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Manara ou l’exorcisme par l’image


Manara ou l’exorcisme par l’image
C’est à travers un rituel ancestral, la fête d’El Manara de Cherchell, que Belkacem Hadjadj retrace le drame d’un pays martyrisé. Présenté en avant-première, samedi soir à la salle Ibn Zeydoun, le film de 90 minutes analyse, avec beaucoup d’émotion, les mutations dans la société algérienne depuis 1988. Une vision algérienne pour un drame algérien.

Quelque part à Paris, Asma reçoit dans sa boîte email un message la conviant à revenir à Cherchell, sa ville natale, pour une énième rencontre. Commence alors un voyage dans le temps, un flash-back dans l’horreur. Les premières images défilent à l’écran à la même vitesse qu’elles s’encombrent dans la mémoire de cette jeune femme qui a fui son pays.
Asma, Fawzi et Ramdane, liés par une ambiguë amitié “amoureuse”, mènent une vie paisible d’une jeunesse insouciante. Le rituel de la fête d’El Manara, célébration du Mawlid Ennabaoui, naissance du Prophète (QSSSL), revient chaque année animer et semer la joie dans la ville de Cherchell.
Le rendez-vous annuel est symbole de la tolérance et l’union que vivent les habitants de cette nature paradisiaque. La colère du 5 octobre 1988 s’abat sur la société algérienne la dénudant de son silence, les traces de la torture sont affichées au grand jour. La vie tranquille des trois amis ne sera pas épargnée. La démocratie qui s’installe au prix de vies humaines est vite rattrapée par le vent de la discorde et de l’intolérance. Ramdane, le jeune médecin sensible à la souffrance des petites gens, se fait prendre dans le filet d’un mouvement islamiste en expansion et qui puise sa force dans la misère ambiante. Fawzi, journaliste engagé dans l’aventure de la presse indépendante, affiche des positions démocratiques “radicales”. La peur au ventre, Asma vit la cassure et le déchirement qui s’opèrent entre ses amis mais aussi dans son pays.
El Manara, qui éclairait les soirées cherchelloises, sombre dans l’obscurantisme des nouveaux prédicateurs, qui sèment l’incertitude et le doute dans les esprits au nom d’Allah.
La violence, qui s’abat comme un mauvais sort, devient la seule vérité dans un chaos général. Pris dans un faux barrage, Fawzi et Asma, mariés depuis, retrouvent Ramdane, un ami qu’ils ont du mal à reconnaître. Jugés par un tribunal parallèle, Fawzi sera libéré alors que sa femme sera prise comme “butin de guerre” et connaîtra l’atrocité du viol par son ami d’enfance. Le cauchemar continue avec une vie d’asservissement dans les montagnes, où elle retrouve son ami Bouchra.
Une évasion miraculeuse permet à Asma de regagner son foyer, mais le doute et la suspicion sont omniprésents dans le regard de son mari, qui refuse d’assumer la grossesse de sa femme, obligeant cette dernière à tenter une vie sous des cieux plus cléments. Salim Aïssa, auteur du scénario, agrémente son texte de témoignages inédits dans le cinéma algérien, la pratique de la torture qui a suivi les “évènements” d’Octobre (un jeune manifestant torturé et castré) et des scènes du “maquis islamiste” et son organisation, offrant ainsi l’opportunité au réalisateur de reproduire les images de choc, à ce jour absentes de l’imaginaire cinématographique national.
Loin des clichés et des préjugés, Belkacem Hadjadj dépeint une réalité algérienne avec un regard algérien et un langage algérien, arabe dialectal. Pour dire le drame récent de l’Algérie, Hadjadj a misé sur de jeunes talents qui ont mené un jeu convaincant, apportant du sang neuf à l’écran algérien. Un remarquable décor signé Arezki Larbi qui a orné la salle Ibn Zeydoun de sa manara. Plus descriptif, El Manara apporte à l’écran la partie manquante au puzzle visuel du drame algérien. Un langage cinématographique simple pour dire une réalité amère.

Fiche technique
El Manara : 90 minutes
Réalisation : Belkacem Hadjadj
Production : Entv/Machahou
Scénario/dialogue : Salim Aïssa
Directeur photo : Ahmed Messad
Musique : Redouane Bouhired
Distribution : Samia Méziane, Tarek Hadj Abdelhafidh, Khaled Benaïssa, Sofia Nouaceur.




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