Algérie - 05- La période Ottomane

L'Economie du Beylik
Les ressources financières de la province se composaient :
- des impôts,
- du domaine du deylec,
- des droits d'investiture, des amendes, des confiscations et autres contributions irrégulières.

Les impôts : Ils étaient de diverses natures.

- Le hokeur, impôt en argent, de 25 francs par chaque djebda, ou espace de terrain que peuvent labourer, dans la saison, deux boeufs attelés à une charrue, et variant entre dix et quinze hectares, et même plus, suivant la nature du terrain (*).

(*) La djebda, d'après une note que nous devons à la rédaction de la Revue Africaine, répond à la zouidja de la province d'Alger. Cette note ajoute : « Il a été reconnu ici, à la suite d'une expertise ordonnée par la Cour royale que la zouidja valait, approximativement : en plaine. 12 hectares ; dans le Sahel, 7 hectares ; dans la montagne. 5 hectares.

- L’achour, ou dîme de la récolte du blé et de l'orge.
- La chebka, ou contribution en paille.
- La gherama, impôt en argent établi sur les tribus éloignées du chef lieu et qui, faute de numéraire, était acquitté le plus souvent en nature, comme chevaux, bestiaux, chameaux, etc...
- Du domaine du beylik. Il comprenait les propriétés communales et le domaine direct de l'Etat, composé de plusieurs classes distinctes d'immeubles savoir :

- Les reteb el beylec, prairies ou terres du gouvernement, mises en culture par les tribus voisines requises à cet effet, ou par les khammès (fermiers au cinquième), qui recevaient le cinquième du produit pour salaire de leurs travaux.

- Les azel, domaines affermés à des particuliers, ou donnés à titre d'apanage, de traitement ou de récompense, à certains fonctionnaires, ou à des marabouts influents.

-Les djouabria, domaines frappés du djabri, redevance annuelle fixe, quelle que fut l'étendue de la terre mise en culture.

- les habous, propriétés inaliénables, appartenant aux, mosquées et autres établissements religieux et administrées par des outils ou gérants, sous la surveillance du cheikh en nadeur.

Si, à ces impôts et à ces revenus fonciers, on joint les droits d'investiture, les amendes, les confiscations et autres contributions irrégulières, on trouve que les ressources du Trésor pouvaient s'élever au plus à trois millions. Au reste, pour mieux fixer les idées à ce sujet, nous allons donner ci après la composition intégrale du denouche, telle que nous la trouvons dans le manuscrit du cheikh Mostefa Ben Djelloul, qui devait être parfaitement renseigné à cet égard, les fonctions de bach kateb étant pour ainsi dire héréditaires dans sa famille. Mais auparavant, faisons connaître le nom des fonctionnaires préposés à l'administration des revenus du beylik.

Ces fonctionnaires étaient :

Le kaïd el achour, chargé de constater l'importance des labours et d’asseoir l'impôt d'après l'étendue des terres mises en culture. Il y en avait deux, l'un pour l'Est, l'autre pour l'Ouest.
Le kaïd el djabri, chargé de percevoir l'impôt en nature dit djabri, qui frappait les terres domaniales. Deux agents exerçaient ces fonctions sous les ordres du kaïd dar.
Le kaïd azib el djemel, chargé de la surveillance des chameaux du beylik.
Le kaïd azib el begueur, chargé de la surveillance du troupeau de boeufs.
Le kaïd azib el djeleb, chargé de la surveillance du troupeau de moutons.
Le bach khaznadji et le kaïd mohor bacha, dont nous avons défini plus haut les attributions.

Le Denouche : ou paiement semestriel de l'impôt provincial versé dans les caisses de l'Etat à Alger. Il avait lieu, deux fois par an, au printemps et à l'automne.

