Algérie - Hennaya

Hennaya, Une histoire... sans vestiges



Hennaya est une région aux origines très lointaines, qui a vécu un développement également remarquable aux plans économique et culturel. Mais aucun vestige préhistorique n’a encore été signalé sur son territoire.


Cette constatation se comprend d’autant plus difficilement que les sources et les cours d’eau ne manquent pas à l’intérieur du périmètre de la commune. Peut-être les dépôts de sources (tuf et travertin) ont-ils recouvert les silex que les premiers hommes avaient laissés autour des points d’eau.


Il n’est pourtant pas douteux que le pays a été habité aux époques les plus reculées de l’âge de la pierre, ainsi qu’en témoignant les deux importantes stations d’Ouzidan et du lac Karar, situées en dehors du territoire, la première sur la limite. La station d’Ouzidan est connue sous la dénomination de «Grottes d’Ouzidan». Ces grottes se trouvent à 4 km à l’est de Hennaya, sur la rive droite de la Sikkak, la rivière formant limite de la commune. Elles sont donc presque sur son territoire. Les grottes d’Ouzidan ont été creusées par les anciens Berbères dans les alluvions caillouteuses, très élevées, déposées par l’ancienne Sikkak. En creusant dans le dépôt de galets, des armes en pierre ont été mises en liberté et rejetées au dehors avec les déblais. Ce sont surtout des coups de poing, taillés à grands éclats et remontant aux premiers temps de la pierre taillée, c’est-à-dire du paléolithique. Donc, nul doute que l’homme préhistorique a habité le bord de la Sikkak et qu’il n’avait qu’à passer la rivière de la Sikkak pour se trouver sur le territoire de la future commune de Hennaya.


On se perd en conjectures quand il s’agit de la reconstitution historique des peuplades qui ont habité le territoire avant les Berbères, mais on ne peut douter que ceux-ci habitaient le pays (quelques tribus berbères subsistent encore sur les hauteurs environnantes) lorsque les Romains vinrent s’y installer. A partir de cette époque, l’histoire des Berbères se confondit avec celle des peuples envahisseurs. Les Romains ont occupé et colonisé la région, où ils ont laissé des traces de leur long séjour (Hadjar Ouaguef et Bordj Er-Roumi). Les vestiges de leur occupation datent, sans doute, de la fin du IIe siècle et du commencement du IIIe. De ce lointain passé, on a découvert de nombreux débris dans les constructions de la région. Les Romains s’étaient installés dans la partie nord-est du territoire, où ils avaient construit des postes militaires près de la voie reliant alors Pomaria à Siga et Rachgoun à Numerus Syrorum (Marnia).


C’est à Hadjar Ouaguef, connu par les habitants de la région sous le nom de «Ruines romaines», à 2,700 km de Hennaya, près de la route, que vivait, sous la protection d’un fortin, la petite colonie romaine à laquelle la tradition attribue la plantation des vieux oliviers de la plaine. Les Vandales, dit-on, détruisirent tous les postes fortifiés des Romains, mais on ignore si les Byzantins vinrent dans le pays. Quant aux Arabes, il faut remonter d’abord au VIIIe et au IXe siècles, sous la domination arabe, et ensuite aux XIIIe et XIVe siècles, sous les rois de Tlemcen.


C’est au commencement du XIIIe siècle que l’histoire mentionne Hennaya. Cette ville, aux dires de certains, aurait été bâtie longtemps avant Tlemcen. Il est permis de mettre en doute une telle assertion, mais il y a de sérieuses raisons de croire que cette agglomération de Berbères et d’Arabes, sans avoir été à proprement parler un faubourg de la ville de Tlemcen, a toujours suivi le sort de la capitale du royaume.


Hennaya reconnut l’autorité de Djabir Ben Youssef, premier prince abdelouadite, qui gouverna Tlemcen sous la suzeraineté almohade et qui mourut en 1231-32 en assiégeant Nédroma. Au XIVe siècle, vers 760 de l’Hégire (1350), elle obéissait au roi Abou Hammou qui était en guerre avec les Mérinides. Ces derniers décidèrent une expédition contre Tlemcen en avril 1359. L’armée des Béni Merin apparut sur les collines d’El-Hanaya (il s’agit des mamelons qui dominent au sud la ville actuelle de Hennaya), aperçut les étendards victorieux d’Abou Hammou à Aïn El-Madjadin (cette source qui se trouve entre Hennaya et Tlemcen), et s’arrêta inquiète. Abou Hammou ayant abandonné sa capitale, les Béni Merin y entrèrent, mais ils en furent chassés quelques jours après. Rentré à Tlemcen, Abou Hammou pacifia le royaume, où l’existence devint douce et dont les destinées furent glorieuses.


