Algérie - Idir Aïssat

Il fut l’un des fondateurs de l’UGTA : Aïssat Idir, militant politique actif et convaincu




Il fut l’un des fondateurs de l’UGTA : Aïssat Idir, militant politique actif et convaincu

Il fallait revoir certaines étapes de sa vie pour pouvoir saisir, comprendre et suivre l’évolution de sa réflexion sur la condition indigène, réflexion qui l’a conduit à un engagement irréversible pour l’indépendance de l’Algérie. » Aïssat Hassan relève de « nombreuses aberrations » et « inexactitudes » au sujet de la naissance de l’UGTA.

Il fait état de faits méconnus. Voici quelques extraits de ce livre-témoignage sur l’itinéraire politique et syndical de Aïssat Idir : Discret à l’extrême, Aïssat Idir était simple mais très réservé, et surtout prudent. ...Ce n’est qu’après la guerre d’indépendance que nous avons compris, grâce aux témoignages de militants survivants, qu’il fut un militant politique fort actif et de grande envergure. Toute sa vie durant, il resta aussi exigeant et fidèle à ses convictions comme à ses objectifs et rien, pas même la torture, ne le fit jamais revenir sur son engagement ni renoncer à son idéal. Pour lui, le chemin indépendantiste constituait la seule réponse aux problèmes générés par l’injustice du pouvoir colonial. Aïssat Idir est né le 17 juin 1915 à Djemaâ Saharidj, dans la commune de Mekla (wilaya de Tizi Ouzou). En rentrant de Tunisie, après ses études supérieures, Idir (inscrit Iddir à l’état-civil) se maria le 16 décembre 1938 à Djemaâ Saharidj. Il décéda le 26 juillet 1959, à l’âge de 44 ans, après d’horribles tortures. Il laissait une veuve et quatre enfants : Ahmed, Djouhar, Fatouma et Saïd. Après l’école primaire d’Alger, Aïssat Idir réussit, en 1930, l’examen d’entrée à l’Ecole primaire supérieure (EPS) de Tizi Ouzou et le concours des bourses. Au terme de l’EPS, il passera à Alger le Brevet d’enseignement primaire supérieur en octobre 1933. La majorité des candidats reçus à ce brevet projetaient de devenir instituteurs et devaient pour cela réussir l’entrée à l’Ecole normale. Peu de places étaient, cependant, offertes aux indigènes dans cette école d’élite ; pour y accéder, un concours très difficile exigeait que les candidats soient excellents dans toutes les disciplines. Extrêmement doué en français et en mathématiques, Aïssat Idir travaillait jour et nuit. Ses amis l’appelaient « le sage ». Son succès ne faisait aucun doute, mais le destin en décidera autrement. Il ne put embrasser la carrière la plus prisée de l’époque : celle d’instituteur ! Au concours d’entrée à l’Ecole normale, il eut le malheur de laisser son brouillon de mathématiques à un autre candidat. (...) Après avoir travaillé avec acharnement, il se retrouvait sans résultat et sans reconnaissance pour nos parents qui s’étaient tant sacrifiés pour lui offrir une vie meilleure. Mon frère quitta l’Algérie et s’exila en Tunisie. Il trouva refuge chez son oncle Amar Belahcène, le frère unique de sa mère. Il prépara alors activement son entrée à l’université et entreprit, dès 1936, des études supérieures en droit et sciences économiques à l’université de Tunis. En Tunisie, Aïssat Idir suivit avec attention la naissance des premiers syndicats en France et celle du gouvernement du Front populaire en 1936. Il se lia d’amitié avec les étudiants de sa promotion universitaire de Tunis, tous militants nationalistes, et en particulier avec Ferhat Hached, fondateur de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) avec qui il entretiendra une relation permanente. Relation qui lui permit d’observer toutes les phases d’élaboration de la centrale syndicale tunisienne et son cheminement vers l’autonomie en 1946. Il fut aussi le témoin privilégié de ses luttes contre le pouvoir colonial et découvrit à travers elle l’existence d’autres formes d’action politique... Idir tira un enseignement profitable des événements et du danger connexe que représentait l’isolement d’un pays colonisé comme la Tunisie sur la scène internationale... Il mettra tout en œuvre en tant que militant journaliste pour faire connaître la condition des ouvriers algériens à travers ses articles diffusés dans la presse.

 

