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Djanet, l'éternelle terre promise du tourisme Entre stratégie de relance et réalité du terrain

Djanet, l'éternelle terre promise du tourisme Entre stratégie de relance et réalité du terrain
Dès notre arrivée, Djanet réveille en nous l'instinct du voyage. Le chauffeur qui nous accompagne à notre lieu de séjour a l'expression qu'il faut pour qualifier cette destination : « Elle a le mérite d'être tous les déserts à la fois, des petits bouts de Ghardaïa, de Timimoun et de Tamanrasset. »
Le Tassili n'Ajjer nous ouvre ses immensités pour découvrir la beauté infinie du Sahara algérien et son Parc national, véritable musée d'art préhistorique à ciel ouvert. Nos pas nous guident à la rencontre des hommes Bleus et de leur « désert éternel ». L'art rupestre et ses représentations soulèvent beaucoup de questions, mais les dessins sont si beaux et si évocateurs que l'imagination peut aisément remplacer la connaissance de toute théorie. C'est au milieu de ce décor féérique que le club de presse de Nedjma a convié les journalistes. Ils ont apprécié ce royaume de sable et de lumière le jour, et le ciel étoilé la nuit. Les uns ont gravi pour la première fois les dunes, puis, au sommet d'une crête, se sont arrêtés pour contempler le paysage. D'autres ont retrouvé avec plaisir les émotions que seul le désert peut procurer. Ici et malgré l'aridité des lieux, les âmes se désaltèrent d'authenticité. Les habitants sont hospitaliers. Partout, on nous offre le thé préparé minutieusement par un Targui qui nous accueille à chaque escale, les bras ouverts, comme son cœur. Dans ses yeux, on saisit l'instantané éternel d'un regard et d'un sourire généreux. D'un ample mouvement, l'homme prépare le thé. Le liquide tombe de haut dans le verre et mousse. C'est à sa mousse qu'on apprécie la qualité de ce breuvage. « L'invité est tout le temps attendu », nous déclare l'un d'eux. Le désert livre une leçon de sagesse et de bon sens : être soi et être solidaire des autres. Nous affrontons une mer de sable pour aller découvrir Essendilène, une vallée protégée par une haute barrière rocheuse. On remonte un oued jusqu'à une petite palmeraie qui marque le début d'un canyon où vivent dans l'isolement quelques familles touaregs. Nous avons rencontré trois touristes italiens qui, sac au dos, faisaient une promenade. Nous leur posons la question suivante : « Quelles sont vos impressions ? » Ils répondent sans hésitation avec un français approximatif : « C'est merveilleux ! » Les mots nous manquent pour décrire cet univers de début du monde et qui nous change de l'ambiance des grandes villes. Le Tassili, c'est une succession de déserts. On y trouve de la roche, du sable et… du silence. C'est ce type de tourisme qui a la cote en ce moment au niveau mondial. Les touristes sont à la recherche d'aventure et de découvertes, mais aussi de mieux connaître les us et coutumes des habitants locaux. L'Algérie peut, dans ce cadre, rivaliser avec les autres destinations, car notre désert est unique, peu connu et peut devenir le moteur de croissance d'un secteur qui a du mal à concrétiser sa stratégie de développement. Les ministres se sont succédé et le décollage se fait toujours attendre. Autre attraction : Tegharghart, à mi-chemin entre Djanet et l'aéroport. On suit une piste pendant 5 km pour arriver à un rocher solitaire où est représenté du bétail dont les yeux semblent déborder de larmes.
Des touristes à la recherche d'évasion
Il s'agit probablement d'un des troupeaux qui venaient s'abreuver à la guelta semi-permanente qui repose au bas de la paroi rocheuse. Il est conseillé de s'y rendre en fin d'après-midi, lorsque le soleil caresse les vaches et creuse les reliefs. Pour l'anecdote et lorsque les touristes insistent pour avoir la bonne version pourquoi les vaches pleurent (tighargharine), les guident leur répondent : « Vous saurez pourquoi les vaches pleurent quand nous saurons pourquoi la vache qui rit rit. » La seconde phase de cette saison touristique, qui s'étend du 8 février au 19 avril, n'est pas encore terminée, mais la fréquentation est loin d'être énorme. C'est ce que nous confirme Khirani Ahmed de Ténéré Voyages : « C'est une saison moyenne, il n'y a pas beaucoup de clients. C'est dû aux facteurs extérieurs, aux affaires étrangères, aux compagnies aériennes et à la concurrence. Le désert n'existe pas uniquement en Algérie, on a des concurrents comme la Libye, la Tunisie, le Maroc et le Yémen, qui offrent le même produit. Le nombre de touristes a baissé par rapport aux années 1990. Ce sont des touristes particuliers. La tendance ces dernières années penche vers les touristes sportifs qui font plus de marche à pied parce que les visiteurs viennent ici pour l'évasion, le changement de décor et échapper au stress de la grande ville, à l'outil informatique et à la télévision : ils veulent le dépaysement total, l'expédition et l'aventure. C'est ce genre de touristes qu'on reçoit. » Selon lui, les premiers touristes sont les Français, puis viennent les Italiens, les Japonais et les Allemands. Trois compagnies aériennes desservent l'aéroport Tiska (Djanet) : Air Algérie en vol régulier, généralement de nuit (vol domestique), et Aigle Azur en provenance de Paris Orly ainsi qu'Air Méditerranée en provenance de Marseille en charter. Une quatrième compagnie fait du charter épisodiquement : il s'agit d'Europe Air Poste à partir de Marseille. Quant aux nationaux, il faut reconnaître qu'ils ne viennent pas en masse : « Ce n'est pas le type de clientèle qui vient pour passer une semaine en bivouac avec un sac de couchage. Ils viennent pour rester à l'hôtel, sortir le matin et revenir le soir », explique Khirani.
