époque avec 12 000 combattants se sont terminées avec 3000 survivants. Au point que le chef du département de la guerre, au nom du CCE, sentait le besoin de diffuser par la radio du Caire les 8 et 9 juin 1958 un ordre général n°1 destiné à soutenir, encourager et fortifier la combativité des djounoud. Ainsi le piétinement du combat, l?arrivée de de Gaulle au pouvoir proclamant l?intégration des « Français à part entière » dans le giron de la mère patrie, tout cela ne contribuait pas à faire monter la cote du CCE auprès des pays « frères et amis ». Apprenant la nouvelle du 25 août, rapportée par les radios internationales et amplifiée dans un but louable par la presse du Moyen-Orient, la direction l?a ressentie « comme un véritable ballon d?oxygène » ouvert sur le 32, rue Abdelkader Sarwat, siège central du FLN au Caire. Alors que les dirigeants égyptiens, doutant d?une issue conforme aux aspirations algériennes, manifestent depuis plusieurs mois une attention moins soutenue à l?égard du Front, ils demandent à rencontrer, dès le 26, les membres du CCE présents dans la capitale. Les Egyptiens paraissent réconfortés de n?avoir pas joué une carte perdante en soutenant la lutte du FLN. Dès l?annonce de la nouvelle, Fethi Dib - compagnon et homme de confiance de Nasser et aussi chef des services de renseignements égyptiens - souhaite rencontrer Krim et Bentobal pour leur exprimer sa satisfaction de constater que « la Révolution n?a pas perdu son souffle ». En Tunisie, les deux hommes en compagnie de Mahmoud Cherif, autre membre du CCE, sont également sollicités par Ahmed T?lili et Tayeb Mehiri, membres du gouvernement. Des wilayas d?Algérie, les messages arrivent qui traduisent le contentement des djounoud particulièrement sensibles au fait que l?action du 25 août immobilise en France même 80 000 soldats. La Wilaya II (Constantinois), quant à elle, accueille, avec une satisfaction évidente, « l?élargissement du Front qui constituait un encouragement pour l?ALN, parce que l?effort de guerre ennemi allait s?accroître avec l?aggravation de ses difficultés économiques. Le moral des combattants algériens s?est élevé du fait que tous les nationaux s?avèrent alors mobilisés à l?intérieur des frontières, comme à l?extérieur, pour atteindre le même but : l?indépendance du pays. Le fardeau est partagé par tous et devient donc moins lourd ». A l?égard du peuple français, le CCE appuie la déclaration de la Fédération en soulignant « le caractère strictement stratégique de notre combat. Le choix des objectifs et des méthodes démontre notre désir d?épargner les populations civiles ». Si des atteintes à ces populations se produisent, elles n?auront pas été voulues, « les nécessités de notre lutte sont impératives ». Le paragraphe final s?adresse aux « moudjahidine des commandos et aux patriotes de la colonie algérienne en France » : « Combattez farouchement l?ennemi en épargnant ceux qui sont sans défense. Vous savez mourir en respectant les femmes et les enfants. C?est cet idéal qui est le gage de notre victoire. » L?on voit par là le souci constant, à tous les niveaux de la direction du Front, de ménager l?opinion française pour la désolidariser de ses représentants politiques du moment. Le 21 septembre, les accrochages avec des voitures de police se poursuivent à Villejuif, à L?Hay-les-Roses, à Aubervilliers. Tandis que les « groupes de choc » attaquent le commissariat d?Aulnay-sous-Bois, l?OS fait sauter des usines de caoutchouc de Kleber-Colombes et le relais de télévision du Havre. Ce sont deux éléments de la « Spéciale », deux femmes, Aïcha Alliouet et Marcelle X., qui tentent le sabotage du poste intérieur clandestin de la DST, installé au 3e étage de la tour Eiffel. Cette action va soulever un tollé général d?indignation, présentant le FLN en France comme dirigé par « une équipe de terroristes » et les moins indignés lui dénient tout sens politique. « Voyez donc, ils ne respectent même pas le symbole universel et innocent de la Ville Lumière ! » On omet simplement de mentionner l?existence du relais radio spécial de la police au sommet du monument. De toute façon, la bombe à retardement est préparée par Chaïeb avec une charge calculée pour ne détruire que le poste, sans aucun risque pour la stabilité de la tour. L?engin est d?ailleurs découvert avant qu?il n?explose. Evidemment, il n?était pas question - et le FLN n?en a jamais eu les moyens - de soumettre tous les soirs le territoire français à une nuit rouge. L?action du 25 août constituait simplement une bataille au cours d?une guerre de plus de sept ans. Il est certain toutefois que ce n?est pas ce « risque d?essoufflement » qui - d?après la presse, aurait été « reconnu même par les membres les plus intransigeants du GPRA » - les aurait ralliés à une décision d?arrêter les opérations militaires en France. Le Comité fédéral n?a jamais reçu, comme on l?a écrit, un ordre daté du 27 septembre lui enjoignant de « faire cesser les agressions ». Après une offensive de quelques semaines, le but fixé par la Fédération paraissait relativement bien atteint. Quoi qu?il en soit, retenons cette date du 27, puisque des bilans officiels ont été établis jusque-là. Entre les 25 août et 27 septembre ont été dénombrés 56 sabotages et 242 attaques contre 181 objectifs. Les opérations ont hélas ! fait 188 blessés et 82 morts. Nombreux ont été les militants blessés et tués, les armes à la main, déchiquetés par leurs engins, abattus par les forces de répression et, plus tard, assassinés à froid dans les commissariats ou guillotinés. C?est pourquoi, tout en dressant un constat globalement positif, pensant à toutes ces morts gratuites, fruits vénéneux du mépris de certains hommes persévérant à maintenir d?autres sous la sujétion, le Comité fédéral voulut tellement espérer que cette bataille fut la dernière, abandonner les bombes inutiles au plus profond d?un étang sans poisson et dire avec Malek Haddad : « La grenade a son temps, mais le temps des cerises (...) », « celui que je préfère est encore celui-là. » Hélas ! de Gaulle refusant le rameau d?olivier tendu le 28 septembre par le GPRA propose « une négociation sans préalable ». Comme en Algérie, en France les grenades allaient encore éclater. Le FLN y avait été contraint. Les cerisiers de la paix n?avaient pas encore fleuri. Ce rappel n?est qu?un épisode parmi d?autres de cette épopée que fut la guerre de Libération. Pourquoi le remarquable combat de l?émigration mobilisée par la Fédération du FLN en France a-t-il été jusqu?à ce jour méconnu ? En fait, l?indépendance proclamée dans la discorde de l?été 1962 a rejeté dans l?anonymat les responsables de cette Fédération, rebelle au diktat du premier pouvoir de l?Algérie libérée. Aussi l?apport de l?émigration a-t-il été volontairement occulté. Depuis, une histoire officielle est enseignée à nos jeunes pour glorifier certains au détriment de la réalité profonde de notre Révolution. Espérons qu?à l?occasion de ce cinquantenaire, la vérité historique pourra enfin émerger. Par Ali Haroun Ancien membre du Comité fédéral Membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) durant la guerre d?indépendance (1) Entre-temps, Souami, dit J3, avait remplacé Manaâ à la tête de la wilaya IV.

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