
Dans la salle feutrée de l’hôtel Renaissance de Tlemcen, le 1er novembre 2025, se tenait une exposition dédiée à l’artisanat. Parmi les nombreux stands, celui de l’association culturelle et artistique « Cheikh Mohammed Bouali » attirait tout particulièrement l’attention des visiteurs. Derrière la table chargée d’instruments à cordes et de coffrets anciens, un jeune homme, regard vif et gestes précis, accueillait les curieux : Larbi Benouis, une trentaine d’années, violoniste, joueur de rebab et luthier autodidacte.

Musicien sénior à l’association « Cheikh Mohammed Bouali », engagée dans la sauvegarde et la promotion de la musique andalouse tlemcénienne, Larbi Benouis incarne cette nouvelle génération d’artistes qui refusent de voir disparaître les savoirs anciens.
Violoniste de formation, il s’est progressivement intéressé à la facture instrumentale, par curiosité d’abord, puis par amour du geste artisanal. Sans formation académique, il a appris seul à démonter, réparer, puis reconstruire des instruments traditionnels, notamment le rebab, symbole de la musique arabo-andalouse.


Le rebab, instrument à cordes frottées au son grave et chaud, est profondément enraciné dans la tradition musicale du Maghreb. Jadis omniprésent dans les orchestres andalous de Tlemcen, il se fait aujourd’hui rare, remplacé peu à peu par le violon moderne.
Larbi Benouis a relevé le défi d’en fabriquer un lui-même, à partir de bois d’acajou, choisi pour sa densité et sa sonorité particulière. Le résultat est à la fois esthétique et fonctionnel : un instrument au timbre velouté, orné de finitions soignées, qui témoigne d’un savoir-faire patient.
Il confie déjà vouloir en concevoir un second, en bois massif, dont la caisse prendrait la forme d’une baleine, symbole pour lui de profondeur et d’harmonie.

Sur son stand, Larbi exposait non seulement ses créations, mais aussi ses travaux de restauration.
Qu’il s’agisse de vieux violons, de rebabs usés ou de valises d’instruments abîmées par le temps, il redonne vie à ces objets avec une minutie impressionnante. Chaque réparation devient un acte de mémoire, une manière de préserver le lien entre les musiciens d’hier et ceux d’aujourd’hui.
Lors de cette exposition, le journaliste Allal Bekkai a échangé longuement avec le jeune luthier. Ensemble, ils ont évoqué le métier de luthier, devenu rare à Tlemcen, malgré la richesse musicale de la ville.
Ils ont cité plusieurs maîtres artisans qui ont marqué leur époque : Belkacem Ghoul, Salah Boukli, Kheïreddine Bouabdallah… autant de noms qui résonnent encore dans la mémoire des musiciens anciens.
M. Bekkai a également déploré la disparition du Nay, cette flûte délicate et expressive autrefois essentielle aux orchestres andalous. « Le Nay faisait chanter le silence », dira-t-il, rappelant combien cet instrument avait enrichi les répertoires d’antan.

Par son travail, Larbi Benouis redonne souffle à un métier que beaucoup pensaient perdu.
Entre la précision de l’artisan, la sensibilité du musicien et la curiosité de l’autodidacte, il incarne une génération capable de renouer avec la tradition sans renoncer à la modernité.
Son parcours, encore discret, témoigne d’une conviction simple : préserver les instruments, c’est préserver la mémoire vivante de la musique.
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : Hichem BEKHTI