Tlemcen, ville millénaire du Maghreb, porte en son sein une richesse historique et spirituelle qui se reflète dans ses lieux de mémoire, notamment le cimetière de Sidi Senouci. Ce cimetière, l’un des plus anciens et prestigieux d’Algérie, abrite des générations de Tlemcéniens ainsi que des figures illustres, comme Messali Hadj, pionnier du nationalisme algérien. Nommé d’après Sidi Senouci (ou Sidi Essanoussi), un saint et érudit du XVe siècle connu pour sa piété et ses écrits mystiques, ce lieu sacré est un miroir de l’histoire de la ville, marquée par les dynasties almohades et zianides, les influences andalouses et la lutte contre l’occupation coloniale.
Les épitaphes du cimetière de Sidi Senouci, bien que souvent simples et dépouillées conformément aux traditions musulmanes, racontent des récits silencieux. Dans l’Islam, les rites funéraires privilégient l’humilité : le corps, lavé et enveloppé d’un linceul blanc, est inhumé face à la Qibla, sans ostentation. Les inscriptions sur les tombes, lorsqu’elles existent, se limitent généralement à des noms, des dates, et parfois des versets coraniques ou des invocations, comme « Que la miséricorde d’Allah soit sur lui ». À Tlemcen, ces épitaphes reflètent cette sobriété, mais elles portent aussi l’empreinte d’une ville carrefour de cultures et de savoirs. Certaines pierres, usées par le temps, évoquent les savants et ulémas qui ont marqué l’histoire locale, tandis que d’autres, plus récentes, rappellent les martyrs de la Révolution.
Contrairement à d’autres cimetières algériens, comme ceux d’Alger ou d’Oran, où les inscriptions funéraires ont parfois été étudiées en détail, celles de Sidi Senouci restent moins documentées. Pourtant, elles offrent un potentiel historique immense. Les tombes de personnalités comme Messali Hadj, inhumé en 1974 dans un climat de discrétion, ou celles de combattants ayant trouvé refuge dans ce lieu durant la guerre d’indépendance, sont des jalons d’une mémoire collective. L’état actuel du cimetière, souvent décrit comme négligé avec ses herbes sauvages et ses sentiers envahis, n’efface pas la puissance de ces épitaphes, qui oscillent entre héritage spirituel et témoignage historique.
Sidi Senouci lui-même, dont le nom sanctifie ce lieu, incarne cette dualité : un mystique porté sur la théologie unitaire, dont la présence continue d’inspirer les visiteurs. Les rites funéraires musulmans pratiqués ici – toilette rituelle, prière de la Salat al-Janaza, inhumation rapide – s’inscrivent dans une tradition intemporelle, mais à Tlemcen, ils se teintent d’une poésie locale, celle d’une ville qui a toujours su mêler foi, résistance et culture.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : Photo : Hichem BEKHTI