A la mort du grand roi, des luttes incessantes eurent lieu entre les princes prétendant au trône. Une longue période d’anarchie remplit la fin du XIVe siècle et une partie du XVe.


Vers la fin de ce dernier siècle, les Zianides arrivèrent au pouvoir. Avec eux revint le calme dans le pays. Hennaya connut encore de beaux jours: les savants et les rois de Tlemcen venaient visiter sa médersa et sa mosquée. On raconte que le vénéré Abdallah Ben Mansour El-Houty (qui habitait Aïn El-Hout) Ben Yahia Ben Othmane El-Maghraoui, auteur de miracles inouïs, alla un vendredi faire la prière solennelle à Hennaya. Pendant qu’il était assis dans la mosquée, il vit que le sultan Abou Abdallah Et-Thabity de Tlemcen, qui était sorti à pied pour faire une partie de chasse, se dirigeait vers la mosquée de Hennaya afin d’assister à la prière du vendredi. Le prince fit son entrée dans la mosquée en marchant sur des tapis que ses compagnons étendaient devant lui. Là, il trouve le cheikh qui lui dit: «Faut-il que tu sois orgueilleux pour oser marcher sur des tapis ! Je me repens, lui répond le sultan. Dieu pardonne à celui qui revient à lui», répliqua le cheikh. Il faut dire que le sultan n’avait pas fait ses ablutions, car en entrant dans la mosquée, il avait trouvé le puits à sec: l’eau qu’il contenait s’était infiltrée dans la terre. Mais dès qu’il se fut repenti, le cheikh lui dit: «Va faire tes ablutions». Arrivé au puits, le sultan vit alors l’eau déborder par-dessus la margelle et fit aussitôt ses ablutions. On raconte également que Ahmed Ben Lahcen El-Ghomary, qui récitait chaque nuit le Coran d’un bout à l’autre, faisait la prière du vendredi tantôt à Hennaya, tantôt à Nédroma, tantôt à Honaïne ou dans les environs de ces villes.


Au sujet des ruines du temps des rois de Tlemcen, à 500m à l’ouest du village et à 200m à gauche de la route de Tlemcen- Béni-Saf, émerge, au-dessus d’oliviers et de figuiers, le minaret d’une mosquée, vestige de l’ancienne ville arabo-berbère d’El-Hennaya.


Ce minaret de 15m de hauteur n’a plus au sommet, ni galerie, ni petite coupole, il est à base carrée de 3,85m de côté. La maçonnerie faite des pierres et de briques à 0,80m d’épaisseur; la porte d’entrée fait face au sud, du même côté, on remarque à la base, deux pierres taillées en auges et placées debout dans la maçonnerie, le creux à l’extérieur.


Ce sont deux petits bassins en grès, portant un trou à l’un des coins. Ils ont été empruntés aux ruines romaines». Leurs dimensions sont: longueur 1,20m, profondeur 0,32m, largeur 0,52m. A l’intérieur, l’escalier tournant est en assez bon état pour permettre de faire l’ascension du minaret du haut duquel on découvre un magnifique panorama.


Ce monument qui date du XIIIe siècle, c’est-à-dire du temps des rois de Tlemcen, servait de poste d’observation aux soldats français. A 30m au nord du minaret existe encore l’ancien puits de la mosquée, il mesure 16m de profondeur et affecte la forme d’un parallélépipède rectangle. Il est maçonné intérieurement en briques, sa section mesure 0,90m de long sur 0,60m de large.


 Pour les travaux hydrauliques des anciens d’El-Hennaya, trois grands bassins carrés de 20m x 20m et de 2m de profondeur semblent avoir été destinés à emmagasiner les eaux d’arrosage. Tous trois ont des murs d’une épaisseur de 1,50m en blocage à la chaux. Ces réservoirs sont l’oeuvre des Berbères et des Arabes, anciens habitants d’El-Hennaya, leur construction remonte au XIIIe ou au XIVe siècle. Ils sont situés à quelques centaines de mètres du minaret: le premier à l’est, le deuxième à l’ouest et le troisième au nord, barrant l’oued dans la plaine. Avec la décadence du royaume des Zianides, l’anarchie régna dans le pays qui devint une proie facile pour les Espagnols d’abord qui n’eurent pas le temps d’y séjourner, ensuite, pour les Turcs qui s’y installèrent et y exercèrent toutes sortes d’exactions envers les habitants des villes et des compagnes. En 1830 lorsque les Français débarquèrent à Alger, les tribus de la plaine se révoltèrent et demandèrent l’appui du sultan du Maroc en cas d’attaque de la part des Chrétiens.


