La veille de l'Aïd, pour des dizaines de mères de famille tlemcéniennes, a été une éternelle course contre la montre pour apporter un peu de joie dans le c'ur de leurs enfants.
Un rituel pour lequel ces mères ont été contraintes de gager les bijoux familiaux ou de vendre une partie pour faire face aux lourdes dépenses du mois de Ramadhan et satisfaire leur progéniture en lui offrant une tenue pour cette fête que les enfants attendent avec impatience.
Elles étaient là, ce jeudi, massées devant les bijouteries, attendant leur tour pour négocier un gage ou une vente de leurs bijoux, dûment protégés dans un mouchoir et bien serrés dans leurs mains.
Vigilance oblige car des voleurs à la tire, qui ont proliféré durant ce mois de Ramadhan, ne guettent que ces occasions pour les dépouiller de leur précieux bien. Il faut reconnaître que la pratique des gages de bijoux est devenue monnaie courante dans la capitale des Zianides pour les familles à faibles revenu. Elles affirment avec dignité que «les bijoux restent un moyen financier pour faire face aux moments difficiles et parer à toute éventualité» et qu'«elles préfèrent vendre un bijou que de laisser leurs enfants sans effets vestimentaires pour l'Aïd» ou comme on dit à Tlemcen «fais comme ton voisin ou déménage».
C'est cet adage qui pousse toutes ces mères de famille à sacrifier le précieux bijou contre le bien-être de leurs enfants afin qu'ils soient habillés comme tous les enfants des voisins et du quartier. La fierté est de mise en ces circonstances solennelles. Cette pratique fait aussi le bonheur des bijoutiers qui y trouvent là une occasion pour réaliser des bénéfices. Il n'y a point d'humaniste dans ce genre de transaction même si elle se fait au détriment de la détresse de ces malheureuses femmes. Les prix à l'achat de l'or «cassé» sont sans appel. Ils sont fixés à 3500 dinars le gramme alors que le prix de l'or a dépassé ces derniers temps les 5000 dinars le gramme, selon la qualité et l'origine du bijou.
Mais, comme l'a dit Majda, veuve et mère d'un enfant de 16 ans, qu'on a rencontrée devant une bijouterie, «c'est plus fort que nous et nous sommes contraintes d'accepter les sommes proposées par les bijoutiers. Elle venait de vendre une bague de plus de 2 grammes à 8000 dinars tout en s'interrogeant si cette somme sera suffisante pour habiller son orphelin adolescent. Cette jeune dame n'a pas pu retenir ses larmes et a éclaté en sanglots :
«Que voulez-vous que je fasse, je ne travaille pas et je n'ai personne pour subvenir à mes besoins ; je ne vis qu'avec l'aide que m'octroie ma modeste famille et je ne veux pas être un fardeau pour elle.» Selon les bijoutiers, «le commerce de l'or connaît une grande activité au cours du mois de Ramadhan à cause de la cherté de la vie et la paupérisation d'une large frange de la société qui a recours à ce procédé pour joindre les deux bouts», et reconnaissent «qu'ils ont beaucoup de respect pour ces mères de famille car d'autres ont fait de la mendicité un commerce lucratif». Même avec la vente de leurs bijoux, ces mères de famille ne voient pas encore le bout du tunnel.
On pense déjà à la rentrée scolaire et au mouton de l'Aïd. Encore d'autres dépenses et des frustrations nouvelles. «C'est malheureux mais nos fêtes sont ainsi faites», disent des pères de famille qui ont constaté la flambée des prix et notamment des fruits et légumes en ces derniers jours du mois sacré.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : B S
Source : www.letempsdz.com