Tlemcen - Qacim Ben Said El-Oqbany

Biographie de Qacim Ben Said El-Oqbany



Qacim Ben Said Ben Mohammed El-Oqbany
II naquit à Tlemcen et portait les surnoms d'Abou'l-Fadhl et d'Abou'l-Qacim. Ce pontife de l'Islam, ce muphti du genre humain, ce phénix, ce hafidb, ce modèle, ce très savant docteur, ce libre interprète de la loi, ce contemplatif, ce maître qui forma deux générations d'hommes, ce guide, ce professeur vers lequel on accourait de tous les pays,ce pèlerin, fut l'élève de son père, l'imam Abou Othman (Saïd) et d'autres maîtres. Les sciences qu'il avait acquises l'élevèrent à un rang qui lui permettait de laisser de côté l'autorité des chefs de sectes dans l'interprétation de la loi, et de décider d'après son propre sentiment. Il professait des opinions qui s'éloignaient de la doctrine malékite et qui furent, pour la plupart, combattues par son contemporain, l'imam Ibn Merzonq El-Haflid.
Voici ce qu'en dit son disciple le cheikh Mohammed ben El-Abbés : « Qacim EI-Oqbany est le muphti du peuple musulman, le plus docte des érudits et le plus éminent des hommes éminents; il clôt la série des imams. »
Dans les premières pages de son livre intitulé : Cas juridiques, Abou Zakariya El-Mazouny dit ceci : « Abou', Fadhl El Oqbany a été notre professeur ; c'est le pontife de l'Islam et le plus remarquable des hommes remarquables ; il est très versé clans la connaissance des principes fondamentaux et secondaires de la loi. »
Le hafidh Et-Tenessy dit en parlant de Qacim EI Oqbany : « Notre professeur le très savant imam, le phénix de son temps et de son siècle. » -
Voici ce qu'on lit dans la relation de voyage d'El-Qalaçady : « Abou'l-Fadhl a été notre professeur et notre source de bénédictions célestes. Ce jurisconsulte, cet imam versé dans l'explication du Coran, ce maître qui forma deux générations d'hommes, n'eut ni égaux ni rivaux, et s'éleva au rang de ceux qui, par leur science, peuvent s'affranchir dans l'interprétation de la loi, de l'autorité des chefs de sectes et décider d'après leur propre sentiment, en appuyant leurs décisions par des preuves et des arguments. C'était un homme doué d'une volonté énergique et d'une beauté éclatante, un puits (à la lettre : un paquet) plein de science et vide d'orgueil, un cercle lumineux s'élevant de l'horizon de la beauté vers la plus haute perfection et la plus parfaite sublimité.
p Il était sans rival dans les sciences rationnelles et traditionnelles, en langue arabe et en rhétorique. Quant aux autres branches des connaissances humaines, on peut dire que lorsqu'il les enseignait, il ouvrait les esprits et répandait des océans de lumière sur les ténèbres qui les habitaient. Il fut investi dans sa jeunesse des fonctions de cadi à Tlemcen, et vit se réaliser dans sa vieillesse les espérances qu'il avait fondées sur ses enfants. C'est lui qui, dans l'hippodrome de la science, atteignit toujours le premier le poteau d'arrivée. Il passa les premières années de sa vie à cultiver la science, et, les dernières, à en recueillir le fruit. Il ne cessa d'honorer les sciences et d'en enseigner ce qui est inconnu et ce qui est connu. Les hommes les plus réputés pour leur savoir, leur intelligence et leur bon goût profitèrent eux aussi de son enseignement. Il répondait à toutes les questions que les savants lui adressaient sur n'importe quel sujet que ce fût. Après la mort de sidi Ahmed ben Zaghou, je me mis à fréquenter assidûment ses leçons, jusqu'au jour où je partis de Tlemcen. A mon retour dans cette ville, je le trouvai encore en vie, et j'appris en les lisant moi-même, sous sa direction, une partie de l'Abrégé de la Modawana par Abou Zeïd, le Précis de Khalil, les Sentences d'Ibn At'aï'llâh avec leur commentaire par 1bn Abbad, les deux parties du traité des successions d'El-Haufy : celle qui traite des cas où la base numérale pour la répartition des parts héréditaires est un nombre entier, et celle qui traite des cas où cette base est une fraction ; le chapitre des monaçakhat (cas de décès d'un ou de plusieurs héritiers d'un défunt, avant que soit répartie la succession) du commentaire sur El-Haufy par son père Saïd EI.Oqbany ; l'Abrégé des Principes fondamentaux de la religion (El-Agida El-Borhaniya) dont l'auteur est son père Saïd, et° autres livres. J'ai assisté aussi à l'explication faite par lui de plusieurs ouvrages de sciences diverses. Il avait un bon et agréable caractère dont le pareil se rencontre rarement. Il mourut en Dhou'l gâda de l'année 854 (déc. 1450). On pria sur son corps à la
grande mosquée et on l'inhuma à côté du tombeau du cheikh Ibn Merzouq. Le sultan et toute sa cour assistèrent à ses funérailles. »
Tels sont, résumés, les renseignements biographiques fournis par El-Qalaçady.
Qacim El-Oqbany mourut à un âge fort avancé. Il fit le pèlerinage de La Mecque en 830 (inc. 2 nov. 1426). Au Caire, il assista aux leçons d'Ibn Hadjar, de qui il sollicita et obtint un diplôme de licence. Il suivit aussi les cours du très docte El-Beçaty. On lui doit des gloses sur le Précis de jurisprudence d'Ibn El-Hadjib, une prière en vers du mètre redje.z que les soufis récitent avec le dhikr (1) dans leurs assemblées, et autres ouvrages.
Citons parmi ses élèves :1 l'imam Ibn El-Abbés ; 2 Abou'I Barakat En-Naïly ; 3 son fils, le cadi Abou Salim (Ibrahim) ; -4 son petit -fils, le très savant cadi Mohammed ben Ahmed ; 5 Et-'Tenessy; 6 Abou Zakariya El Mazouny; 7 El-Ouenchericy ; ces deux derniers ont transcrit un grand nombre de ses fetoua dans leurs recueils de cas juridiques; 8 le très docte Ben Zékry ; 9 le savant cheikh Mohammed ben Mohammed ben Merzouq El -Kafif.
Nous avons donné plus haut la biographie de son père et celles de ses deux fils Ahmed et Ibrahim.; on lira plus loin celle de son petit-fils, le cadi Mohammed (2).

