Ville historique du nord-ouest de l’Algérie surnommée la « perle du Maghreb », est un art ancestral profondément enraciné dans le patrimoine culturel de la région. Il se distingue par sa richesse, sa diversité et son rôle dans la préservation de l’identité culturelle tlemcénienne, notamment à travers la confection de tapis, de costumes traditionnels et d’autres textiles. Voici un aperçu détaillé basé sur les informations disponibles :
1. Le tissage des tapis zianides
Le tissage du tapis zianide, héritage de la dynastie zianide (XIIIe-XVIe siècles), est l’une des expressions les plus emblématiques de cet artisanat à Tlemcen. Ces tapis se caractérisent par :
Matériaux : Principalement la laine, parfois le coton, transformés à partir de matières premières comme la laine de mouton, les poils de chameau ou de chèvre.
Techniques : Les techniques varient entre le tissage agrafé et noué, avec des motifs géométriques ou floraux spécifiques à la région, comme ceux des tapis Beni Senous, Al-Burabah Al-Hashaishi, Hanbal ou Hayyak.
Rôle des femmes : Traditionnellement, le tissage est un art pratiqué par les femmes, qui maîtrisent les motifs et les techniques transmises de génération en génération. Depuis 2011, des initiatives comme le programme de relance de la Chambre d’artisanat et des métiers (CAM) ont revitalisé cet art, notamment via la formation de jeunes femmes au Centre de savoir-faire de Sebdou.
Les tapis zianides, autrefois menacés de disparition, ont retrouvé un nouveau souffle grâce à la modernisation des designs et à l’allègement des structures, tout en préservant leur qualité et leur authenticité. Un centre d’estampillage, rouvert en 2007, garantit la qualité des tapis, certains étant classés « qualité supérieure B ».
2. Le tissage dans les costumes traditionnels
Le tissage traditionnel à Tlemcen est également essentiel dans la confection des costumes, notamment la chedda tlemcénienne, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO depuis 2012.
La chedda : Cette tenue nuptiale, portée par les mariées, est une robe longue en soie dorée tissée avec des fils d’or torsadés, utilisant la technique de broderie haute couture appelée M’nsouj Alhrar. Elle est ornée de perles, de paillettes et de bijoux comme la meskia, le kravach ou la chachiya. La chedda reflète l’influence andalouse et ottomane, avec des éléments comme la coiffe conique ornée de diadèmes.
La blouza : Une autre tenue traditionnelle, plus légère et évasée, dérivée de l’ancienne abaya citadine. Elle est confectionnée avec des tissus comme la soie, le tulle ou la mousseline, et ornée de motifs brodés au niveau du décolleté et du dos.
Autres éléments : Les costumes incluent des accessoires comme la foutah m’taqqla (ceinture à rayures dorées), le caftan, ou encore l’abrouk (écharpe brodée). Ces pièces témoignent d’un savoir-faire minutieux, souvent réalisé à la main.
Le rituel nuptial de Tlemcen, où ces costumes jouent un rôle central, commence chez les parents de la mariée, qui revêt la robe de soie dorée entourée de ses proches. Ce savoir-faire se transmet de génération en génération, initiant les jeunes filles dès leur plus jeune âge.
3. Techniques et outils du tissage
Le tissage traditionnel à Tlemcen repose sur des métiers à tisser manuels, souvent en bois, comme ceux utilisés au Centre de Sebdou.
Préparation : La transformation de la laine brute inclut le cardage, le filage et la teinture, souvent réalisés par les tisseuses elles-mêmes. La trame est montée méticuleusement autour de piquets, avec des fils solides pour éviter les cassures.
Processus : Deux tisseuses travaillent souvent ensemble, utilisant un peigne métallique pour tasser les fils de trame entre les fils de chaîne. Ce travail, qui peut durer des semaines, est accompagné de discussions et d’échanges culturels, renforçant les liens sociaux.
Symbolisme : Les motifs tissés, qu’il s’agisse de tapis ou de costumes, portent des significations culturelles, reflétant l’histoire, l’identité et les traditions de Tlemcen.
4. Impact culturel et économique
Préservation du patrimoine : L’artisanat du tissage à Tlemcen est un pilier de l’identité culturelle, contribuant à la renommée mondiale de la région. La chedda, par exemple, est un symbole fort, célébré lors de festivals comme le Festival national du costume traditionnel algérien.
Impact économique : Selon la CAM, l’artisanat traditionnel génère environ 4 500 emplois directs et trois fois plus d’emplois indirects dans la wilaya de Tlemcen. Des villages comme Sidi Benamar vivent presque exclusivement de cet artisanat.
Modernisation et transmission : Les efforts de modernisation, comme ceux initiés par la CAM et des créateurs comme Zineb Djazia Benmoussat, permettent de réinterpréter ces traditions pour les rendre accessibles aux nouvelles générations tout en respectant les techniques ancestrales.
5. Défis et perspectives
Malgré sa richesse, le tissage traditionnel à Tlemcen a failli disparaître avant les initiatives de relance des années 2000. Les défis incluent la concurrence des produits industriels et la nécessité de former de nouvelles générations. Les coopératives et les formations, comme celles proposées à Sebdou, jouent un rôle clé pour assurer la pérennité de cet art.
Conclusion
Le tissage traditionnel à Tlemcen est bien plus qu’un savoir-faire technique : il est un vecteur de mémoire, d’identité et de lien social. Des tapis zianides aux costumes nuptiaux comme la chedda, cet artisanat reflète l’histoire riche de la région, marquée par des influences andalouses, ottomanes et berbères. Grâce aux efforts de préservation et de modernisation, il continue de rayonner, tant sur le plan culturel qu’économique, tout en s’adaptant aux goûts contemporains.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : Photo : Hichem BEKHTI