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BISKRA ET LES ZIBAN




Biskra est moins une ville, proprement dite, que
la réunion de sept villages ou quartiers disséminés
dans des plantations de dattiers qui couvrent environ
20 000 hectares de terrain. Au centre, à peu près,
s’élève la casbah, espèce de château fort où la garnison
est casernée. La mosquée principale se distingue
par son minaret dont le sommet domine les plus
hauts palmiers. L’ensemble des constructions n’a rien
de remarquable; comme dans tout le Sahara les maisons,
bâties en pisé, sont couvertes en terrasses. On y
compte quatre mille habitants.
Cette ville est la capitale politique des Ziban.
Les Ziban sont fermés au nord par une chaîne de
montagnes habitées par des tribus insoumises ; cette
chaîne s’étend de l’est à l’ouest depuis El Kantara jusqu’à Megaous, chez les Ouled Sultan. Ces deux défi lés sont les seules portes qui, de ce côté, donnent passage pour aller du Tell dans le Sahara. Le village d’El Kantara a pris son nom d’un pont de construction romaine, jeté sur une petite rivière qu’encaisse une gorge ravinée, d’un effet très-pittoresque, et que les indigènes appellent aussi El Kantara. Nous donnons son parcours avec la description du bassin de l’Oued Djedi.
Les Ziban (pluriel de Zàb) faisaient autrefois partie de la Mauritanie sitifienne ; les ruines que l’on y trouve encore en grand nombre attestent que les Romains y avaient élevé des établissements nombreux.
Les Ziban sont maintenant divisés en trois parties appelées de leurs positions :
Zab Dah’araoui, Zab du nord.
Zab K’ebli, — du sud.
Zab Cherki, de l’est.
Les villages du Zab Dah’araoui sont :
El Amri.
El Bordj.
Foukhala.
T’olga (ruines romaines).
Ferfar
Za’tcha.
Lichana (ruines romaines).
Bouchar’oun.
Felaouch (ruines romaines).

Les villages du Zab K’ebli sont :
Lioua. Sah’ira.
Mekhadama.
Bent’ious.
Zaouïa Sidi el A’bed.
Melili.
Bigou.
Feliach.
Oumach.
Kora.
Biskra.
Sidi O’k’ba.
Nous donnerons, à la description du bassin de
l’Oued Djedi, le nom de quatorze ruines romaines qui
se trouvent dans le Zab K’ebli.

Les villages du Zab Cherki sont :
El Out’aïa.
Branès.
Chetma.
Gr’ata.
Seriana.
Touda.
Sidi Khelil.
A’ïn Naga.
Zriba.
Zribet Ah’med.
Bades.
El Khanga.
El Feïd.
Les populations de ces villages, ainsi que nous l’avons fait remarquer pour presque tous les habitants sédentaires du Sahara, ne sont point d’origine arabe.
On retrouve dans leurs moeurs, dans leurs habitudes
politiques, religieuses ou agricoles, les traits caractéristiques des aborigènes.
Les principales tribus qui vivent sous la tente dans les villages des Ziban sont les :
Hal Ben Ali.
Cherfa.
Ghamera.
Dreïdes,
Les Dreïdes constitués makhzenia par les Turcs,
ils perdirent plus tard ce titre et les prérogatives qui y
étaient attachées pour avoir refusé à leurs maîtres de
leur livrer un Turc proscrit, réfugié chez eux.
Quand le premier Gannah fut élevé à la dignité de
cheikh el arab, les Dreïdes, toujours attachés de coeur
à leur ancien chef, subirent tant de vexations, qu’une
partie de la tribu se sauva dans le Djerid de Tunis.