Notes
1 « Le sens propre et usuel du mot dhikr est: « mention, exposé, énonciation » ; c'est, au fond, celui qu'il a conservé dans le style religieux : la mention par excellence étant celle qui a Dieu pour objet, on est arrivé aux sens de: « mention de Dieu », « livre révélé », « prière », « invocation », « oraison. »
Chez les Khouan, le dhikr est l'Oraison spéciale et distinctive de la congrégation. C'est le plus souvent, sinon toujours. une invocation très courte, mais qui doit se répéter de suite un nombre immense de fois, de sorte que c'est avec raison que l'on a traduit souvent le mot dhikr par « Oraison continue. »
L'origine de ce genre d'oraison, comparable à nos litanies, est dans le 41' verset du chapitre NXXII du Coran.
« O croyants, énoncez (le nom) de Dieu, par un nombre considérable d'énonciations, et célébrez-le matin et soir. »
L'application en est faite, par les Musulmans non Khouan, en récitant le chapelet, dont chacun des 99 grains correspond à un des noms de Dieu.
Chez les Khouan, le dhikr consiste à répéter, cent, deux cents, cinq cents ou mille fois de suite, soit le mot (Allah), soit une
formule courte telle que la profession de foi islamique: (il n'y a d'autre divinité que Dieu), soit une invocation brève comme : pardonne mon Dieu!, soit un verset du Coran, etc. Eu général, plus l'oraison est courte, plus on la répète de fois.
Le dhikr d'une congrégation comprend toujours, au moins, quatre articles ou versets, placés dans un ordre déterminé, et pouvant servir de moyen de ralliement et de signe de reconnaissance entre les Khouan qui se rencontrent sans se connaître. L'un récite à haute voix la première phrase du dhikr, et l'autre répond par la seconde; une deuxième épreuve, portant sur les versets suivants, leur montre bien vite qu'ils appartiennent au même ordre religieux.
Le dhikr se complète, d'ailleurs, par la récitation de prières plus ou moins longues, ou de chapitres du Coran auxquels le fondateur de l'ordre a attaché des indulgences spéciales, et que l'ouerd impose au Khouan dans des circonstances déterminées.
Chaque ordre a, en outre, certaines particularités d'attitude ou d'intonation, dans la prière et dans le mode de récitation du dhikr, qui permettent facilement de reconnaître les Khouan de plusieurs ordres....
Les courtes phrases qui composent le dhikr sont, en elleslnèDnes, fort inoffensives; elles sont toujours très simples, car, parmi les points de doctrine communs à la majorité des congrégations, se trouve l'affirmation que: « la foi est d'autant plus pure que la prière est plus simple. » C'est, d'ailleurs, un procédé commun à tous les agents de propagande religieuse de réduire la croyance à la plus stricte expression, et de la mettre ainsi facilement à la portée des masses illettrées ou inintelligentes.
Celles-ci d'ailleurs, s'attachent très vite à ces pratiques surérogatoires qui ne leur demandent pas grand effort et qu'ils finissent par proférer aux pratiques canoniques et obligatoires.
Le sens des phrases prononcées dans le dhikr n'a, du reste, rien qui soit de nature à attirer notre attention, car le dhikr ne résume pas toujours les doctrines ou les tendances de l'ordre.
Mais, ce qu'il importe de bien mettre en relief, c'est le fait même de la récitation du dhikr. Quand un rahmani a, pendant vingt-quatre heures, redit trois mille fois son dhikr : « La ilaha, illa Allah, Mohammed rassoul Allah (il n'y a d'autre divinité que Allah, Mohammed est l'envoyé de Dieu) », il semble bien difficile qu'il puisse conserver une parfaite lucidité d'esprit, et surtout qu'il ait l'esprit disposé au raisonnement, ou même à la gestion des affaires ordinaires de la vie.