Les billets d'avion restent chers
Mais ce qui les empêche de venir, ce ne sont pas les infrastructures ni le type de séjours, mais plutôt les prix : le produit reste excessivement cher. Ils paient 28 000 DA en billet d'avion, c'est-à-dire 2800 DA/jour. Les Algériens comme les Italiens font de courts séjours (ils ne dépassent généralement pas une semaine ou 10 jours). S'ils passent 5 jours, ils paient 5800 DA/jour en billet d'avion uniquement ; il faudrait qu'ils mangent et qu'ils dorment, qu'ils partent en excursion, il leur faut un 4X4 qui coûte 4 millions de dinars pour la location à la journée, ils ne peuvent pas le faire à 2000 DA, (de 7000 à 9000 DA en moyenne). « Quand on travaille trois mois l'année, il faut bien l'amortir », nous déclare un propriétaire de 4X4. Ceux qui s'y aventurent viennent en groupe pour partager les dépenses. Alors au regard de ces facteurs, l'Algérien ne se pose pas trop de questions pour préparer ses vacances. Il préfère aller en Tunisie qui lui fait les yeux doux à l'approche de l'été qu'à Djanet. En fait, ce n'est pas le produit Djanet qui coûte cher, c'est la destination Algérie dans son ensemble. Si vous voulez aller à Béjaïa, Annaba ou Collo, ça coûte cher et la culture du voyage n'existe pas. Dès qu'on parle voyage, les Algériens commencent à rêver de l'Europe. Quand on lui parle d'investissement touristique au Sud algérien, Khirani sourit : « Depuis 20 ans, j'ai été branché avec le ministère du Tourisme, mais c'est lourd. Le problème, ce n'est pas le ministère, c'est tout le pays qui est lourd. Entre les opérateurs et l'administration, il y a toujours une couche isolante dans tous les domaines. Le ministère est en train de faire des projets pour l'acquisition de voitures. On existe depuis 40 ans, un nouvel entrant dans le touriste aura les avantages que moi je n'aurai jamais. Je suis Monsieur X dans l'administration. J'ai demandé une extension de terrain pour mon village touristique et je n'ai pas eu de réponse. Cela fait 13 mois que j'ai adressé ma demande à la direction des Domaines et je n'ai même pas reçu de réponse négative pour non-conformité par exemple. On a appris à attendre pour ne rien faire. »
Zineddine Zidane est passé par là !
Dans le centre-ville de Djanet, des jeunes s'attablent dans un café autour d'un thé. C'est leur endroit de rendez-vous quotidien après les heures de travail. La plupart viennent du nord du pays car la paie est plus motivante, et puis « on avance plus vite dans la carrière quand on est dans l'administration au Sud », nous confie l'un d'eux. Des jeunes du Niger viennent proposer leur main-d'œuvre. Certains se contentent de petits boulots avant d'envisager de monter au nord du pays ou carrément tenter de rejoindre l'Europe. Ils ont fui la misère dans leurs villages et souhaitent refaire leur vie sans couper le cordon ombilical avec leurs familles laissées au pays natal. Le passage de l'ex-star du ballon mondial Zineddine Zidane a laissé comme un goût amer chez certains jeunes qui n'ont pas pu l'approcher, car la sécurité autour de lui était omniprésente. A l'office du Parc national du Tassili, quelques touristes sont venus découvrir des pièces archéologiques et des photos prises de différents endroits. Le parc a été fréquenté par 3000 visiteurs. Trois circuits ont du succès : la Tadrart (sud de Djanet), le plateau du Tassili (peintures rupestres et vallées) et Ihrir. La plupart viennent par le biais des agences de voyages, mais il y a aussi, ces dernières années, des enseignants des universités d'Alger, de Sétif et de Annaba qui viennent pour de courts séjours d'études ou des séminaires. Beddiaf Mohamed, directeur par intérim de l'OPNT, nous confirme que plusieurs nationalités sont venues, dont des Français, des Suisses, des Allemands, des Autrichiens et même des Russes. Le pic de la fréquentation a été enregistré en novembre dernier avec 1354 visiteurs. Dans le livre d'or, plusieurs d'entre eux ont laissé leurs impressions. « Merveilleux, touchant, impressionnant… Nous souhaitons que ce patrimoine soit gardé intact de toutes les influences actuelles pour que nos enfants puissent admirer toutes les merveilles de nos aïeux », a écrit un anonyme. André est admiratif : « Quel trésor ! Protégeons-le ! N'égarez pas cette perle d'Afrique. » Une Française affirme : « C'est notre troisième séjour à Djanet en 17 ans. On ne s'en lasse pas. Cette fois, nous revenons éblouis de la Tadrart, de ses paysages exceptionnels et de la richesse du patrimoine archéologique, peintures et gravures. » Le site est classé Parc national en 1972 et site mixte (culturel et naturel) de l'humanité par l'Unesco en 1982 et réserve de la biosphère en 1986. Djanet fascine. Cette contrée, qui semble sortie de la nuit des temps, a tant de choses à raconter pour ceux qui savent tendre l'oreille et qui veulent se ressourcer dans le silence de ses espaces.



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