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Huitièmes assises du commissariat aux comptes : Recommandations pour une meilleure gouvernance d'entreprises



C'est sur un fond de palmiers et de coupoles que les huitièmes assises du Commissariat aux comptes se sont tenues dans la ville d'El Oued les 07 et 08 mars 2020. Réunis autour du thème «Le commissaire aux comptes et la gouvernance d'entreprise», les professionnels de l'audit légal des entreprises ont communiqué autour d'une série de thèmes variés, alliant les standards internationaux aux pratiques de l'environnement des entreprises algériennes.
Thème à répétition mais thème utile
Si les experts-comptables s'étaient réunis, à l'occasion de leur sixième congrès tenu les 29 et 30 janvier 2020 à Oran, autour du thème de «La gouvernance des organisations», la Chambre nationale des commissaires aux comptes s'est centrée sur celui du «commissaire aux comptes et la gouvernance d'entreprise.» Plus ciblées sur les entreprises, ces assises se sont démarquées par l'excellence des présentations, claires quant au domaine d'application et par la richesse des échanges en panels.
Les communications consacrées à la relation entre gouvernance d'entreprise et fiabilité des données financières, à la gouvernance d'entreprise dans le cursus universitaire, à la nécessité d'une bonne gouvernance, au rôle du Reporting dans la bonne gouvernance et aux conséquences d'une mauvaise gouvernance d'entreprise, ont pu développer la trame centrale des réflexions à retenir et à méditer.
Les panels ont pour leur part traité du mode de gouvernance de l'entreprise, de l'apport du commissaire aux comptes dans la gouvernance d'entreprise, des outils de travail du commissaire aux comptes.
Les ateliers qui ont suivi ont porté sur des thèmes d'attention permanente des professionnels de l'audit légal, en l'occurrence celui des normes des rapports du commissaire aux comptes et celui de sa responsabilité.
Gouvernance d'Entreprise, fiabilité des données comptables et communication financière
Ce thème aura eu l'avantage de rappeler les principes de bonne gouvernance en précisant qu'ils ne font que compléter les processus organisationnels et managériaux sans substitution réciproque.
Et pour cause, car si les processus organisationnels et managériaux sont assumés par les structures organiques, les principes, valeurs et règles de gouvernance sont assumés par les Organes de pilotage de l'entreprise notamment l'Assemblée générale, le Conseil d'administration, les Comités transversaux et les Instances paritaires.
L'orateur, consultant financier et ancien ministre des Finances, n'aura pas manqué de préciser que la gouvernance n'a pas pour vocation de régler les mécanismes opérationnels, mais qu'elle vise par une action transversale et durable à instaurer entre les acteurs externes et internes et entre les niveaux et les sphères de management :
* une confiance ;
* une satisfaction mutuelle ;
* une synergie pour optimiser la création de valeurs et pérenniser l'entreprise
* une transparence ;
* une clarté dans l'exercice des missions et responsabilités
* Des comportements conformes aux principes d'éthique et de déontologie et de protection de l'environnement.
Tenant compte de la présence dominante de la profession sollicitée pour la certification de l'information financière, il aura également rappelé et conclu que la sincérité, la fiabilité et la véracité des données comptables, la qualité de l'interprétation des indicateurs comptables, la régularité et la qualité de la communication financière à l'égard des organes dirigeants et des actionnaires, constituent la base de l'accomplissement d'un processus efficace de gouvernance d'autant qu'ils relèvent du métier, du périmètre et de la responsabilité des commissaires aux comptes.
De la responsabilité des commissaires aux comptes
Animé par un avocat spécialiste de cette question, l'atelier consacré au thème de la responsabilité des commissaires aux comptes aura retenu l'attention des participants, tant la préoccupation de la responsabilité est portée en plus haut plan par les professionnels.
Après avoir rappelé que l'ancrage de la responsabilité réside dans la loi sur la profession 2, l'avocat spécialiste a présenté les différents risques de responsabilité auxquels les commissaires aux comptes peuvent être confrontés, comme le risque de responsabilité civile où le professionnel peut être mis en cause devant les juridictions civiles pour réparation du préjudice subi, celui de responsabilité pénale devant les juridictions pénales pour non-respect des dispositions pénales et celui de la responsabilité disciplinaire devant la Commission de discipline et d'arbitrage.
Si au plan de la responsabilité civile, les assureurs répondent pour la réparation financière des préjudices causés, pour autant que l'assurance ait été dûment contractée, la responsabilité pénale est bien plus complexe.
L'atelier aura permis de recenser les différentes situations qui peuvent conduire à invoquer la responsabilité pénale, dans un premier temps, comme tout sujet de droit, avec une responsabilité pénale de droit commun (par exemple dans les cas de complicité, d'abus de biens sociaux, de faux et usage de faux), mais également pour tout manquement à une obligation légale, comme dans les cas de violation du secret professionnel, d'acceptation ou de maintien de mandat en présence d'incompatibilités légales, d'exercice illégal, de communication d'informations mensongères, de non-révélation de faits délictueux ou de défaut d'information sur les prises de participation.
S'agissant de la responsabilité disciplinaire, le professionnel engage cette catégorie de responsabilité devant la Commission de discipline et d'arbitrage du Conseil national de la comptabilité, pour toute infraction ou manquement aux règles professionnelles, techniques ou déontologiques commise pendant l'exercice de ses fonctions.
Au terme de cette procédure, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être prononcées sont dans l'ordre croissant de leur gravité :
* l'avertissement,
* le blâme,
* durée maximale de six mois, ou
* la radiation du tableau.
