Parmi les trouvailles archéologiques qui enrichissent l’histoire médiévale du Maghreb occidental, la découverte récente (ou redécouverte) d’un dinar en or almoravide à Tlemcen occupe une place de choix. Cette pièce, frappée sous le règne du sultan Ali ben Youssef ben Tachfine (1106-1143), est un témoignage précieux de la puissance économique et de l’autorité religieuse des Almoravides au début du XIIe siècle.
Description de la pièce
- Avers : Au centre, dans un cercle perlé, l’inscription classique de la profession de foi musulmane et de la légitimité du souverain : « Lâ ilâha illa Allah, Muhammad rasûl Allah, al-amîr Abû al-Hasan ‘Alî ibn Yûsuf » (لا إله إلا الله محمد رسول الله الأمير أبو الحسن علي بن يوسف)
- Revers : L’inscription reconnaît la suzeraineté spirituelle du calife abbasside de Bagdad, pratique courante chez les Almoravides qui se proclamaient défenseurs de l’orthodoxie malikite tout en maintenant le lien symbolique avec le califat : « al-Imâm ‘Abd Allâh amîr al-mu’minîn » (الإمام عبد الله أمير المؤمنين) Il s’agit du calife abbasside al-Mustazhir bi-llah (1094-1118) ou de son successeur.
- Bordure : L’inscription marginale précise le lieu de frappe – l’oasis caravanière de Sijilmâsa (سجلماسة), véritable plaque tournante du commerce transsaharien – et la date, très probablement l’an 503 de l’Hégire (1109-1110 de l’ère chrétienne).

Pourquoi cette pièce est-elle exceptionnelle ?
- Rareté et état de conservation Les dinars en or almoravides découverts en Algérie occidentale sont extrêmement rares. La plupart des exemplaires connus proviennent du Maroc ou du sud de l’Espagne musulmane. Celui de Tlemcen présente une frappe d’une netteté remarquable, avec des lettres élégamment calligraphiées en coufique fleuri, typique du style almoravide le plus abouti.
- Témoignage des réseaux commerciaux Sijilmâsa était le grand entrepôt de l’or saharien en provenance du Ghana et du Mali. La présence d’un dinar frappé dans cette ville à plusieurs centaines de kilomètres de Tlemcen montre l’intensité des échanges entre le Maghreb central et le Maghreb extrême sous domination almoravide. Ces pièces circulaient le long des routes caravanières qui reliaient Aghmat, Sijilmâsa, Tlemcen, puis Ténès ou Alger, avant de rejoindre al-Andalus ou l’Ifriqiya.
- Symbole de l’unité politique et religieuse En mentionnant à la fois le nom du souverain almoravide Ali ben Youssef et le titre califal abbasside, la pièce illustre parfaitement l’idéologie almoravide : un État berbère rigoriste qui se veut à la fois indépendant sur le plan politique et fidèle à la sunna en reconnaissant la primauté spirituelle (mais non plus temporelle) du calife de Bagdad.
Cette petite merveille numismatique, conservée aujourd’hui dans les collections du musée de Tlemcen ou dans un dépôt archéologique, rappelle que la ville, bien avant l’avènement des Abd al-Wadides (Zianides), était déjà un carrefour économique et culturel majeur au cœur de l’empire almoravide. Elle constitue un jalon supplémentaire dans la compréhension de la circulation monétaire et des relations entre le Sahara, le Tell et la Méditerranée au XIIe siècle.
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Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : Hichem BEKHTI