Tlemcen - Ferranes (Fours traditionnels)


Tlemcen  La lente agonie du ferrane


Comptant autrefois parmi les symboles forts de la vie sociale à Tlemcen, les fours banals sont aujourd'hui en passe de s'éteindre pour toujours.

Espaces au passé séculaire, plus connus ici sous la dénomination de ferrane, servant avant tout à la cuisson du pain traditionnel, ils sont à distinguer des fours à usage industriel. Après avoir marqué l'histoire de la cité, ils disparaissent à présent l'un après l'autre. Et il n'en reste que quatre confinés dans les vieux quartiers de R'hiba, Sidi Chaker et Derb Ouled El-Imam.

La disparition lente mais certaine de ces anciens établissements résulte de l'arrêt de leur activité principale qui consistait à cuire le pain «fait maison», source de la quasi-totalité de leurs revenus, le reste étant le fruit d'activités occasionnelles telle la cuisson de la pâtisserie traditionnelle destinée aux célébrations religieuses ou familiales. Il en est ainsi du ferrane de R'hiba, un vieil îlot au centre de Tlemcen, qui ne survit aujourd'hui que parce qu'il ne refuse plus rien et son travail d'enfournement s'étend des cacahuètes à la «chamia», un gâteau de semoule destiné à la gargote du coin, en passant par les gâteaux de l'Aïd et même la viande.

Situé sur la place centrale du quartier, la bien nommée Tahtaha, ce four a pourtant rendu d'énormes services aux habitants qui, spontanément et sans peur, abandonnaient à ses soins leurs plus belles œuvres, surtout des pains aux multiples diamètres, dessins et qualités.

Peu à peu délaissé, il continue de fonctionner au bois pour les rares clients qui s'obstinent, envers et contre tout, à privilégier le bon pain cuit au four. «En petit nombre, ces gens m'encouragent en quelque sorte à poursuivre ma tâche», se félicite son propriétaire qui est en même temps le mitron, l'enfourneur, le terrah. Cet espace ancestral en déperdition a fait l'objet d'une étude réalisée récemment dans le cadre d'un Chantier international sur le patrimoine urbain et immatériel de Tlemcen (Cipat) qui a instamment appelé à sa sauvegarde. On y apprendra que la plupart des fours banals, aujourd'hui propriétés privées, étaient jadis des biens habous dont les gains servaient à l'entretien de certaines mosquées.

A titre d'exemple, le four de Derb H'laoua était rattaché comme bien wakf à la mosquée Er-Rouya dans le quartier de Harret Er-R'ma. Modèle d'architecture pratique, le four banal est une salle rectangulaire où sont entreposés les galettes de pains ou autres produits à cuire, sur un côté, et de hautes piles de bois servant à entretenir la chaufferie du four proprement dit, sur l'autre.

Noircis par la fumée et par les marques du temps qui passe, ses murs restent pourtant agréablement caractéristiques de ces endroits autrefois si prisés pour les services qu'ils rendent pour «pas cher», mais aussi pour l'odeur de nourriture qu'ils dégageaient. C'est aussi le lieu où se perpétuaient quelques pratiques sympathiques comme le fait que chaque famille marque son pain de son propre sceau (erchame) qui permettait au terrah de le distinguer des autres.

Ou encore cette coutume tlemcénienne qui faisait que des maîtresses de maison posaient, délicatement et en toute confiance, sur le pas de leurs portes des galettes de pain non cuites dans l'espoir qu'un voisin bienveillant se charge de les porter au ferrane. Avec retour doré garanti...

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