 Celui-ci répondit à leur appel en érigeant Tlemcen en khalifa et en nommant à ce poste Moulay Ali, fils de son prédécesseur le sultan Moulay Sliman. Mais à cause de l’antagonisme qui régna entre Turcs et Maures, des troubles éclatèrent dans la région, les tribus se razzièrent mutuellement. Mahi-Ed-Din succèda à Moulay Ali et il y eut alors une accalmie dans les désordres qui désolaient Tlemcen et ses environs. Lorsque le Sultan du Maroc fut mis en demeure par la France de rappeler tous les agents marocains. Mahi-Ed-Din se retira après avoir fait proclamer Sultan, son fils Abdelkader. Celui-ci prit le titre de Khalifa du sultan du Maghreb et se fit reconnaître par les tribus, émir, chef de la guerre sainte (1833). Mais Mustapha Ben ismaël se déclara contre lui et des luttes épiques eurent lieu entre les deux adversaires. L’Emir fut écrasé successivement à Hennaya et à la Sikkak (1833), ses contingents d’Arabes ne pouvant tenir contre les solides troupes des tribus Maghzen, que commandait Mustapha Ben Ismaël. Mustapha Ben Ismaël se réfugia au Meshouar avec les ennemis de l’Emir (1834).


  Hennaya fut le lieu de nombreuses batailles des troupes de l’Emir Abdelkader contre les forces françaises, en 1836, l’Emir Abdelkader avec 8.000 hommes bloqua les soldats français pendant 3.000 heures sur les rives de la Sikkak et les tribus d’Hennaya combattirent sans interruption les troupes françaises. Le 12 avril 1842, un combat eut lieu près du camp d’Hennaya et le sous-lieutenant Roger eut son cheval tué d’un coup de feu pendant l’action.


 Au mois d’avril 1846, les combattants livrèrent un dur combat sous les murs d’Hennaya au troisième escadron des chasseurs français. La sous-lieutenant Espanel fut blessé de deux coups de feu et mourut à l’hôpital de Tlemcen le 17 avril 1846.


 A partir de cette date l’histoire mentionne beaucoup de faits d’armes ayant eu la région pour théâtre.


 Durant la guerre de Libération, tout Hennaya se mettait en action pour lutter dans les pires conditions, pendant plus de sept ans, contre le colonialisme, et participait à la libération du pays. La prise de conscience de la population avait ébranlé le moral des autorités coloniales qui ne savaient plus où donner de la tête. A ce titre, Bellahcène Bali (moudjahid de la première heure, a écrit dans son livre «Mémoires d’un jeune combattant de l’ALN»: «Mohamed Sahnoune connu sous le pseudonyme de Antar est né en 1928, à Merazga (distance de 5 km d’Hennaya), dans la wilaya de Tlemcen. Il est considéré comme l’un des premiers à avoir rejoint le maquis au début de l’année 1956... Nous retrouvons ce héros dans la plupart des opérations menées à l’époque contre l’occupant, il nous est impossible de les énumérer toutes, car elles sont nombreuses et importantes. Nous espérons qu’un ouvrage consacré à tous ces faits d’armes, verra le jour dans un proche avenir. Il est utile de rappeler que Mohamed Sahnoune, Alias Antar, a infligé à l’ennemi une véritable déroute lors de la bataille de Kréan, du côté de Sebra, où trois cents soldats français trouvèrent la mort, et trois hélicoptères furent abattus. Dans nos rangs, treize djounoud tombèrent au champ d’honneur. Cette bataille a vu la participation de deux éminentes personnalités du maquis, Si Salah Hamadouche et Mohamed Zitouni, tous deux blessés lors de cette confrontation». Si Antar, toujours en vie à Hennaya, nous déclara les larmes aux yeux: «Beaucoup de mes compagnons de lutte avaient trouvé la mort soit dans les maquis, soit sous la torture, soit enfin sous les balles des ultra-européens. Ils ont écrit avec leur sang l’histoire de la guerre de Libération de l’Algérie. Qu’Allah leur accorde toute Sa Miséricorde». Si la liberté exigeait une dot et la dignité une contrepartie, le prix payé par l’Algérie aura été élevé et la dot aussi grande qu’est grand son peuple sincère et fidèle à lui-même. L’Algérie n’aura rien épargné pour sa liberté: le don de soi et la générosité sont parmi ses attributs dominants, dixit Si Antar, qui est dépositaire d’une partie appréciable de l’histoire si riche de la guerre de Libération nationale. A vrai dire Hennaya, et à l’instar de toutes les régions du pays a payé un lourd tribut durant la Révolution; nombre de ses enfants les plus braves sont morts carbonisés, perdus, noyés ou abandonnés au fond d’un puits. Certains martyrs furent enterrés vivants ou ensevelis dans les excavations communes pour faire disparaître leur trace, d’autres ont été sauvagement défigurés, crucifiés, ou précipités des hautes altitudes, beaucoup de ses jeunes innocents furent encerclés par des barbelés pour y subir les atroces tortures. Parmi les martyrs d’Hennaya qui sont tombés au champ d’honneur, on peut citer: Abdeldjebar, Lablack, Mekamcha, Bensouna, Maskri, Khaled, Guermoudi, Berrouiguet, Sahnoune, Drici, Rahou, Guendouz, Belhassaïne, Belayachi, Safi, Hamhami, Beddou, Benhammou, Benaïssa, Benmenni, Benamar, Boucharef, etc... qui sont morts au service de la Patrie.


