Tlemcen - Mohammed Ben Ahmed Ech-Cherif

Biographie de Mohammed Ben Ahmed Ech-Cherif


MOHAMMED BEN AHMED BEN MOHAMMED ECH-CHERIEF(1)
Il naquit dans la plaine de la Meléta. Dieu daigne rafraîchir son tombeau! Il apprit le Coran à l'école de sidi Ali ben Aamer El-Maghithy El-Aamery et étudia les autres sciences sous la direction de sidi Mohammed ben Mouça El-Ouedjdijeny, savant de Tlemcen et muphti de cette ville, ainsi qu'auprès de sidi Mohammed El-Boury : c'est ce que j'ai appris de la bouche même de feu mon père.
Mon père opéra un certain nombre de prodiges dont voici le dernier : Vers la fin de sa vie, il avait ouvert une école primaire où il apprenait le Coran aux petits enfants, et de laquelle sortirent un grand nombre de jeunes gens sachant tous le Livre sacré par coeur. Quand le grand âge l'empêcha de sortir, il continua à donner des leçons dans sa propre demeure. J'entrai chez lui le jour même de sa mort et je le trouvai qui disait à ses élèves: « Emportez vos tablettes! Quo Dieu vous bénisse ! Vous me voyez aujourd'hui pour la dernière fois. — Sidi, m'écriai-je, que dites-vous là? — C'est cette nuit que je me séparerai de vous, me répondit-il. » Or, il était bien portant, il marchait, n'était atteint d'aucune maladie et ne se plaignait de rien. — As-tu fait la prière de l'Asr ? me demanda-t-il. — Non, lui répondis-je. — Allons la faire, répliqua-t-il. » Après que nous eûmes prié, je sortis, le laissant assis en compagnie de ma mère, de ma soeur, de mes enfants et de ma femme ; puis je revins et le trouvai qui geignait et récitait les louanges de Dieu. Il avait l'habitude de lire chaque jour le Coran d'un bout à l'autre ; quand les jours étaient longs, il terminait la lecture après l'Asr (vers trois heures de l'après-midi), et à l'époque de l'année où les nuits deviennent longues, il l'achevait après le coucher du soleil. Telle était sa manière de faire habituelle. Toutefois, avant de fermer le livre auguste, il avait soin de réunir auprès de lui ses enfants, garçons et filles, nos propres enfants avec nos épouses; il nous lisait la Fatiha (la première sourate du Coran); après quoi il priait Dieu pour nous et ne manquait jamais de nous donner sa bénédiction. Or, cette nuit-là, mes frères, nos enfants et moi, nous nous étions réunis chez lui après la prière du soir. Subitement inspiré par Dieu : « Père, lui dis-je, que le Très-haut fasse miséricorde à la famille de Mariem ! Soyez satisfait de moi et acceptez mes excuses pour les soucis que vous ont causés mon entretien et mon instruction quand j'étais tout petit ! » Mon frère Ahmed me regarda et me dit : « Pourquoi lui tiens-tu ce langage ? — Il n'y a pas de mal à cela, lui répondis-je, et je me mis à répéter: « Père, soyez satisfait de moi et excusez-moi ! » Alors mon frère joignit sa prière à la mienne et ma mère en fit autant. Puis mon père accepta nos excuses, nous agréa et nous accorda son pardon. Louanges à Dieu qui nous a octroyé des grâces sans nombre !
Autre miracle de mon père. — Voici ce qui m'a été raconté par un de mes amis: « Je me rendais tous les jours, me dit-il, à l'école où ton père apprenait à lire aux petits enfants, pour prier avec lui, et réciter également, avec lui, l'Oudhifa (La Tache) du cheikh Ibrahim Et-Tazy et l'Article de foi mineur du cheikh Es-Seuoüsi. « Il est bien vieux, pensai-je un jour, et son école est très peu fréquentée. » Mais à peine cette idée eut-elle traversé mon esprit, que ton père sourit et me dit: « Par Dieu ! Par Dieu ! l'école deviendra très prospère et on y enseignera le Coran. — Qui donc, sidi, lui rendra sa prospérité ? lui demandai-je. — Tu le verras, me répondit il, et, comme j'insistais, il finit par me dire: « C'est mon fils Mohammed. »
A cette époque, j'étais étudiant et j'assistais aux cours de sidi Abou's Sadat, à la grande mosquée ; j'étais indue un de ses meilleurs élèves ; mais il n'est pas convenable que je parle moi-même de cela et je ne veux pas en parler. Puis mon père tomba malade et me dit : « Mon fils, va faire lire les enfants à l'école ! » J'obéis et fis la classe cinq ou six jours, pendant lesquels j'enseignai aux élèves les prescriptions divines et les traditionnelles qui concernent les ablutions, la prière, l'ablution générale, la lustration pulvérale, la dîme aumônière, le jeûne et le pèlerinage. Ensuite, je me dis en moi-même : « Ah ! si mon père me laissait instruire les enfants ! — Instruis-les, mon fils, si tu le désires, me dit-il. Tes élèves apprendront par coeur le Coran et la science ; instruis-les donc! » Ces paroles sont, pour moi, les plus belles que je lui aie entendu prononcer. J'ai persévéré dans cette voie et ai formé, grâce à Dieu, grâce aux prières de mon père et aux bénédictions qui y sont attachées, plus de quarante jeunes gens qui savent le Coran par coeur et dont quelques-uns sont devenus des savants enseignant à leur tour toutes les branches des sciences non-mystiques et mystiques. Dieu soit loué !
