Le Marabout de Sidi Wahab à Tlemcen : Une Koubba Méconnue et Squattée

Le Marabout de Sidi Wahab, situé à Tlemcen en Algérie, est un mausolée islamique modeste qui fait partie de l'héritage spirituel du Maghreb central. Ce site, classé parmi les monuments historiques depuis 1900 conformément à la loi française de l'époque coloniale, est une koubba typique des tombes de saints vénérés. Souvent confondu avec le marabout de Sidi Yakoub dans les archives photographiques coloniales, il mérite une exploration précise basée sur des sources historiques vérifiées.

Description Architecturale et Localisation

La koubba de Sidi Wahab est un édifice cubique en pierre blanchie au chaux, surmonté d'un dôme arrondi et orné d'une frise décorative géométrique simple. Elle présente une fenêtre en arc brisé sur le flanc et une entrée latérale discrète, conforme aux mausolées maghrébins des premiers siècles islamiques. Située dans le Bois de Boulogne (également appelé Bois Sacré), un quartier boisé historique à l'extérieur de Tlemcen près d'Agadir, elle est mitoyenne de la hawita de Sidi Yakoub, formant un ensemble sacré adjacent avec un cimetière et des sentiers ruraux. Ce complexe, documenté dès l'époque zianide (XIIIe-XVe siècles), est capturé dans des photographies coloniales des années 1880-1910, montrant un cadre isolé entouré d'arbres.

Confusion Historique avec Sidi Yakoub

La confusion entre les deux sites provient des légendes et catalogages coloniaux. Les photographes français comme Pierre Émile Joseph Pécarrère (années 1880) et les éditeurs de cartes postales (ex. Neurdein) ont souvent étiqueté la koubba de Sidi Wahab comme 'Marabout de Sidi Yacoub', en raison de leur proximité et de similitudes architecturales superficielles. La hawita de Sidi Yakoub, plus élaborée avec un oratoire et une coupole en style andalou-maghrébin, est un sanctuaire funéraire complexe, tandis que la koubba de Sidi Wahab reste une structure simple. Cette erreur persiste dans certaines archives, comme celles du Musée d'Orsay, mais les inventaires modernes distinguent clairement les deux.

Hagiographie de Sidi Wahab : Faits Historiques Vérifiés

Sidi Wahab (ou Sidi El Wahhab) est vénéré à Tlemcen comme une figure pieuse associée à l'islamisation précoce du Maghreb. Les chroniques historiques, telles que celles du Sultanat zianide, le mentionnent comme un saint local dont le culte s'est développé dès le Moyen Âge. Une porte de la ville médiévale de Tlemcen portait son nom (Bab Sidi Wahab), témoignant de son influence sur la communauté malikite. Son mausolée est attesté comme lieu de pèlerinage depuis au moins le XIIIe siècle, dans le contexte du royaume zianide (1236-1554), sans attribution légendaire à des compagnons du Prophète comme Uqba ibn Nafi – un récit populaire non corroboré par les sources primaires. Le site est classé depuis 1900, confirmant son ancienneté architecturale médiévale.

Hagiographie de Sidi Yakoub : Faits Historiques Vérifiés

Sidi Yakoub (ou Yaqoub al-Tlemsani) est un juriste et théologien malikite du XIVe siècle, actif sous la dynastie zianide à Tlemcen (royaume de 1236-1554). Né vers la fin du XIIIe siècle, probablement sous le règne d'Abou Saïd Othman Ier (1283-1303), il émigra d'Andalousie (Grenade) vers Tlemcen pour fuir les persécutions. Nommé qadi (juge) à la cour zianide, il fonda une zaouïa (centre d'enseignement soufi) et une mosquée-oratoire en 1339 (739 H.), servant d'école coranique et de refuge pour voyageurs. Les chroniques mérinides et zianides (ex. Ibn Khaldoun dans 'Histoire des Berbères') le décrivent comme un médiateur lors des conflits entre Zianides et Mérinides. Son mausolée, la hawita, est situé dans le Bois Sacré adjacent, avec des inscriptions confirmant sa fondation, et le site inclut un tombeau associé à une 'Sultane' (figure historique non identifiée précisément).

État Actuel : Menaces de Dégradation et Squat

Malgré son classement en 1900, la koubba de Sidi Wahab reste vulnérable en raison de son isolement rural. Des témoignages locaux indiquent un squat persistant par des occupants illégaux, lié à l'urbanisation informelle et au manque de surveillance, entraînant une dégradation structurelle sans interventions de restauration documentées au XXIe siècle. Ce problème affecte de nombreux petits sites patrimoniaux algériens, contrastant avec les efforts pour des monuments plus urbains comme la Mosquée Sidi Boumediene.

Un Héritage Fragile mais Endurant

Le Marabout de Sidi Wahab, mitoyen à la hawita de Sidi Yakoub dans le Bois de Boulogne de Tlemcen, symbolise la richesse spirituelle zianide. Les photographies d'époque et les chroniques historiques soulignent son rôle dans la dévotion populaire, malgré les confusions coloniales et les défis contemporains de préservation. Ce site continue d'incarner l'ancrage islamique de Tlemcen, invitant à une meilleure protection pour les générations futures.