AitBenaliBoubekeur

Présentation succincte du groupe des neuf chefs historiques.



Présentation succincte du groupe des neuf chefs historiques.
La particularité de la révolution algérienne, c’est que dès sa genèse elle s’appuie sur un groupe restreint. Contrairement aux révolutions classiques où la direction du mouvement prend la suite des manifestations en vue de les canaliser, celle du 1er novembre 1954 emprunte le chemin inverse. En effet, c’est ce groupe qui ouvre la voie aux différents groupes sociaux.
Cela dit, bien que les neuf chefs historiques soient tous issus du parti indépendantiste, le PPA-MTLD, dont la lutte armée fut une option privilégiée, il n’en demeure pas moins que leur tâche n’est pas une sinécure. En fait, la crise du parti qui a conduit aux désaccords profonds entre Messali et son comité central a failli remettre en cause le projet indépendantiste.
D’ailleurs, en 1953, personne ne pouvait tabler sur le lancement d’un tel mouvement. Et qui plus est, la neutralisation des anciens de l’OS (organisation spéciale) était voulue par les deux groupes rivaux du parti.
Toutefois, même s’ils parviennent à se mettre d’accord sur le déclenchement de la guerre d’Algérie, chacun d’eux a sa propre personnalité, son statut social et ses capacités intellectuelles. Commençant sa description par le plus emblématique d’entre eux, Gilbert Meynier écrit : « à tout seigneur, tout honneur : Hocine Ait Ahmed… »
Pour lui, Hocine Ait Ahmed est le plus intellectuel des neuf. Les deux chefs historiques qui peuvent avoir un niveau proche de lui sont Mohammed Boudiaf et Larbi Ben Mhidi. « Du point de vue culturel, Boudiaf et Ait Ahmed sont à plusieurs coudées au dessus des autres… Lui et Ben Mhidi sont des passionnés de l’histoire des nations (l’Irlande, la Révolution française) et cinéphiles enthousiastes », écrit-il.
À l’opposé, à en croire Gilbert Meynier, on trouve Ahmed Ben Bella. « Pour ce dernier, rester un notable de bourg représente un statut insuffisant. Ce qui l’intéresse, c’est le pouvoir, non les préceptes moraux, l’éducation politique ou la recomposition sociale », note l’historien.
Quant à Ben Boulaid, il se distingue par son sens de l’organisation. Bien qu’il ne soit pas, selon Gilbert Meynier, du même niveau que Boudiaf, Mustapha Ben Boulaid apporte une aide tant matérielle qu’intellectuelle à l’organisation du 1er novembre 1954.
Dans un autre registre, Didouche Mourad et Rabah Bitat ont un point en commun : ils sont des militants révélés par le parti. En d’autres termes, ils doivent tout au parti. Mais la comparaison s’arrête là. Ainsi, bien qu’ils soient de la même génération, Didouche Mourad est le plus engagé des deux. En effet, malgré son jeune âge, Didouche Mourad assume un rôle prépondérant après la scission du parti indépendantiste, le PPA-MTLD.
Le plus vieux des neuf, en l’occurrence Mohammed Khider, est quasiment le seul à avoir milité au sein de l’ENA (étoile nord-africaine), en 1934. Après avoir exercé comme cheminot, sa formation en langue arabe –avec Ait Ahmed, ils sont les deux chefs historiques à avoir une maitrise parfaite de la langue arabe –va s’avérer essentielle lors de son séjour au Caire en sa qualité de chef de la délégation extérieure du PPA-MTLD et ensuite de membre de la délégation extérieure du FLN.
Enfin, le cas de Krim Belkacem est un peu particulier. Des neuf chefs historiques, il est le seul à avoir pris le maquis, sept ans plus tôt, contre le régime colonial. Mais, paradoxal que cela puisse paraître, sa famille est celle qui « doit tout à l’administration française », écrit Gilbert Meynier. Ainsi, plus que les autres, il doit montrer davantage de détermination. Ce qui fera de lui à la fin de la guerre l’un des hommes clés de la révolution algérienne.
Dans cette longue liste, il y a un homme d’une grande valeur qu’il faut associer au groupe. Il s’agit évidemment de Ramdane Abane. En effet, s’il n’était pas en prison depuis 1951, dans le cadre des arrestations découlant du démantèlement de l’OS en 1950, il serait sans doute un membre à part entière du comité restreint. D’ailleurs, dès sa libération en janvier 1955, les dirigeants de la révolution prennent aussitôt attache avec lui pour qu’il les rejoigne.
C’est donc ce groupe hétéroclite qui décide, le 1er novembre 1954, d’écrire la nouvelle page de notre pays. Sur le plan organisationnel, ce groupe part avec un handicap de taille : le principal parti indépendantiste est paralysé par une crise abyssale. Mais, grâce au talent d’Abane, celle-ci est exploitée par les dirigeants pour qu’elle devienne un point fort. Ainsi, dès le premier tract du FLN, rédigé par Abane Ramdane le 1er avril 1955, la révolution est présentée comme le dépassement des partis. Ce travail de rassemblement national se concrétisera à la Soummam en aout 1956.
Cependant, la durée du conflit va s’avérer néfaste à la jeune révolution. L’émergence de nouvelles têtes vide le mouvement de son esprit initial. La liberté ne sera pas pour tous, mais pour ceux qui parviennent à s’emparer du pouvoir. Ainsi, après avoir passé la guerre à l’extérieur, ces nouveaux chefs imposent un modèle contraire à l’esprit du 1er novembre 1954.
Après l’indépendance, et surtout après le coup d’État du 19 juin 1965, tous les chefs historiques, à l’exception de Rabah Bitat qui se contente de jouer un rôle sous l’ombre de Houari Boumediene, sont soient emprisonnés, soient forcés à l’exil ou carrément exécutés (Khider en 1967 et Krim Belkacem en 1970).
Pour conclure, il va de soi que les neuf chefs historiques marquent de leur empreinte l’histoire de l’Algérie. En effet, après la fin d’un cycle politique, incarné par Messali, ils ont su trouver les ressources nécessaires en vue d’en commencer un autre, et ce, alors que tous les indices ne leur étaient pas favorables.
Enfin, malgré leur élimination par les nouveaux dirigeants, après l’indépendance du pays, ils demeurent –sans que l’on n’établisse aucune hiérarchie entre eux –le symbole de la nation. Les Algériens le reconnaissent bien, en témoigne la ferveur populaire accompagnant à sa dernière demeure le dernier chef historique, Hocine Ait Ahmed.
Aït Benali Boubekeur






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