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TLEMCEN


TLEMCEN
Blotti au pied de l'immense chaîne de montagnes à 1 200 m d'altitude, Boudghène, ce «pueblo», domine tout le Grand Tlemcen, en balayant l'horizon, jusqu'aux confins de la Méditerranée.L'histoire de ce village est passionnante. A Tlemcen, il suffit de demander où se trouve Boudghene et on vous indiquera facilement la direction du plateau de Lalla-Setti. Au fait, qui ne connaît pas ce quartier populaire qui a tant fait parler de lui ' Autrefois, on l'appelait «Grottes Boudghène» (Ghirane Boudghène), c'était du temps de l'administration coloniale.Dès le début de la Révolution en 1954, Boudghène allait sortir définitivement de l'anonymat pour devenir le fief imprenable des fidaà's de la région. L'administration coloniale s'est vite rendu compte que ce quartier allait lui donner du fil à retordre. C'est alors que le tristement célèbre Salinas, chef de SAS, lui consacra tout un programme répressif. Les premiers barbelés encerclent Boudghène dès 1956. Nul ne pouvait entrer ou sortir de ce ghetto révolutionnaire sans être fouillé et fiché par la garde mobile et les «Saliguènes», nom donné au corps expéditionnaire sénégalais.Quartier de jeunes fougueux, rares sont les jeunes qui ont survécu au-delà de leurs 20 ans. Les noms des chahids se murmurent de bouche à oreille contre l'oubli. Les ruelles et derbs sont baptisés par des souvenirs silencieux. Dans l'ex-Tahtaha (el bayada), on a, certes, érigé une grande mosquée, mais pas l'ombre d'une minuscule stèle à la mémoire de ceux qu'on fusillait à l'aube. Qui a souvenir aujourd'hui de Ouled El Sef, de Nehari, de Fahchouch, de Mohamed Seghir un jeune Marocain tombé les armes à la main à djebel el-Kaddous au printemps de l'année 1960 ' «Ces joueurs de billes» au visage imberbe savaient jouer aussi de la grenade et du 6-35. Ils sont morts avant qu'ils n'eussent leurs 20 ans. En mourant à cet âge, ils ont tenu une promesse, ne pas servir sous le drapeau tricolore. Boudghène, à l'instar de tous les quartiers populaires du pays, a fait offrande de sa jeunesse à la Révolution.Au lendemain de l'indépendance, on lui a trouvé une autre appellation un peu plus sympathique, Boudghène est devenu «le Mexique».Abritant plus de 40 000 âmes et symbolisant tant de misères et d'indécence face aux chics quartiers de Tlemcen, il reste un quartier réservé exclusivement à cette frange de la population fidèle à la tradition du «nif» (l'honneur). Ce quartier des damnés pendant la période coloniale reste le pied-à-terre de tous les exilés fuyant la campagne.Tout le monde se rappelle l'exode des années 1970. Bien que réputé dangereux à l'époque, Boudghène, le proscrit, accueillait tout le monde. Si aujourd'hui il présente une façade un peu plus moderne, à certains endroits, il reste un véritable musée. Il suffit de s'aventurer dans ses ruelles étroites, de jeter un regard sur les vieux murs délabrés des chaumières datant du siècle dernier pour savoir qu'il y a encore des gens qui vivent à mille lieues du monde civilisé.C'est au début de ce siècle que les premiers gourbis furent construits au pied de Lalla-Setti. Plus tard, ces taudis furent généreusement dotés d'un nom : Boudghène, on lui doit cette appellation grâce à une honorable famille de Tlemcen qui n'est autre que celle du colonel Lotfi, héros de la révolution, tombé au champ d'honneur à Béchar.Après l'indépendance, ce quartier populaire est resté le même, fidèle à ses enfants et à ses traditions. Certains de ses habitants n'ont jamais quitté les lieux. Ils sont les témoins du passé, comme du présent. Dans les années 1970, ce faubourg était désigné comme le fief de la pègre tlemcénienne, réputé dangereux. Nul n'osait s'y aventurer ; ce fut tout simplement de l'intox, car certains voulaient tout simplement raser Boudghene pour implanter de luxueuses villas. C'est Boumediène lui-même qui est intervenu pour sauver ce pan d'histoire (on raconte que Boumediene aimait ce plateau dont il gardait beaucoup de souvenirs).En fait, c'est là une vieille idée chère au colonialisme, car en 1958, les autorités d'occupation avaient projeté la destruction du douar et la déportation de sa population. Des médecins, des universitaires sont issus de ce ghetto accablé de tous les maux et victime de tant de préjugés. Il est vrai que les choses ont quelque peu changé, dans les années 1980 : le petit club de football le CR Boudghène a offert une ossature en or au Widad de Tlemcen. Brahimi, le «goléador» du Widad et de l'équipe nationale, est un pur produit de Boudghène. Ce quartier reste ce haut lieu de faits d'armes. Il est en quelque sorte La Casbah tlemcénienne.Un ancien maquisard me confia, il y a quelques années, qu'à la veille du 1er Novembre 1954, trois de ses compagnons tombés au champ d'honneur allaient donner le signal de la lutte armée à Tlemcen en abattant un colon au château d'eau, à l'est de Boudghène. Ces jeunes martyrs se sont retrouvés à El Bayada, un monticule qui domine les bassins de la Sipa. Ce lieu, chargé d'histoire, est toujours là , anonyme pour les uns, historique pour les quelques survivants de Boudghène.
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