Nécessité d'une bonne gouvernance
Pour la simplification, il a été rappelé que la gouvernance n'est autre que la mise en ?uvre d'un ensemble de dispositifs comme les normes, les règles, les protocoles, les conventions et les contrats. Ainsi la bonne gouvernance ne s'assurerait que par une meilleure coordination des parties prenantes d'une organisation afin de prendre des décisions consensuelles et de lancer des actions concertées.
S'appuyant sur la corrélation réciproque entre le commissaire aux comptes et la Gouvernance, l'orateur représentant de l'Ordre des experts-comptables de Tunisie a précisé que cette relation est typiquement bidirectionnelle entre les commissaires aux comptes, acteurs importants dans l'instauration des bonnes pratiques de gouvernance et les entreprises dont la gouvernance affecte significativement la qualité d'audit.
Du côté des entreprises, il s'avère encore nécessaire de renforcer la sécurité des relations financières, de renforcer la politique de divulgation financière des sociétés et de leur bonne gouvernance par la création des comités permanents d'audit pour certains types de sociétés et du côté de la profession de l'audit légal de renforcer le contrôle des comptes par des mesures comme l'obligation du co-commissariat pour certains types de sociétés et le renforcement de l'indépendance des professionnels de la certification.
Certains pays ont même intégré l'obligation explicite de procéder à des investigations pour s'assurer du bon fonctionnement du système de contrôle interne, ce dernier ayant un rôle important dans la mise en ?uvre de la bonne gouvernance, sur les aspects de fiabilité des informations, de protection des actifs et de la conformité (respect des lois).
Sur le domaine de la prévention des difficultés, il a été rappelé que de nombreux pays, y compris l'Algérie, obligent les commissaires aux comptes à mettre en ?uvre la procédure d'alerte en cas d'observation de signes précurseurs de difficultés.
Rôle du Reporting dans la bonne gouvernance
La conclusion du confrère professionnel algérien sur ce thème apporte le message clé selon lequel le «Reporting» doit être une communication étudiée et adaptée à la stratégie managériale, comme un moyen de bonne gouvernance, la communication financière constituant un outil d'aide à la décision.
En introduction, il rappelait à juste titre qu'une société qui communique est une société qui vit, qui doit fournir des preuves de son existence et des indices sur son exploitation, jusqu'à faire état de ses atouts et de ses performances.
L'orateur aura prévenu, à juste titre, que si le fait d'informer en milieu de société n'est pas une nouveauté en soi, la dimension prise par la communication ces dernières années aura changé par plusieurs facteurs, notamment les contours et les canaux de la communication financière.
En filigrane, à titre de rappel du rôle du Commissaire aux comptes, rappel a été fait que l'acte de communication financière est une condition nécessaire pour instaurer la confiance, mais qu'elle n'est pas suffisante en soi pour qu'elle s'apparente à un mécanisme de gouvernance de l'entreprise ; il faut qu'elle soit en quantité suffisante, claire, précise et fiable. A titre de message de prévention, l'orateur aura insisté sur l'infobésité qui image la surcharge informationnelle qui peut nuire au système de Reporting de l'information financière.
L'université n'est pas en marge
C'est avec beaucoup de réconfort que les professionnels de l'audit légal ont relevé que le sujet de la gouvernance est enseigné au niveau des universités, celle de la ville d'El Oued n'étant pas en marge, ses représentants ayant présenté à l'assistance le contenu de la formation dispensée et les principaux messages académiques.
Partant du rappel des définitions autant théoriques que pratiques de la Gouvernance, l'orateur aura repris les définitions de certains organismes comme celle de la Banque mondiale ou encore celle de l'OCDE.
Le passage consacré à la redécouverte des théories aura permis de se remettre en esprit, avec nostalgie, des concepts tout autant historiques qu'actuels, comme :
* La théorie des coûts de transaction en rapport avec le management de l'entreprise par ses dirigeants.
* La théorie de l'agence en rapport avec le management du management.
* La théorie des droits de propriété en rapport avec le management de la gouvernance.
* La théorie d'efficience ainsi que la théorie d'organisation en rapport avec la Gouvernance de la Gouvernance.
* La théorie des jeux en rapport avec la Meta gouvernance (Méthodes et art d'exercer le contrôle sur les organismes de décision décentralisés.)
Les participants ont applaudi devant la démonstration faite que nos étudiants sont déjà sensibilisés sur les différents acteurs de la gouvernance, du sujet du traitement équitable des actionnaires et de la question de la compatibilité des droits et des responsabilités, qui favorisent entre autres la bonne gouvernance.
Recommandations de la Chambre Nationale des Commissaires aux Comptes
Ces huitièmes assises ont été clôturées par une série de recommandations que la Chambre nationale des commissaires compte soumettre aux pouvoirs publics, comme celles relatives à :
* l'élargissement du champ d'intervention des commissaires aux comptes aux institutions publiques pour une meilleure gouvernance des finances publiques,
* la réflexion sur la dissociation de la notion d'Etat propriétaire et d'Etat gestionnaire,
* la digitalisation des modes de gestion des Entreprises publiques économiques ainsi que la révision de la composition de leur Conseil d'administration en introduisant des membres indépendants, tout en traitant de la dépénalisation des actes de gestion, et
* la mise en place d'une Autorité de supervision de la profession de commissaire aux comptes.
* En attendant les prochaines assises qui devraient se dérouler à Alger en février 2021, il y a lieu de féliciter ceux qui ont travaillé dans l'ombre pour la réussite de ces huitièmes assises. Les détails de la logistique de l'événement, l'agencement et l'animation des thèmes ont été particulièrement cherchés et réussis.


Par Samir Hadj Ali , Expert-comptable
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