Tipaza - Documents personnels (Photos, Articles ...)





La seule ville qui peut encore exprimer la Mitidja est sans nul doute, celle de Hadjout : Marengo de l’ère coloniale relevant actuellement de l’autorité territoriale de la wilaya de Tipaza. Elle a su garder une histoire coloniale, avec tout ce qu’elle a d’amère et de luminescent à la fois, à travers des avenues tracées à la règle et bordées de troène, des squares verdoyants et une circulation automobile réglementée. Les résidents de cette belle ville de quelques soixante mille habitants, ne doivent certainement pas être satisfaits du travail de leur municipalité, c’est leur droit le plus légitime. Mais à bien observer le tissu urbain de villes jadis aussi belles que la leur, ils doivent s’estimer heureux d’avoir conservé cette citadinité que beaucoup doivent leur envier. La première chose qui frappe le visiteur venant de Attatba, est ce bloc de bâtiments à deux ou trois étages dont les balcons fleuris de géranium et d’autres essences florales inspirent la quiétude et dénote probablement d’une joie de vivre des occupants. En pénétrant au cœur de la ville, c’est le sanctuaire des martyrs qui fait face au niveau du carrefour principal. Surmonté par trois horloges qui fonctionnent et qui marquent onze heures quinze minutes, contrairement à celles installées ailleurs par mimétisme et qui n’ont jamais étaient remontées, il attire au premier coup d’oeil l’attention. Ce mémorial dédié à la lutte de libération nationale est réalisé dans un style des plus sobres. Composé d’une esplanade de marbre circulaire et de trois panneaux comportant les noms de chouhada morts pour la patrie, ce sanctuaire inspire le recueillement du souvenir. Eclatant de blancheur par cette journée automnale, il illumine les lieux. La grande avenue qui transperce la ville dans toute sa longueur est le cœur palpitant de la cité. Relativement large, elle est bordée de larges voies piétonnes permettant aux promeneurs de déambuler librement. Et dire que cet art urbanistique recherché était jadis conçu pour une petite bourgade d’à peine une dizaine de milliers d’habitants ou peut être moins. La vision de ses concepteurs ne pouvait être que prospective. Mais à cette époque, les prérogatives des divers services ne devaient certainement pas interférer sur les fonctions régaliennes de la municipalité. L’ingénieur et l’architecte de la commune avaient leur mot à dire. Les anciennes demeures, ont conservé leur forme initiale, point d’ajout ni d’excroissance. La circulation automobile très dense en ce premier jour de Ramadhan, se fait sans surexcitation ni klaxons ; l’agent de l’ordre chargé du carrefour est une femme secondée par un de ses collègues.

Les rues bondées pulsent à la vie, les commerces les plus fréquentés en ce moment de la journée sont les boucheries, les boulangeries, les crémeries et les confiseries orientales notamment de zelabia appelée aussi chamia. Les étals bien achalandés de ces dernières ne sont pas envahis par les guêpes. Quel en serait le secret ? Un autre particularisme de la ville, le pain est encore vendu dans les boulangeries, il n’y a pas de produits panifiés sur les trottoirs comme il est de coutume ailleurs. En dépit du peu d’attrait qu’ils suscitent, les autres commerces : ameublement, articles ludiques et de plage, quincaillerie, sont tout de même ouvert. La poste avec pignon sur rue n’est pas bondée, le public est fluide ; sur la douzaine de préposés, neuf sont du sexe féminin et d’un âge assez mûr pour présumer d’un quelconque personnel issu du dispositif du filet social. Les agents de la V.R du service de police en maraude « sabotent » et « désabotent » les véhicules en stationnement interdit, notamment sur l’avenue principale. Aimables et courtois, ils tentent de minimiser les désagréments causés aux automobilistes verbalisés. L’auteur lui-même fut victime de présumés gardiens de parking qui détalèrent vite à la vue de la patrouille policière. Le stationnement bien réglementé, interdit le parking sur la seule avenue principale, il est alterné sur les autres voies. Les services de souveraineté, tribunal, gendarmerie et police sont abrités dans un même îlot de voisinage et signalés par des panneaux indicateurs, ce qui rend leur repérage plus accessible aux visiteurs. Toutes les rues sont frappées d’une plaque portant leur dénomination en langue nationale en blanc sur fond bleu. La salubrité publique est nettement perceptible à travers les rues, le service de ramassage d’ordures était visible au moment de notre passage. Toutes ces petites choses qui font la ville sont notables à l’œil averti.