Autre miracle. — Je lui dis un jour : « N'est-ce pas, père, que tous ceux qui ont étudié le Coran sous votre direction l'ont retenu par coeur ? — Il en sera de même de tes élèves, ô mon fils, me répondit-il. » Puis il me bénit. Or, sa prédiction s'accomplit à la lettre.
Autre miracle. — Un soir, ma soeur Aïcha avait lavé ses vêlements et les avait étendus dans la cour de la maison. Quelqu'un s'introduisit dans cette cour, prit le manteau de ma soeur et l'emporta pendant la nuit au quartier juif, où il le remit encore tout mouillé à une Juive. Mon père avait dit à Aïcha : « Il faut, s'il plait à Dieu, que de toute façon tu retrouves ton manteau. » Or, le lendemain, mon frère Ibrahim sortit et rencontra un tout jeune garçon qui avait la réputation d'être voleur : il commettait, en effet, des larcins dans les boutiques des marchands. Ibrahim l'arrêta et lui dit : « Je ne te lâcherai que lorsque tu m'auras remis le manteau qui a été volé hier à ma soeur. » Puis il le frappa. « Sidi, finit par répondre le petit vaurien, vous le retrouverez dans le quartier juif, chez telle Juive. » Mon frère se dirigea alors, en compagnie du gamin, chez la Juive qui lui avait été désignée et qu'il connaissait; puis, prenant les devants, il entra chez celte femme, et après que celle-ci lui eut remis le manteau, il le rapporta à ma soeur. C'est grâce à la bénédiction céleste dont mon père était favorisé que nous retrouvâmes cet objet. Que Dieu fasse miséricorde à l'auteur de mes jours !
Autre miracle. — Nous possédions, à l'extérieur de notre maison, une écurie où nous attachions nos chevaux et nos ânes. II y avait dans cette écurie deux chambres, une au rez de chaussée et l'autre au premier étage, dans lesquelles nous logions nos hôtes. Or, un homme vint à passer par là et, ayant trouvé l'écurie ouverte, y entra, s'empara des tellis (sacs doubles) qui servaient de couvertures aux chevaux, les plaça dans son haïk et sortit par la porte qui donne accès dans l'impasse. Là il rencontra un groupe de personnes assises qui demeuraient dans notre impasse. Dieu les ayant inspirées, elles dirent : « Cet homme n'habite pas dans notre quartier ; ce doit être un voleur », et elles fixèrent l'intrus afin de pouvoir le reconnaître. Lorsque mon frère vint et qu'il trouva la porte ouverte et les chevaux dépourvus de leurs couvertures, il demanda aux gens du voisinage qui était celui qui avait ouvert la porte de l'écurie ; mais personne ne put le renseigner. Puis il chercha les tellis sans pouvoir les retrouver. « Sors, lui dit mon père; tu les retrouveras. » Il sortit et interrogea de nouveau les gens de l'impasse. « Une personne' étrangère au quartier n'est-elle pas entrée ici ? leur demanda-t-il. — Oui, lui fut- il répondu, un tel est entré, puis s'en est retourné avec son haïk sur le dos. » Mon frère se mit alors à la recherche de cet homme, et grâce à la bénédiction céleste dont mon père était favorisé, il retrouva les tellis chez le voleur.
Autre miracle. — On nous avait volé un poitrail de selle alors que celle-ci se trouvait sur le dos du cheval. Mon frère en avisa mon père qui lui dit: « Tu le retrouveras, s'il plait à Dieu. » Deux ou trois jours après, en effet, il rencontra notre voisin au quartier de Menchacr el-Djeld (lieu où l'on étend les peaux), en train de vendre le dit poitrail.
Autre miracle. — Un homme ayant trouvé ouverte la chambre réservée à nos hôtes, s'y était introduit et après s'étre emparé d'une bride appartenant à l'un de ceux-ci, était allé la vendre au marché qui se tient le mercredi à Sidi-bou-Djemâa (2). C'est là que notre hôte trouva le voleur, et, après avoir reconnu sa bride, il se la fit restituer.
Mon père avait été le disciple de sidi Mohammed ben Abderrahrnan El-Kafif et de sidi Mohammed E!-Attafy . Il mourut dans la matinée du jeudi, 13 Safar 985 (2 mai 1577).

Notes

1 C'est le père d'Ibn Mariem, l'auteur du Bostan. Voyez sa biographie dans Complément de l'Histoire des Beni-Zeïyan, p. 471, 472.
2 En dehors de la porte de Fez. Voyez la biographie de Bou-Djemàa El -Kaouwach el-Mataghry, à la page 77



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