
Lalla Fatma N’Soumer, de son vrai nom Fatma Sid Ahmed, née vers 1830 à Ouerja, près d’Aïn El-Hammam en Kabylie, est une figure emblématique de la résistance algérienne contre l’occupation française. Surnommée « N’Soumer » en référence au village de Soumer où elle vécut, elle incarna le courage et le leadership.
Dès son plus jeune âge, Fatma mémorisa le Coran au sein d’une famille maraboute où sa liberté était restreinte. Mariée de force à son cousin, elle refusa de consommer ce mariage, ce qui entraîna son retour chez ses parents après seulement 30 jours. Cette rébellion la conduisit, ainsi que sa famille, à être mise en quarantaine par le village, qui la considéra comme folle. Libre de ses mouvements, elle parcourait les montagnes, découvrant la « grotte du Macchabée ». Plus tard, elle rejoignit son frère marabout à Soumer, où elle étudia le Coran et l’astrologie. Gagnant peu à peu le respect des villageois, elle effaça l’image négative qu’ils avaient d’elle grâce à son intelligence et son talent.
Aux côtés de son frère Si Mohand Tayeb, elle dirigea une école coranique, s’occupant des pauvres et des enfants. En 1852, une vision nocturne récurrente, où elle voyait des hordes ennemies exterminer son peuple, la poussa à mobiliser la Kabylie. Cette révélation déclencha une insurrection menée avec noblesse et courage, au point que les Français la surnommèrent « la Jeanne d’Arc du Djurdjura ». À seulement 24 ans, en 1854, elle infligea une leçon de bravoure à l’armée française lors de la bataille d’Oued Sebaou, menant son peuple à la victoire. Malgré la prise d’Azazga par le général Randon et la répression subie, Fatma N’Soumer ne céda pas. Elle mobilisa la population et remporta plusieurs victoires, notamment à Icherridene et Tachkrit, infligeant de lourdes pertes aux Français (800 morts). Bien que Randon demandât une trêve, qu’elle accepta pour réorganiser ses troupes, les Français la rompirent en 1857, lançant des attaques victorieuses sur plusieurs villes. Lors d’une ultime bataille, Fatma fut vaincue, arrêtée et emprisonnée à Issers et Tablat. Sa fortune fut dépensée, sa bibliothèque de travaux religieux et scientifiques détruite. Rongée par la culpabilité de ne pas avoir achevé son combat, elle mourut en 1863 à l’âge de 33 ans.
En 1870, Cheikh El-Mokrani (Mohamed Aït Mokrane), notable algérien, fut rétrogradé au titre de bachagha pour avoir soutenu la révolte de Cheikh Bouaqaz en 1864-1865. Confronté à une disette touchant les campagnes, il investit sa fortune personnelle et contracta des dettes, hypothéquant ses biens sous la pression des créanciers et des autorités françaises. L’annonce du remplacement de l’autorité militaire, qu’il tolérait, par une autorité civile le poussa à la révolte. Homme d’honneur, il avertit le général Augerand de ses intentions avant d’entrer en rébellion en mars 1871.
L’insurrection débuta dès janvier 1871 avec la révolte des spahis, refusant d’être envoyés sur le front métropolitain, estimant leur engagement limité à l’Algérie. Partie d’Aïn Guettar et Mondjebeur, elle s’étendit à Tarf, Bou Hadjar et Annaba, où 20 colons furent tués. Une répression brutale suivit. Contrairement à une idée répandue, le décret Crémieux de 1870, accordant la citoyenneté aux juifs d’Algérie, ne fut pas la cause de la révolte, comme l’atteste la lettre d’El-Mokrani à Augerand, qui n’y fait aucune allusion.
Amplifiée par El-Mokrani à partir du 16 mars 1871, cette insurrection, la plus importante de l’occupation française, mobilisa 250 tribus, soit un tiers de la population algérienne. Villes et villages de Kabylie et des Hauts-Plateaux furent pillés. Les insurgés furent contraints à la reddition après l’attaque française de la Kabylie. Arrêtés à l’Alma le 22 avril 1871, El-Mokrani mourut au combat près de l’oued Soufflat le 5 mai. Les Français marchèrent sur Tizi Ouzou, Dellys et Draâ El-Mizan. Le cheikh Haddad et ses fils se rendirent le 13 juillet après la bataille d’Icheriden, et l’insurrection s’acheva avec la capture de Bou-Mezrag le 20 janvier 1872. La répression fut sévère : 100 000 Algériens morts, confiscations massives de terres, exil de la famille Mokrani, émigration vers la Syrie, déportation en Nouvelle-Calédonie et instauration du Code de l’Indigénat en 1881, qui limita les droits des musulmans.
Rattachée à la France, l’Algérie fut divisée en trois départements (Algérois, Constantinois, Oranais), avec un peuplement croissant de 131 000 colons entre 1871 et 1881, composé de Français, d’Italiens, de Maltais et d’Espagnols. Le Code de l’Indigénat de 1881 consacra une citoyenneté de seconde zone pour les Algériens, se sentant étrangers sur leur propre terre. Après la Première Guerre mondiale, où les troupes algériennes soutinrent la France, celle-ci s’installa durablement, colonisant également la Tunisie (1881) et le Maroc (1906). En 1930, le centenaire de l’Algérie française fut célébré, mais de jeunes Algériens commencèrent à préparer d’autres formes de lutte pour leur liberté.
Au début du XXe siècle, le mouvement des « Jeunes Algériens », composé d’intellectuels imprégnés des idéaux républicains, réclamait une Algérie « francisée » avec des droits égaux à ceux de la métropole. L’émir Khaled, petit-fils d’Abd El-Kader, en fut un acteur clé. Cependant, le décret de 1919, accordant la nationalité française à 20 000 Algériens sous condition de renoncer à leur statut musulman, fut jugé inacceptable. Parallèlement, l’Association des Oulémas musulmans algériens, fondée en 1931 par Abdelhamid Ben Badis et Bachir Ibrahimi, évolua d’un but religieux vers une revendication d’indépendance. Des partis comme l’Étoile Nord-Africaine, fondée par Ahmed Messali Hadj en 1926-1927, puis transformée en Parti Populaire Algérien (1937) et en Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, réclamèrent l’indépendance. Malgré des initiatives comme le Congrès musulman de 1936 ou le projet Blum-Viollette, les réformes restèrent sans suite.
Cheikh Bouamama (1833-1908), figure historique et mystique, fonda une zaouïa à Moghrar Tahtania pour unifier les confréries et mettre fin aux divergences tribales. Formé à Kairouan, il mena la résistance contre le colonialisme français de 1881 à 1908, dirigeant de nombreuses batailles et infligeant d’importantes pertes à l’ennemi. Résistant aux pressions militaires et politiques jusqu’à sa mort, il resta un symbole de détermination.
Cet article retrace les grandes figures et moments de la résistance algérienne, marquée par le courage de Lalla Fatma N’Soumer, l’insurrection d’El-Mokrani, l’émergence des Jeunes Algériens et la lutte de Cheikh Bouamama, dans un contexte d’oppression coloniale et de quête d’identité nationale.
Posté par : patrimoinealgerie