conscience politique
Il s’attachera également à travailler de façon très étroite avec les syndicats situés hors de France et fera déposer, dès le début de sa création, la candidature de l’UGTA à la CISL. Les syndicats suisses en particulier joueront un grand rôle dans la reconnaissance du monde ouvrier algérien et de ses revendications. Mais contrairement à ce que l’on a pu lire, mon frère n’a jamais milité, n’a jamais entretenu de relations ni mené d’activités politiques à Djemaâ Saharidj, son village natal de Kabylie. A son retour de Tunisie, il milita à Alger, son lieu de résidence. Il réussit à 24 ans le concours de chef comptable et fut recruté le 28 août 1939 aux Ateliers industriels de l’air (AIA). Il resta une dizaine d’années dans cette entreprise qui comptait quelque 3000 employés, parmi lesquels 300 Algériens. Cadre supérieur très apprécié de la direction, il contrôlait les filiales au Maroc et en Tunisie. Quelque temps après son recrutement aux Ateliers industriels de l’air (l’AIA), il fut mobilisé et retourna en Tunisie où il fut affecté jusqu’en juin 1940 au 7e RTA (Régiment des tirailleurs algériens). Dès son retour de Tunisie, juste après sa démobilisation, Aïssat Idir retrouva ses amis militants à Belcourt. Formé à l’école des syndicalistes tunisiens puis à celle de l’armée française, il continua à militer activement au Parti du peuple algérien (PPA). Son engagement fut certainement motivé par sa rencontre avec Amar Khelil, originaire de Kabylie, qui fut très tôt son ami. C’est cet homme, en effet, qui éveilla sa conscience politique et l’introduisit dans le mouvement national du PPA clandestin dont il était un des dirigeants. La dissolution du PPA, le 26 septembre 1939, imposa à mon frère et aux autres militants de poursuivre leurs activités dans la clandestinité. Les militants du PPA, qui avaient échappé aux rafles consécutives à la dissolution de leur parti, se rencontrèrent alors dans des lieux publics. C’est à cette époque que les Comités de jeunes de Belcourt, les CJB, seront créés par Mohamed Belouizdad., groupes qui contribuèrent à remettre le mouvement national sur pied. A côté de ses activités professionnelles et familiales, Idir participa activement à ce mouvement aux côtés de ses amis Mohamed Belouizdad, Taleb Mohamed et M’Hamed Yousfi. Le premier congrès PPA/MTLD se réunit le 15 février 1947 à Belcourt, permettant ainsi au PPA de sortir de l’ombre. Plusieurs décisions devaient être prises pendant ce congrès clandestin, mais les trois plus importantes furent : le maintien de l’organisation clandestine du PPA, celui d’une structure paramilitaire, l’OS, et celui d’une structure légale dénommée MTLD. Ce congrès donna naissance à la très importante Commission centrale des affaires sociales et syndicales (CCASS) qui sera dirigée par Aïssat Idir. L’initiateur de cette réunion fut son ami Mohamed Belouizdad qui l’avait chargé de réunir les intéressés, de poser les bases de cette commission et de créer des cellules d’entreprise avec l’organisation des chômeurs. Après le premier congrès, le PPA/MTLD ne disposant pas de local, un groupe de militants syndicalistes se réunit régulièrement autour de Aïssat Idir, rue Rigodit, à Belcourt, dans une ancienne écurie. Il y avait là Attalah Ben Aïssa, Rabah Djermane, Ahmed Zitouni, Salah Zioui et bien d’autres. Membre du comité central du MTLD après 1948, Idir surveilla l’activité des syndicats, la tenue des congrès, le déclenchement des grèves et supervisa les revendications. Depuis les événements de Sétif, Aïssat Idir, reconnu pour ses compétences et pour sa modestie, fit partie du comité de rédaction du journal du PPA L’Action algérienne. Après le premier congrès du PPA/MTLD de février 1947 il fut le rédacteur responsable de la rubrique sociale et syndicale, Le prolétariat algérien. Six ans après le premier congrès du PPA/MTLD, un deuxième congrès se déroula les 4, 5 et 6 avril 1953, place de Chartres, à Alger, qui favorisa l’émergence d’une centrale nationale accordant une plus grande place aux syndicats dans les textes votés, essentiellement rédigés par deux membres du nouveau comité : Aïssat Idir et Rabah Djermane. La création d’une centrale syndicale représentait désormais un réel objectif pour Aïssat Idir et son équipe. L’UGTA connut de nombreux précédents avant de s’affirmer comme la centrale syndicale propre à soutenir le FLN dans ses revendications et à l’appuyer dans la guerre de libération.

 

Le procès
Aïssat Idir s’affirma comme un véritable pionnier de l’action ouvrière en se démarquant des organisations syndicales françaises (d’obédience communiste) qui ne s’engageaient pas à ses yeux sur la question algérienne. Lors de son procès en janvier 1959, il dira devant le tribunal des forces armées : « L’émancipation politique et sociale de nos camarades travailleurs n’est possible que dans une Algérie indépendante. Nous nous sommes prononcés clairement bien avant 1954. Notre cadre national et international d’action est le syndicalisme libre auquel nous avons l’honneur d’appartenir. Depuis ma jeunesse, j’ai continuellement milité dans les rangs du Parti du peuple algérien et du MTLD. » L’appartenance de Aïssat Idir aux instances suprêmes de la révolution est attestée tant par de nombreux écrivains et historiens étrangers que par des militaires de l’armée française. La version officielle de la mort de Aïssat Idir tentera de faire croire à ses amis syndicalistes du monde entier et à sa famille qu’il tenta de se suicider en mettant le feu à son lit. Les circonstances de sa mort feront la une de la presse internationale et française qui publiera la correspondance entre son avocat, l’ancien ministre Me Henri Rolin, membre du Parlement belge et avocat à la cour de Bruxelles et Paul Delouvrier, délégué général du gouvernement qui succédait à Robert Lacoste. Cette polémique est connue sous le nom d’ « Affaire Aïssat Idir ». Bien que torturé du 13 janvier au 29 juillet 1959, le délégué général Delouvrier nia la vérité au sujet du supplice qui conduisit Idir à la mort. A l’hôpital, il eut à subir 6 greffes de la peau, 22 anesthésies et de multiples perfusions de sérum et de sang. Ouverte le 2 août 1959, une information judiciaire relative aux circonstances de la mort d’Aïssat Idir aboutira peu après à un non-lieu.

 



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