Le Traité de Paix de 1362 entre Abou Hammou Moussa II et Pierre IV d'Aragon

Contexte historique
Le traité de paix signé en 1362 entre Abou Hammou Moussa II, sultan du royaume zianide de Tlemcen (1359-1389), et Pierre IV, roi d'Aragon, s'inscrit dans une période de relations complexes entre les puissances musulmanes du Maghreb et les royaumes chrétiens de la péninsule ibérique. Abou Hammou Moussa II, né en 1324 à Grenade, était le petit-fils du sultan Abu Saïd Uthman II, exilé en Andalousie avec ses quatre fils. Élevé dans un environnement andalou, il y acquit une solide culture islamique avant de regagner son royaume à l'âge de 29 ans, en 1353, dans un contexte de crise face aux Mérinides. Il fut intronisé sultan en 1359 après avoir reconquis Tlemcen, profitant de l'affaiblissement de ses rivaux.

Ce traité de 1362 visait à établir une alliance entre les Zianides et la Couronne d'Aragon, probablement dans un objectif de stabilité régionale et de coopération face aux tensions croissantes dans la Méditerranée occidentale. Cependant, cette entente fut mise à l'épreuve quelques années plus tard en raison d'événements impliquant Grenade et une coalition chrétienne.

Relations entre Tlemcen et Grenade
Les liens entre le royaume zianide de Tlemcen et le royaume nasride de Grenade étaient étroits, renforcés par des échanges diplomatiques et culturels. Abou Hammou Moussa II entretenait des relations cordiales avec Mohammed V, sultan de Grenade, marquées par des échanges de cadeaux symbolisant leur alliance. Ces rapports se concrétisèrent davantage en 1366, lorsque Mohammed V, confronté à une coalition chrétienne menaçant son royaume, envoya son vizir Abu el-Barakat à Tlemcen pour solliciter une aide urgente.

Cette coalition, dirigée principalement contre Pierre Ier de Castille, allié des Grenadins, risquait de se retourner contre Grenade. En réponse, Abou Hammou Moussa II mobilisa rapidement des ressources considérables : or, argent, chevaux, navires chargés de blé et, surtout, des contingents de l'armée tlemcénienne. Ces troupes jouèrent un rôle significatif dans la campagne militaire de Mohammed V, permettant aux Grenadins de résister temporairement à la pression chrétienne.

Violation du traité et représailles aragonaises
L'intervention zianide en faveur de Grenade en 1366 constitua une violation directe du traité de paix de 1362 avec la Couronne d'Aragon. En soutenant Mohammed V contre les intérêts chrétiens, Abou Hammou Moussa II s'attira l'inimitié de Pierre IV d'Aragon, qui voyait dans cette alliance une menace pour ses propres ambitions en Méditerranée. En représailles, des pirates catalans, probablement sous l'égide ou avec l'approbation tacite de Pierre IV, capturèrent un vaisseau zianide en route vers le port de Honaïne, dans le royaume de Tlemcen. Ce navire transportait de riches cadeaux envoyés par Mohammed V à Abou Hammou Moussa II en signe de gratitude.

Les prisonniers tlemcéniens capturés lors de cette attaque ne furent libérés qu'après le paiement d'une forte rançon exigée par Pierre IV. Cet épisode illustre la fragilité des alliances diplomatiques de l'époque et les tensions croissantes entre les royaumes musulmans et chrétiens, exacerbées par des intérêts économiques et stratégiques concurrents.

Conséquences et héritage
La rupture du traité de 1362 marqua un tournant dans les relations entre Tlemcen et la Couronne d'Aragon, soulignant les difficultés d'Abou Hammou Moussa II à maintenir une politique étrangère équilibrée. Son règne, bien que marqué par des efforts diplomatiques et des contributions culturelles (comme la construction de la madrasa Yakoubia à Tlemcen), fut constamment perturbé par des conflits internes et externes. L'incident avec les pirates catalans reflète également l'insécurité des routes maritimes méditerranéennes, où les actes de piraterie servaient souvent d'outils politiques.

En somme, le traité de paix de 1362, bien qu'éphémère, témoigne des interactions complexes entre les puissances maghrébines et ibériques au XIVe siècle. L'engagement d'Abou Hammou Moussa II aux côtés de Grenade, au détriment de son alliance avec Pierre IV, illustre les dilemmes stratégiques auxquels étaient confrontés les souverains musulmans dans un contexte de Reconquista et de rivalités régionales.