Tlemcen - Réda Brixi

Hommage à Réda Brixi : Un patriote algérien oublié par sa terre natale, célébré au Canada


Hommage à Réda Brixi : Un patriote algérien oublié par sa terre natale, célébré au Canada

Montréal, 29 septembre 2025 – Deux mois après sa disparition, Réda Brixi, figure emblématique du patriotisme algérien et président de l’Écomusée de l’Algérie, a reçu un hommage émouvant au Centre Loisirs Communautaires François-Perreault de Montréal. Né à Tlemcen, cette ville millénaire qui l’a vu grandir, il a consacré sa vie à la préservation et à la transmission du patrimoine culturel algérien. Pourtant, un contraste poignant se dessine : tandis que la diaspora algérienne au Canada lui rend un vibrant hommage, sa patrie d’origine semble l’avoir relégué aux oubliettes, avec des réactions quasi inexistantes à son décès survenu le 21 juillet 2025.

Une vie d'aventures et d'engagement patriotique

Réda Brixi, diplômé en anthropologie et en muséologie, était un infatigable voyageur et un gardien zélé de la mémoire collective algérienne. Originaire de Tlemcen, où il a exercé en tant que directeur des sites et musées, il a très tôt marqué son engagement par des rôles clés dans la préservation du patrimoine local. Ancien directeur du Musée National Maritime d'Alger, il a occupé des fonctions essentielles dans la mise en valeur des trésors historiques de son pays, notamment à travers des expositions thématiques sur la musique andalouse et les poètes de Tlemcen.

Son parcours est jalonné d'aventures extraordinaires qui incarnent l'esprit libre et curieux d'un Algérien de la génération post-indépendance. En 1963, à peine deux ans après l'indépendance, Brixi entreprend un pèlerinage à La Mecque à scooter, une épopée de plusieurs milliers de kilomètres traversant l'Algérie de Ben Bella, la Tunisie de Bourguiba, la Libye et l'Égypte. Ce voyage, relaté dans son ouvrage Pèlerinage à la Mecque en scooter en 1963, est un témoignage vivant des premières années de fraternité arabe, ponctué d'anecdotes hilarantes et d'odes à la solidarité entre peuples. Cinquante ans plus tard, en 2011, il réitère l'exploit, prouvant que son âme d'explorateur ne s'essoufflait jamais.

Ses écrits abondent : Un Algérien à Tombouctou (récit de voyage en 2004-2005), La Route du sel, de Tlemcen au Bilad As Soudan, ou encore Le Bastion 18, Témoignage vécu d'une cellule des années 1958, où il relate les horreurs de la torture coloniale dans ce sinistre centre de Tlemcen. Ces ouvrages, souvent publiés aux éditions Alger-Livre, ne sont pas de simples récits ; ils sont des actes de résistance culturelle, des ponts entre passé et présent. Brixi y dépeint une Algérie vivante, ancrée dans ses traditions zianides – comme l'illustre médersa Tachfinya du XIVe siècle – et ses routes caravanières ancestrales.

Exilé au Canada, il fonde en 2021 l’Écomusée de l’Algérie à Montréal, un projet pionnier visant à ancrer la culture algérienne dans la diaspora. Basé dans le quartier du Petit Maghreb, cet écomusée ambitionne non seulement de rassembler les objets et souvenirs de la communauté, mais aussi d'intégrer la société d'accueil pour un "vivre-ensemble" enrichi. Brixi plaidait pour la création de tels espaces en Algérie même, regrettant l'absence d'institutions vivantes pour transmettre le patrimoine. Son engagement s'étendait aux expositions internationales, comme celle au Musée des métiers d'art du Québec (MUMAQ) en 2023, où il mettait en lumière les artisanats algériens, reliant ainsi l'héritage maghrébin à l'Afrique et au monde.

Un hommage canadien, un silence algérien

La cérémonie du 29 septembre au Centre François-Perreault a réuni une foule émue, avec des témoignages en présentiel et à distance de ceux qui l'ont côtoyé. Des amis, des collaborateurs et des membres de la communauté algérienne de Montréal ont partagé des souvenirs de sa générosité, de son humour et de sa passion inébranlable pour l'Algérie. "Réda était un pionnier, un passeur de mémoire qui nous rappelait que notre histoire n'est pas figée dans les musées, mais vivante dans nos cœurs", a déclaré un proche lors de l'événement. Cet hommage, initié par l’Écomusée qu'il a fondé, souligne l'empreinte profonde qu'il a laissée dans la diaspora, où il incarnait l'amour de la patrie loin des frontières.

À l'inverse, du côté de Tlemcen et de l'Algérie, le silence est assourdissant. Malgré sa longue carrière au service des musées tlemceniens et ses contributions à la sauvegarde du patrimoine local – des expositions sur le Mouloud aux hommages aux maîtres de la musique andalouse comme Cheïkh Larbi Bensari ou Mustapha Brixi , rien n'indique une reconnaissance officielle ou publique à sa mort.

Un legs immortel pour l'Algérie de demain

Réda Brixi nous quitte, mais son œuvre perdure. À travers l’Écomusée de Montréal, ses livres et ses voyages, il a semé les graines d'une Algérie fière, ouverte sur le monde. Son pèlerinage en scooter n'était pas qu'une aventure personnelle ; c'était un symbole de persévérance, un appel à ne pas laisser s'effacer les routes de sel, les bastions de la lutte et les médersas zianides. Qu'Allah lui accorde Sa miséricorde et l'accueille dans Son vaste paradis, comme l'exprimait l’Écomusée dans son message de deuil.

En cet hommage, rappelons-nous : la mémoire d'un peuple se nourrit de ceux qui, comme Brixi, ont osé la porter sur leurs épaules, même au loin. Tlemcen, il est temps de raviver la flamme.


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