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Maghnia - Ces enfants pousseurs de brouettes



Maghnia -  Ces enfants pousseurs de brouettes




Ils sont pousseurs de brouette. Un nouveau métier et un moyen de locomotion qui est actuellement utilisé pour le transport des marchandises.

«Même si j’avais le baccalauréat, je ne serais jamais cadre de l’Etat. J’aurais obtenu un contrat dans une administration ou une entreprise avec une rémunération humiliante. Aujourd’hui, des diplômés sont recrutés dans le cadre de l’emploi des jeunes avec un salaire de misère de 15.000 DA sans aucune chance d’être titularisés un jour. Ce n’est pas intéressant pour moi», se justifie Kamel, 14 ans, niveau 2e AM.

Pour quelques courses d’un endroit à un autre dans sa ville, Maghnia, Kamel gagnerait quotidiennement entre 500 et 1.000 DA.

«Par exemple, je transporte des produits de toutes sortes d’un vendeur en gros à un détaillant, mais aussi des sacs de voyageurs de la gare routière ou ferroviaire au centre-ville ou à un quartier. Mais, on travaille surtout avec les commerçants qui, pour quelques cartons, ne vont pas faire appel à un taxi, tant les distances ne sont pas longues», explique encore Kamel.

Mais, pourquoi précisément ce moyen de locomotion?

«C’est simple, il ne coûte pas cher, on n’a pas besoin de permis de conduire et jusqu’à présent personne ne nous a interdit de faire ça!»

Ceci dit, il faut préciser que ce qui interdit à un enfant de travailler, c’est bien la loi. Cela nous ramène au cas d’Omar, 16 ans qui n’a pas sa langue dans la poche.

«Ici, je gagne mieux qu’un fonctionnaire sans payer d’impôts à qui que ce soit, sauf peut-être, de temps en temps, à des agents qui veulent nous déloger de notre aire de stationnement, mais on sait acheter la paix», dit-il avec humour.

Mais voilà, le fait est que ce métier a tendance à disparaitre aussi vite qu’il est né. Les affaires marchent très mal et ces brouettes risquent de retourner à leur utilisation initiale.

«Depuis que les autorités ont décidé de lutter sévèrement contre la contrebande entre l’Algérie et le Maroc, le commerce dans la région a diminué, pour ne pas dire presque complètement disparu. Les commerçants ne font plus appel à nous parce qu’ils n’ont presque plus rien à transporter».

La phrase a été lâchée: leur travail dépendait en grande partie du commerce informel. Et cela explique pourquoi les «commerçants» avaient recours à eux.

«Aucun transporteur légal n’accepterait de transporter des marchandises de contrebande», avoue Kamel.

Kamel, Omar et leurs semblables, inventeurs d’un moyen de transport spécial, disparaîtront donc avec une activité illégale longtemps tolérée par l’Etat. Des chômeurs juvéniles, longtemps habitués à l’argent, que ce même Etat devrait prendre en charge sans trop attendre.

«A 16 ans, je n’ai droit à aucun dispositif entrant dans le cadre de l’emploi de jeunes puisque normalement, je dois être à l’école. Et pour retourner en classe, après trois ans d’absence, c’est du domaine de l’impossible. Je suis donc subitement livré à moi-même, prêt à tout pour obtenir de l’argent. C’est un dilemme… pour nos responsables!» reconnaît Omar, l’air d’interpeller les responsables avec un ton sarcastique sentant la menace.


Photo: La brouette, un moyen de débrouillardise pour les jeunes chômeurs de Maghnia

Chahredine Berriah




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