Cette répétition mécanique, consécutive et prolongée d'une même phrase conduit fatalement à l'abêtissement, à la monomanie ou à l'exaltation cérébrale. « Peu à peu la faculté de vouloir et de réfléchir s'éteint, l'intelligence s'atrophie et l'adepte devient, réellement, l'instrument docile et aveugle des maîtres qui se sont réservé le droit de penser pour lui » C'est toujours la continuation du système d'entrainement mystique, que nous avons déjà signalé, et vers lequel concourent toutes les pratiques dévotes et toutes les prescriptions de l'ouerd. Les unes et les autres sont, du reste, admirablement combinées en vue du but à atteindre.
On comprend l'énorme influence qu'assurent, à leurs chefs, de pareilles institutions, chez un peuple où, depuis des siècles, l'idéal religieux se confond avec l'idéal politique. Aussi, l'observance de la règle est-elle la préoccupation constante du moqaddem et, dans cette règle, ce à quoi ils s'attachent le plus, c'est la récitation du dhikr. Ils en proclament constamment l'importance et en exaltent les bons effets spirituels : c'est de toutes les pratiques, la plus méritoire, la plus indispensable, celle qui assure aux fidèles les plus grandes indulgences.
C'est dans cet ordre d'idées que Sid Mahmed ben Abd-errahman, le fondateur des Rahmania, a été jusqu'à dire que « quiconque aura entendu une fois réciter son dhikr entier sera sauvé ! »
Et en effet, c'est le plus souvent, au paiement de la ziara et à la récitation du dhikr que se bornent les pratiques de la masse des Khouan ; cela suffit au chef d'ordre la ziara remplit la caisse, et le dhikr maintient l'habitude de la discipline et de la soumission. Avec de l'argent et des gens disciplinés, on peut faire de grandes choses. C'est ce qu'ont bien compris les fondateurs d'ordres, et c'est ce que leurs successeurs s'appliquent à maintenir.
C'est aussi là qu'est, pour nous, le principal danger des ordres religieux, bien plus encore que dans l'exaltation, le mysticisme ou les prétendus mystères de leurs doctrines. » (Rinn, Marabouts et Khouan, p. 97 et suivantes).
« Le dhikr est de trois catégories :
1° Le dhikr el-ouaqt, c'est-à-dire les litanies que tout aspirant au soufisme doit réciter après chacune des cinq prières de la journée prescrites par le Livre révélé ;
2" Le dhikr el-djellala, qui doit être récité dans l'isolement absolu, au moment où l'adepte écarte de son esprit toute préoccupation temporelle pour s'absorber dans la contemplation de la Vérité ;
3° Le dhikr el-hadra, spécial aux aspirants réunis en assemblée, sous la direction d'un précepteur. Le dhikr el-hadra est un des plus méritoires; si les adeptes sont inspirés par la même pensée divine, leurs efforts se concentrent et contribuent à abréger leur marche mystique.
Il y’ a aussi le dhikr bet-teglid ou d'imitation, considéré comme une bonne oeuvre, mais n'ayant aucune des qualités du dhikr d'initiation. Il est propre à la multitude et enseigné soit par la famille, soit par un éducateur séculier. Il est très utile pour se défendre contre les ennemis, mais n'a pas la force de protection nécessaire pour conduire à la station de l'union ou de proximité avec Dieu.
Le dhikr, n'est pas, en effet, indéterminé, mais revêt au contraire un caractère précis : Dieu, en le révélant au soufi privilégié, a déterminé le nombre exact de fois que les dévots des divers degrés doivent le répéter, et a eu soin d'en indiquer la portée. (Octave Depont et Xavier Coppolani, Les confréries religieuses musulmanes, p. 88).

2 Cette notice biographique est extraite du Neïl et iblihadj, p. 216.





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