L’école de garçons, aujourd’hui Chahid Mekamcha, était destinée aux bons blancs, mais interdite aux «indigènes» qui ne devaient guère franchir le cap du certificat d’études. Les autorités françaises de l’époque estimaient que l’Arabe n’avait pas besoin d’un niveau d’instruction élevé, l’enseignement squelettique qu’on lui dispensa devait surtout lui servir à ce qu’il comprenne bien les ordres de ses maîtres et à les exécuter avec application et docilité. Maintenir l’antochtone dans l’ignorance, l’exploiter et le mater s’il se révolte, voici donc la devise des colonisateurs. Beaucoup d’enfants d’Hennaya étaient privés du savoir et de la connaissance et n’ont connu de cette école que négation de leur histoire et de leur culture. Hennaya a également connu et hébergé de grands hommes tels que l’Emir Abdelkader, le commandant Faradj et Cheikh El-Bachir Ibrahimi qui a entamé sa mission à travers son métier d’enseignant dans lequel il voyait un moyen efficace pour réformer la situation en Algérie, en favorisant la prise de conscience du peuple en lui enseignant les principes de sa religion et sa langue afin de le préparer à les défendre face au colonisateur. D’ailleurs en raison de ses activités hostiles au colonialisme dans l’école «Dar Al Hadith» à Tlemcen et la Medersa à Hennaya, que Cheik El-Bachir Ibrahimi a été arrêté par l’administration coloniale et déporté à Aflou, près de Laghouat. Leïla Sebbar qui est née d’un père algérien et d’une mère française, a passé, elle aussi, un bon moment de son enfance à Hennaya. Aujourd’hui elle vit en France comme écrivain après une enfance passée dans l’ancienne colonie à Hennaya. De la lecture de son livre «Le village fondateur», on peut retenir ceci «j’ai oublié Aflou pour l’autre village dont il faut préciser, chaque fois que j’en parle, mais j’en parle le moins possible, qu’il est situé à sept kilomètres de la ville de Tlemcen, dans la plaine. Peut-être aujourd’hui, la banlieue de la ville ancienne arrive-t-elle tout près du village? Qui me le dira, puisque je ne veux pas y aller? Quelqu’un qui sera né dans l’une de ses maisons m’écrira un jour, pour que je sache. Je ne sais pas ce qui se passera lorsque je saurai ce que je ne veux pas savoir. Faut-il simplement laisser faire la mémoire? Mais la mémoire de l’enfance après tant d’années que peut-elle valoir? Ce village qu’elle me restitue nuit après nuit, livre après livre, et dans ce texte même, n’existe plus. Je le sais parce que c’est de ce village-là que je rêve et le rêve ne trompe guère, comme l’oracle».





slt j ss de votre part
Guermoudi omar - travail - hennaya, Algérie

21/02/2011 - 11618

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