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La croix et la bannière



La suppression de l'article garantissant la liberté de conscience dans la nouvelle Constitution peut bienouvrir la voie à des dérives. Le cas de l'étudiant Walid Kechida en est une illustration. Un recul inquiétant.Pour tenter de le disqualifier auprès de l'opinion, il fallait lui coller une autre accusation, celle d'atteinte à l'entité divine. La condamnation à la lourde peine de trois années de prison ferme de l'étudiant Walid Kechida par le tribunal de Sétif relance le débat sur l'une des libertés les plus inviolables. La liberté de conscience.
Un "délit" qui traduit indéniablement un recul inquiétant des garanties des droits fondamentaux de la personne humaine. Consacré dans toutes les Constitutions du pays depuis l'indépendance, ce principe indissociable des acquis fondamentaux de l'homme, universellement reconnus en matière des libertés individuelles et collectives, a curieusement sauté dans la nouvelle Constitution remaniée.
Dans son article 42, la loi fondamentale de 2016 stipule clairement que "la liberté de conscience et la liberté d'opinion sont inviolables. La liberté d'exercice du culte est garantie dans le respect de la loi". Ce principe est expurgé de la nouvelle Constitution promulguée il y a moins d'une semaine, laquelle ne fait aucunement allusion à la liberté de conscience, mais plutôt à la liberté d'opinion "inviolable" et à l'exercice des cultes "garanti" et pratiqué "dans le respect de la loi" comme précisé dans son article 51.
Une base juridique qui ôterait toute latitude aux justiciables de recourir, y compris à l'exception d'inconstitutionnalité permettant la saisine du Conseil constitutionnel sur renvoi de la Cour suprême ou du Conseil d'Etat, "lorsque l'une des parties au procès soutient devant une juridiction que la disposition législative dont dépend l'issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution".
Elle dénote, aussi, d'une flagrante récession des libertés et droits inaliénables des Algériens, abasourdis par la teneur des sentences prononcées dans les tribunaux et cours de justice contre des activistes et autres libres penseurs. Le cas du jeune étudiant Walid Kechida est, à ce titre, révélateur.
Ce n'est certainement pas par la faute d'une quelconque mégarde de procéduriers que l'âme d'un artiste comme Walid Kechida est tombée sous le coup de l'article 144 bis 2 du code pénal prévoyant "un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d'une amende de 50 000 DA à cent mille 100 000 DA, ou l'une de ces deux peines seulement, pour quiconque offense le Prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l'Islam, que ce soit par voie d'écrit, de dessin, de déclaration ou de tout autre moyen".
Une disposition qui va davantage plus loin, puisque les poursuites pénales sont engagées d'office par le ministère public. Dans la réalité, entre la peine requise par le parquet et celle prononcée par le juge du tribunal de Sétif, Walid Kechida a écopé de la sanction maximale, eu égard aux faits qui lui sont reprochés. L'interprétation des mèmes publiés par Walid sur les réseaux sociaux par les commis à l'instruction de son dossier aura été déterminante dans sa condamnation.
Néanmoins, qui est admis pour cerner une explication juste et justifiée d'une recomposition d'images sur un ton ironique sans risque d'atteinte à la liberté d'opinion, d'expression et de... conscience ' Plus connu pour son activisme au sein du Hirak, c'est à celui-ci que Walid Kechida doit son "péché" et ses déboires avec une justice indécise sur son cas, huit mois durant.
Ce n'est, hélas pas, le premier procès intenté à la liberté de conscience. Il y a un peu plus d'un mois, un autre hirakiste et militant de la cause amazighe, Yacine Mebarki, avait été condamné en appel par la cour de Khenchela à une année de prison ferme après le verdict hallucinant de dix années de prison ferme et un milliard de centimes d'amende prononcés à son encontre en première instance. Il avait été poursuivi notamment pour "profanation du Livre saint" et d'"incitation et pression sur un musulman afin qu'il délaisse sa religion".
Pour certains, le procès de Yacine Mebarki, qui croupit encore à la prison de Khenchela, n'était autre que celui de la liberté de conscience. Il en est de même pour les mèmes de Walid Kechida.

Kamel GHIMOUZE
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