Algérie - Revue de Presse


Qu'y a-t-il au-delà de l'eau ? Qu'y a-t-il en deçà ? « L'eau c'est la vie !» : bien banale assertion... Mais si véritable, et si irrémédiable: il n'y a pas de vie sans eau. L'homme a, pendant des millénaires, vécu sans téléphone et sans voiture. Il a aussi, durant des millénaires, vécu sans électricité. Il n'est pas connu, cependant, qu'il ait quelque part vécu sans eau, sauf à considérer des épisodes de survie confinant à l'exploit dans des conditions où la vie était mise en péril par le manque d'eau bien précisément, l'exploit ayant consisté à faire face à de mortelles soifs en parvenant à y survivre. Mais nous voici dans un pays où l'eau est réputée rare. L'Algérie porterait-elle dans ses gènes, si l'on peut dire, l'aridité ? Non ! L'eau y est à peu près partout présente. Tout comme ailleurs. L'Algérie est riche de toutes ses eaux. Ses Eaux ? Ses eaux: littoral, sources, stations thermales, nappe albienne, zones humides, fontaines publiques dont le souvenir reste présent sinon dans le paysage citadin, du moins dans les mémoires, gueltas, oasis verdoyantes attestant de la présence de l'eau dans un milieu réputé hostile à la vie, etc. Tout nous dit et redit sans cesse que l'eau est là, présente. Insuffisante encore, certes. Mais présente. Et, comme partout ailleurs aussi, ou davantage, voici la présence de l'eau révélée à nous bien souvent et en tout premier lieu par la toponymie, c'est-à-dire le nom des lieux: où que l'on aille dans le monde, où que l'on soit allé, l'eau a précédé par sa présence la présence de l'homme, lui dictant le lieu de ses campements, quand il était transhumant, et de son installation durable, quand il devait s'installer de façon définitive dans des sites. Nous voici à Alger. Non pas à Alger-centre, comme on dit pour désigner les quartiers centraux de la capitale, mais à Hussein Dey. A la limite de ce grand quartier décentré de la capitale, un tunnel porte le nom de Oued Echayah. Un oued ? Nulle eau ne coule alentour pourtant, mais le nom évoque un oued sec. Bien avant, en venant d'Alger, voici Oued Kniss, où nulle eau ne coule non plus. Un peu plus loin d'Alger, voici la localité de Oued Romane et, plus près, voici El-Biar, autrement dit les puits. Puits d'eau, bien sûr, et non puits de pétrole ! Mais voici aussi Birtouta, Birmandreis, Birkhadem, toutes localités portant le mot puits dans leurs dénominations... Tout cela bien près d'Alger. L'un des quartiers les plus célèbres de la capitale porte le nom de Bab el-Oued. Et quant à la plus historique des parties dont se revendique la ville, quant à la Casbah donc, elle jouxte Oued Koriche. On sait ce qu'est un oued... Le Télemly, autre quartier d'Alger, mais au centre de la capitale, devrait son nom à une source qui aujourd'hui n'est plus: Tala Amellal, qui signifierait en amazigh la source blanche. Bien plus loin, à des centaines de kilomètres à l'Ouest, voici Tlemcen, nom que certains considèrent comme une évolution de Tala Yemtsen (source morte, ou source tarie, en amazigh). Et voilà aussi Aïn Sefra, Aïn Oussera, Aïn Témouchent, etc., dont les noms se rapportent aux sources dont l'existence décida l'homme à s'y fixer et à y fonder une cité. Par ailleurs, l'une des grandes villes du Sahara ne porte-t-elle pas le nom, paradoxal à première vue, d'El-Oued ? Quant au nom même d'Algérie, ne fait-il pas référence à une île ? Pour certains auteurs, Alger, centre de vie à partir duquel l'Algérie se développa comme entité nationale, avait face à elle à sa naissance et longtemps après celle-ci, un îlot aujourd'hui disparu, dont elle prit naturellement le nom (el-djazira, El-Djazaïr...). Mais voilà qu'on aborde l'histoire. L'histoire de l'eau est une histoire intelligible. Elle est, en tous lieux, celle de l'homme, sauf dans les contrées que l'homme n'a pas encore domestiquées — d'autres diraient à juste titre altérées, avilies même quelquefois. Les rapports de l'homme et de l'eau, tumultueuse ou calme, sont une suite d'enchaînements, de relations et de réactions mutuelles, de modifications résultant sans cesse des nécessités qui s'imposent à celui-ci ou dont il doit sans cesse tenir compte car elles conditionnent, s'agissant de l'eau, sa survie. Une année sans pluie est un drame. Des pluies par trop abondantes convertissent le drame en tragédie: on se souvient des inondations de Bab el-Oued qui firent des morts par milliers voici quelques années. Mais si l'histoire de l'eau reconstitue la trame des générations passées, elle nous permet aussi de nous projeter vers la pleine actualité, autrement dit vers notre actualité la plus immédiate: en Algérie l'eau est un enjeu revêtant, du fait de ses multiples incidences, une dimension grandiose. L'enjeu économique en est gigantesque et l'enjeu social, qui le fonde et le motive, imposant par ses retentissements et ses attendus, Le développement, de nouveau à l'ordre du jour, a ainsi, aux côtés du bâtiment, et solidairement à celui-ci, un vecteur prépondérant: la généralisation de l'alimentation en eau potable. On ne peut évoquer l'eau, un 22 mars, journée mondiale de l'eau, sans faire escale dans ces domaines-là: le temps a ses fidélités comme il a ses contraintes. La première de ses fidélités va certes aux noms de lieux, qui jamais ne s'épuisent mais dans lesquels on puise au gré de ses motivations: pour façonner la mémoire, pour redimensionner l'histoire, pour fonder de nouvelles allégeances. Les allégeances de notre temps sont des allégeances au fait matériel, à la rentabilité financière, au taux de croissance, au taux de chômage... Et aussi aux taux de raccordement à ceci ou cela, au taux de remboursement, au taux de pénalité, aux taux d'intérêts, de mortalité, de fécondité... Que de taux à prendre en charge pour disserter sur le bonheur de l'homme ou y travailler ! Que de taux aujourd'hui à l'ordre du jour des gouvernants comme des gouvernés auxquels il faut faire sans cesse allégeance ! Encore un taux, celui de l'eau dans le corps de l'homme: composé de plus de 60 % d'eau, le corps humain est un petit lac portable. Plus justement, autoportable. Ainsi dans chaque homme y a-t-il un jerrican qui s'ignore ! Et pour les plus dodus, parfois deux ou trois... Au-delà de l'eau, matériau de la vie
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