Le denouche ordinaire, c'est à dire celui dont le versement était effectué par l'intermédiaire du Khalifa, comprenait tant en espèces monnayées, qu'en, redevances de diverses natures, s'avoir :

Cent mille réaux bacita ; (1)
Cinquante juments ;
Cent mulets de choix ;
Trois cents bœufs ;
Trois mille moutons ;
Vingt outres de beurre fondu ;
Vingt charges de mahoueur ; (2)
Vingt charges de frik ; (3)
Cent couffins de dattes de choix ;
Cinquante couffins de bonnes olives ;
Des peaux de lions, de panthères ;
Des burnous du Djérid ;
Des haïks pour couvertures ;
Des chapelets d'ambre et de corail ;
Diverses essences ;
Des calottes rouges provenant des fabriques de Tunis.

(1) Le real bacita valait 2 Fr. 50centimes. Ce qui représente somme de 250.000 Fr.
(2) Semoule très fine dont on fait le meilleur Couscous.
(3) Blé coupé quand l’épi est encore vert, desséché au four et puis cassé très grossièrement.

Mais de tout cet impôt, le Trésor public n'en percevait pas même la moitié. Les cadeaux à faire au pacha et aux grands fonctionnaires d'Alger, en absorbaient la majeure partie. ( voir la liste et le détail des cadeaux dans la rubrique : Documents )

Ces cadeaux devaient être offerts par le Khalifa en personne et à un jour d'intervalle, en commençant par le pacha, à chacun des hauts dignitaires qui, à cette occasion, le régalaient d'une diffa splendide.

En outre, des présents d'une moindre valeur étaient faits par ses soins à divers employés secondaires, tels que les khodja turcs et arabes, les oukils hardj dar es sultan, les khaznadar, les mamelouks du palais et des spahis, l'interprète, l'agha el koul, l'agha dar sarkadji, le mezouer et le kaïd zebel.

Enfin, il fallait reconnaître par des distributions d'argent qui n'allaient pas moins de cinq ou six mille réaux, l'empressement intéressé que les valets de tous ces grands seigneurs mettaient à les servir et à lui faire escorte.

A leur tour, ceux qui avaient reçu ne laissaient pas le Khalifa s'en retourner les mains vides. Le pacha lui remettait, pour le bey, une pelisse en signe de renouvellement de son investiture, un vêtement complet, un fusil, un cheval et un yatagan.

Les autres grands fonctionnaires le chargeaient également, qui de pistolets, qui de fusils et autres objets de valeur, chacun suivant sa position et son degré de générosité.

Le huitième jour après son arrivée, le Khalifa quittait Alger et reprenait directement la route de Qacentina.

Dès que son approche était signalée, le bey et tout son entourage allaient au devant de lui jusqu'à Mecella, derrière le Koudiat Aty. Le Khalifa mettait pied à terre, allait saluer le bey et lui remettait la pelisse d’honneur, ainsi que les autres présents dont il était porteur. Puis le cortège rentrait en ville, aux acclamations de la foule, au bruit des tambours et des canons. On renouvelait à Dar el Bey la cérémonie d'investiture, et le bey se dépouillant de la pelisse, en faisait don au Khalifa, qui était reconduit chez lui en grande pompe.

Au denouche, du printemps, le Khalifa ramenait avec lui les troupes, au nombre de soixante tentes, qui devaient remplacer la garnison de l'année précédente et aider aux opérations militaires et à la rentrée de l'impôt ainsi qu'il sera dit ci-après.

Quand c'était le bey qui opérait en personne le versement du denouche, ce qui avait lieu au printemps de chaque troisième année, les contributions étaient plus que doublées, par suite du nombre et de la richesse des cadeaux qu'il était obligé de faire.

Enfin, une dernière particularité que nous devons signaler, et qui prouve que les Turcs ont toujours reconnu implicitement l'indépendance des Kabyles, c'est que, lorsque le cortège chargé d'effectuer le versement du denouche arrivait à Draâ el Ahmar, sur les terres des Ouled Mokran, commandant les Beni Abbes, un tribut en boeufs et en moutons était rigoureusement prélevé sur les fonds du denouche, au profit des chefs montagnards de ces contrées afin de pouvoir effectuer librement et sans danger d'attaque, le passage des Bibans ou Portes de Fer. Il fallait que les Turcs eussent été bien rudement éprouvés dans le principe par la bravoure de ces farouches montagnards, pour en être venus au point de subir en silence un tel acte de vassalité.


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