Algérie - Emir Abdel Kader

L'éloge du Sahara Par L'Emir Abdelkader Gloire à Dieu !




L'éloge du Sahara  Par L'Emir Abdelkader   Gloire à Dieu !


Ô toi qui prends la défense du bader et qui condamne l'amour du bedoui pour ses horizons sans limites est-ce la légèreté que tu reproches à nos tentes ?
N'as-tu d'éloges que pour des maisons de pierre et de boue ?
Si tu savais les secrets du désert, tu penserais comme moi mais tu ignores, et l'ignorance est la mère du mal.
Si tu t'étais éveillé au milieu du Sahara, si tes pieds avaient foulé ce tapis de sable parsemé de fleurs semblables à des perles, tu aurais admiré nos plantes, l'étrange variété de leurs teintes, leur grâce, leur parfum délicieux tu aurais respiré ce souffle embaumé qui double la vie, car il n'a pas passé sur l'impureté des villes.
Si, sortant d'une nuit splendide, rafraîchie par une abondante rosée, du haut d'un merkeb
Si tu avais étendu tes regards autour de toi
Tu aurais vu au loin et de toutes parts des troupes d'animaux sauvages
Pourtant les broussailles parfumées.
À cette heure tout chagrin eût fui devant toi
Une joie abondante eût rempli ton âme.
Quel charme dans nos chasses, au lever du soleil !
Par nous, chaque jour apporte l'effroi à l'animal sauvage et le jour du rahil quand nos rouges haouadedj sont sanglés sur les chameaux, tu dirais un champ d'anémones s'animant, sous la pluie, de leurs riches couleurs, sur nos haouadedj reposent des vierges, leurs taka sont fermées par des yeux de houris.
Les guides des montures font entendre leurs chants aigus ; le timbre de leurs voix trouve la porte de l'âme.
Nous, rapide comme l'air, sur nos coursiers généreux (les cheli flottent sur leur croupe)
Nous poursuivons le houache, nous atteignons le ghézal, qui se croit loin de nous.
Il n'échappe point à nos chevaux entraînés, et aux flancs amaigris.
Combien de délim et de leurs compagnes ont été nos victimes !
Bien que leur course ne le cède point au vol des autres oiseaux.
Nous revenons à nos familles, à l'heure où s'arrête le convoi, pour un campement nouveau, pur de toute souillure.
la terre exhale le musc, mais plus pure que lui, elle a été blanchie par les pluies du soir et du matin.
Nous dressons nos tentes par groupes arrondis ; la terre en est couverte comme le firmament d'étoiles.
Les anciens ont dit, ils ne sont plus, mais nous l'ont répété, et nous disons comme eux, car le vrai est toujours vrai : Deux choses sont belles en ce monde, les beaux vers et les belles tentes.
Le soir, nos chameaux se rapprochent de nous, la nuit, la voix du mâle est comme un tonnerre lointain.
Vaisseaux légers de la terre, plus sûrs que les vaisseaux, car le navire est inconstant.
Nos mahara le disputent en vitesse au sahara
Et nos chevaux, est-il une gloire pareille !
Toujours sellés pour le combat ; à qui réclame notre secours, ils sont la promesse de la victoire.
Nos ennemis n'ont point d'asile contre nos coups, car nos coursiers, célébrés par le Prophète, fondent sur eux comme le vautour.
Nos coursiers, ils sont abreuvés du lait le plus pur ; c'est du lait de chamelle, plus précieux que celui de vache.
Le premier de nos soins, c'est de partager nos prises sur l'ennemi ; l'équité préside au partage ; chacun a le prix de sa valeur.
Nous avons vendu notre droit de cité ; nous n'avons point à regretter notre marché.
Nous avons gagné l'honneur ; le hader ne le connaît point.
Rois nous sommes ; nul ne peut nous être comparé.
Est-ce vivre que de subir l'humiliation ?
Nous ne souffrons point l'affront de l'injuste ;
nous le laissons, lui et sa terre.
Le véritable honneur est dans la vie nomade.
Si le contact du voisin nous gène, nous nous éloignons de lui ; ni lui, ni nous n'avons à nous plaindre.
Que pourrais-tu reprocher au bedoui ?
Bien que son amour pour la gloire, et sa libération qui ne connaît pas de mesure
Sous la tente, le feu de l'hospitalité luit pour le voyageur ; il y trouve, quel qu'il soit, contre la faim et le froid, un remède assuré.
Les temps ont dit : la salubrité du Sahara.
Toute maladie, toute infirmité n'habite que sous le toit des villes.
Au Sahara, celui que le fer n'a point moissonné, voit des jours sans limite, nos vieillards sont les aînés de tous les hommes.
Celui qui, chez nous, ne meurt pas d'un coup d'épée, vivra longtemps ; nous sommes, parmi les créatures, les mieux assurées de longévité.

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