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Sur les traces des grandeurs oubliées



Sur les traces des grandeurs oubliées
Toute histoire est appelée à être racontée avec un grand H. Dans l’histoire officielle et scolaire, on s’évertue généralement à présenter les personnages illustres sous un angle exclusivement positif, en gommant donc leur épaisseur humaine et leur véracité historique. Souvent je me suis demandé pourquoi il y a un tel verrouillage de l’histoire dans notre pays. Certains pensent que c’est dû à des idéologies, etc. Je ne le comprends pas. En quoi cela gêne quelque pouvoir que ce soit, quelque idéologue, de dire que les Algériens sont le fruit d’une histoire, de brassages berbère, arabe, latin, etc. Pourquoi, comme certains l’ont voulu nier tout un aspect de notre personnalité en disant : on est ceci et pas autre chose. Je me dis parfois que ce n’est pas voulu au sens d’une idéologie pensée mais que cela relève d’une méconnaissance des choses, une ignorance de l’histoire, peut-être une peur refoulée de l’inconnu ? Il y a par exemple des personnages dans mon livre qui sont des berbères maîtrisant la langue arabe à ses sommets tout en restant eux-mêmes, c’est-à-dire des Algériens issus d’un cru, en même temps se sentant pleinement maghrébins et façonnés par le monde de l’Islam. Et tout cela dans l’harmonie. Franchement, je ne comprends pas pourquoi on n’enseigne pas à nos enfants la diversité et la richesse de notre histoire. Nos personnages illustres, comme ceux des autres pays, sont des êtres humains.
Comme j’ai beaucoup travaillé sur l’histoire d’Algérie, à chaque fois que je rencontrais des personnages intéressants, je les mettais sur fiche. Il y a eu une accumulation au fil des ans. D’autres, au contraire, sont plus présents et même pesants. Leurs actes ont été consignés par des chroniqueurs ou alors ils ont laissé eux-mêmes des traces écrites. Ce sont donc les personnages que nous renvoient ces sources que j’ai retenus, ceux qui ont influencé la vie politique, sociale et culturelle.
Au niveau des politiques, c’est sans conteste Jugurtha. C’est un personnage complexe qui dépasse de loin ce qu’on en a fait. Il n’était pas seulement un héros, un guerrier mais un fin stratège. Il a joué, il a pesé, jusqu’à Rome d’ailleurs, il a composé. C’était vraiment un homme politique profond. Au bout, il n’a pas atteint ses objectifs mais çà, c’est l’histoire. Rome était à son apogée et personne ne pouvait alors l’arrêter.
Là, je suis sur un autre roman, deux siècles plus tard, dans la deuxième moitié du XIIe siècle, à Tlemcen, avec la dynastie des Zianides qui a donné un personnage fabuleux, Yaghmoracen, un de ces hommes qui me fascinent par leur capacité à se dépasser dans des situations particulières. Il a mis en place une dynastie, pas seulement au sens de pouvoir, mais avec tous ses aspects de civilisation et pendant plusieurs siècles. J’ai toujours dans mon écriture le souci de mieux faire connaître l’histoire.
Je trouve qu’en une dizaine d’années, il y a eu une percée conséquente de l’histoire. Même pour l’histoire immédiate, comme celle de la guerre de libération nationale, les choses se sont ouvertes même si nous restons encore sur notre faim. Mais il y a eu beaucoup d’éclaircissements parce que des gens ont pu témoigner, écrire, s’exprimer. Mais pour l’histoire ancienne, je ne suis pas optimiste parce que notre université n’est pas encore un véritable lieu de recherche historique. Il n’y a pas de nouvelles recherches et découvertes. On forme 120 à 150 archéologues par an je crois et durant toutes leurs études, les pauvres, ils n’ont jamais pu faire une fouille archéologique ! Il y a quelque chose qui ne marche pas

Djamel Souidi. Historien et écrivain: Sur les traces des grandeurs oubliées


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