Dans les rues adjacentes des jeunes sans gourdin à la main, port et langage policés, s’affairent à offrir des places de stationnement aux usagers. Ils prêtent assistance aux personnes âgées qui portent de lourds fardeaux de provisions. A la petite superette, deux jeunes caissières s’acquittent de leur tâche avec affabilité et sans éclats de voix. Elles ne manifestent aucune impatience face aux caprices de la clientèle. Cette dernière, composée en majorité de la gent féminine, est relativement disciplinée et surtout silencieuse. Aucune exagération dans l’achat d’ emplettes et aucune propension à épater. Encore une expression citadine de réserve. Le marché, blanchi certainement pour l’occasion, est investi par la cohue à la mesure du premier jour du mois sacré. Grande surface marchande, possédant trois accès vers les rues adjacentes, elle est centrée par les étalages de fruits et légumes, sur les cotés, la boucherie rouge et blanche occupe la majorité des échoppes, la poissonnerie trône au fond aveugle des lieux. Très aéré et bien éclairé par le jour, le plafond haut situé, ce marché de l’époque coloniale renseigne sur l’importance de ce centre d’échanges en regard de ses dimensions. Il devait drainer tous les produits agroalimentaires d’Aghbal à El Affroun et de Attatba à Hammam Righa. En plus des spéculations de plaine : vigne, arboriculture et maraîchage, l’agriculture de montagne est visiblement présente : figue fraîche, de Barbarie, olive et autres produits rustiques. En ce qui concerne la boucherie, un paradoxe culturel alimentaire caractérise plus que toute autre localité de la Mitidja, celle de Hadjout. Sa population est grande consommatrice de viande de caprins dont le prix est de 150 DA moins cher que celle de l’ovin qui tourne autour de 500 DA le kilo. Ce caractère n’est rencontré que dans les zones montagneuses de Kabylie et des Aurès. Le Chenoua procéderait-il de la même culture alimentaire ? Seule l’anthropologie pourra y répondre. En ce qui concerne la viande ovine, celle-ci est aussi demandée que la première citée, une des boucheries cassant les prix s’érige presque en magasin socialiste d’antan. La foule y est plus dense. La tête de veau, dépecée et blanchie est fin prête à la coupe, de petits tas d’abats sont apprêtés pour les petites bourses… chacun y trouvant son compte. Les deux seuls marchands littéralement envahis par les acheteurs sont ceux des herbes fines : coriandre, persil, menthe et laurier sont arrachés des mains du vendeur.

Le service d’ordre omniprésent ne se fait pas sentir, sa discrétion le confond avec les passants. Certains de ses éléments, habitués des lieux, lancent des boutades aux uns et aux autres ; le fou du village fait corps avec le décor ambiant. Au commissariat de la ville, les deux policiers en faction, reçoivent le public avec amabilité. Le planton de service, jeune policier l’oreille collée au téléphone, appelle la V.R pour signaler que le sac de Mme X a été récupéré. Une jeune policière à la coupe en casquette appelle au pas de la porte, les éléments de la patrouille motorisée pour récupérer un permis de conduire momentanément confisqué. Cette formalité est le couronnement d’une mise de sabot, qui n’aura duré que le temps de l’acquittement de la contravention auprès du bureau de poste voisin. Cette dernière opération n’a nécessité que le temps du paiement des trois cents dinars et l’accolement du timbre sur le PV. Il est des oasis de bonheur dont nous ne ressentons pas souvent le besoin de louer considérant qu’ « ils » ne rendent que le service pour lequel ils sont payés. Tout à fait juste, mais ceux qui sont justement payés pour accomplir leur devoir et qui ne le font pas, sont- ils sanctionnés ou au moins stigmatisés au besoin ? Mais ceci relève d’un autre débat !

Le 1er septembre 2008





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