Petites tribus ou fractions de tribus trop faibles pour
former unité; telles sont les :
Ouled Sidi Amer, qui suivent les Ghamera.
Beni Brahim, qui suivent les Ghamera.
Adissa, qui suivent les Ghamera.
Kletema, qui suivent les Hal Ben Ali.
Frehat, qui suivent les Dreïdes.
Loumouisset, qui suivent les Cherfa.
Toutes ces tribus obéissent au cheikh el arab.
Quoique le territoire des Ziban soit fertile en fruits, légumes et céréales, les récoltes de blé et d’orge
ne suffi sent point à la consommation des habitants,
et les nomades viennent s’en approvisionner dans le
Tell.
Les palmiers constituent la véritable richesse des Zibaniens ; les plus riches propriétaires de palmiers
sont les Hal Ben Ali et les Cherfa.
Au printemps, quand le moment d’entrer dans le
Tell est arrivé, les tribus se réunissent près d’Outaïa et
s’acheminent lentement vers le but de leur voyage en
faisant de fréquentes haltes jusqu’à El Becheria.
Beaucoup d’autres tribus du Sahara opèrent, à la
même époque, le même mouvement, et toutes passent
par les Ziban, suivies de leurs innombrables troupeaux.
C’est un fléau périodique pour les propriétaires
de jardins. Du lieu de la dernière station, des convois
de chameaux, chargés de dattes et d’autres produits
du désert, sont expédiés, dans toutes les directions,
sur le Tell, pour y opérer des échanges. En attendant
leur retour, les tribus passent le reste du printemps et
une partie de l’été, campées dans les pâturages environnants.
Auprès d’elles se rendent alors les cultivateurs
du Tell pour recruter des moissonneurs, qui, se
détachant par groupes, vont camper à proximité des
champs qu’il faut moissonner. Chaque travailleur reçoit
pour salaire le douzième du blé et le dixième de
l’orge qu’il a moissonné.
Ces travaux terminés, les tribus se réunissent
pour se rapprocher du grand marché de la Temania,
où la zmala du cheikh el arab qui doit le présider s’est
déjà établie. A un jour indiqué, le cheikh el arab plante
son drapeau sur le point culminant de la colline, et
des crieurs annoncent que le marché est ouvert et se tiendra tels jours de la semaine. Des cavaliers partent
en même temps pour aller en donner avis aux caïds
des tribus connues pour fréquenter habituellement la
Temania, et à celles qui, du Sahara, se sont rendues
dans le Tell par Megaous.
Le marché de la Temania est l’un des plus importants
du Tell ; c’est un rendez-vous général où tous les
produits du nord sont échangés contre ceux du sud.
Les tribus des Ziban importent :
Des dattes, des kessoua (vêtements de laine), du
henna, des abricots séchés dont sont très-friands les
Arabes, et dont ils usent pour accommoder certains
mets, de la garance, des armes et autres objets apportés
de Tunis par le Djerid ; elles exportent des laines
brutes, des moutons, du beurre, de l’huile, des fèves,
des pois chiches, beaucoup de céréales.
Les tribus des environs de Touggourt et quelques unes
des environs de Souf, exportent les mêmes denrées
et importent des nègres, des plumes d’autruche,
de la poudre d’or, des kessoua, du henna. Les affaires
terminées, le retour au désert se fait en sens inverse de
l’arrivée dans le Tell.
Depuis une douzaine d’années ce mouvement commercial,
paralysé par un état de guerre continuel, avait
subi un ralentissement notable : les tribus de Touggourt
n’y prenaient plus qu’une part très-indirecte ; celles de
Souf n’allaient plus qu’à Tunis ; mais les relations avec
le Djerid offrent si peu de sécurité, menacées que sont les caravanes par les bandes armées qui les guettent au
passage pour les piller, que peu de spéculateurs osent
s’aventurer dans ces dangereux voyages. Aussi, voyons nous toutes les tribus revenir peu à peu où les appellent
leurs intérêts et leurs besoins et reprendre le chemin
de nos marchés. Les Oulad Moulat, tribu guerrière qui
n’avait jamais fait de voyage dans le Tell avant la domination française, y sont venus cette année et s’y sont rencontrés avec les Fetaït, les Ouled Zeït, les Beni Brahim, les Ouled Sidi Amer, les Ouled Na’ïl, les Draïssa et beaucoup d’autres petites tribus ou fraction de tribu venus des points les plus éloignés du Sahara.
Le mouvement progressif de ces migrations est un fait d’une haute importance et qui prouve la confiance des tribus nomades dans l’équité de notre administration. Il est remarquable d’ailleurs que les Sahariens n’éprouvent pas pour nous cette antipathie que nous avons trouvée chez les montagnards et chez les habitants du Tell. L’appât du gain domine chez eux et fait taire les scrupules du fanatisme. Les Cherfa, les Dreïdes et les Beni Brahim, tendent même à venir s’établir dans le Tell où plusieurs de leurs familles sont déjà fixées. Chaque année voit se détacher de la fraction nomade quelques familles nouvelles qui viennent planter leurs tentes près de celles de leurs frères, dès qu’elles ont pu réaliser les premiers éléments nécessaires pour se livrer à l’agriculture, ce qu’elles font en vendant leurs palmiers aux Hal Ben Ali et aux Ghamera, chez lesquels on ne retrouve point ces tendances vers la vie agricole.

Rédigé par les documents recueillis par les soins
DE M. LE LIEUTENANT-COLONEL DAUMAS
Directeur central des affaires arabes à Alger
Et publié avec l’autorisation de
LE MARÉCHAL, DUC DE DALMATIE
Président du conseil, ministre de la guerre
_______________
PARIS
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