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ABDELKADER ALLOULA


ABDELKADER ALLOULA
Esprit indépendant, Abdelkader Alloula (1929 - 1994) a animé durant plus de trente ans un théâtre en arabe populaire résolument inscrit dans la vie de la cité. Tour à tour acteur, metteur en scène et auteur dramatique, il fut également administrateur de théâtre et directeur de troupe. Né à Ghazaouet, le jeune Alloula s’initie au théâtre amateur au lycée, suit un stage d’art dramatique en France et rejoint le Théâtre National Algérien à sa création en 1963. Comédien, il joue sous la direction de Mustapha Kateb (Les Enfants de la Casbah et Le Serment de Abdelhalim Raïs, Hassen Terro de Rouiched, La Vie est un songe de Calderon, Dom Juan de Molière), de Allel el-Mouhib (Roses rouges pour moi de Sean O’Casey et La Mégère apprivoisée de Shakespeare), et de Hadj Omar (Les Chiens de Tom Brulin).

Après avoir mis en scène El-Ghoula de Rouiched (1964), Le Sultan embarrassé de Tewfik El-Hakim (1965) et Numance de Cervantès (1968), dans une adaptation de Himoud Brahimi et Mahboub Stambouli, il fait également des débuts remarqués d’auteur avec El-Aaleg (Les Sangsues, 1969), une fresque humoristique sur l’univers bureaucratique et El-Khobza (Le Pain, 1970) où défilait déjà sur scène le petit peuple d’Oran, "héros ordinaires" ballotés entre inquiétude et espoir. Alloula sera dans le même temps l’interprète à succès de Homq Salim (Folie salutaire, 1972), sa propre adaptation du Journal d’un fou de Nicolas Gogol. La pièce déplacera à nouveau des foules lors de sa reprise en 1982. Suivront Hammam Rabi (Les Thermes du Bon Dieu, 1975), Hout yakoul hout (1975) et Les Bas-Fonds de Maxime Gorki (1982).

Poursuivant ses réflexions sur le théâtre populaire, il interroge la forme traditionnelle de la halqa (la ronde des spectateurs autour du conteur, sur les places de marché au Maghreb) qui privilégie selon lui "le récit, le dire à la figuration de l’action". Drôle et truculent, l’arabe populaire d’Alloula a la vitalité de la langue parlée et la rigueur de la langue écrite, comme en témoigne la trilogie, tout à la fois épique et réaliste, des Généreux, composée d’El-Agoual (Les Dires, 1980), El-Adjouad (Les Généreux, 1985) et El-Litham (Le Voile, 1989).

Alloula a en outre été sollicité comme scénariste pour Gorine (anagramme de Ringo, 1972) et Jalti (Le Gaucher, 1980), tous deux de Mohamed Ifticène. Il fut aussi acteur dans Les Chiens (1969) et Ettarfa (1971) d’El-Hachemi Chérif ou encore Hassen Niya (1988) de Ghaouti Bendedouche. Il a également signé l’adaptation en 1990 de plusieurs nouvelles du Turc Aziz Nessin pour la télévision.

Après Arlequin valet de deux maîtres de Goldoni en 1993, il était en train de développer une version du Tartuffe de Molière lorsqu’il est assassiné le 10 mars 1994, sur le chemin du Palais de la Culture d’Oran où il devait donner une conférence. Abdelkader Alloula a succombé quatre jours plus tard et son enterrement a donné lieu à une imposante marche dans les rues de la ville.

Plusieurs actions de solidarité pour faire entendre la voix du dramaturge militant et surtout la traduction des Généreux conduiront à un spectacle créé à Avignon en 1995 et repris au Théâtre du Rond-Point à Paris. Produit par France Culture et mis en scène par Jean-Yves Lazennec, Les Généreux réunissait, à parité, six acteurs algériens et français. La presse avait alors salué la prestation de Sid Ahmed Agoumi dans le rôle de Djelloul le raisonneur. Autre ami, autre compagnon de route, c’est à Agoumi qu’est revenu, quelques mois plus tôt, le soin de dire l’oraison funèbre du dramaturge.
La publication et les différentes mises en scène que la pièce a régulièrement suscitées depuis donnent à découvrir l’une des oeuvres les plus fortes du théâtre algérien contemporain.

Un artiste peut-il mourir ? Corporellement oui, mais artistiquement non. Bien qu’il fut assassiné à son demi-siècle consommé. A cinquante-cinq ans il a su joindre vie professionnelle et vie personnelle.



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