Et si la prochaine grande destination s'appelait Algérie '

Dotée d'un patrimoine naturel, culturel et humain d'une richesse exceptionnelle, l'Algérie demeure paradoxalement en marge des grandes destinations touristiques internationales.

Alors que les mutations post-pandémiques du secteur touristique mondial ouvrent des perspectives inédites, l'Algérie dispose aujourd'hui de tous les leviers pour enclencher une politique volontariste, structurée et ambitieuse, en phase avec les attentes du voyageur contemporain.

Un potentiel objectivement considérable

Avec une superficie de plus de 2,3 millions de kilomètres carrés, une façade méditerranéenne de plus de 1 200 kilomètres, sept sites classés au patrimoine mondial de l'UNESCO, un Sahara aux paysages d'une beauté singulière, des villes antiques romaines parfaitement conservées, une culture plurielle et un peuple à l'hospitalité réputée, l'Algérie concentre des atouts exceptionnels.

Pourtant, en 2023, elle n'accueillait qu'environ 3 millions de visiteurs, contre 11 millions pour la Tunisie et plus de 14 millions pour le Maroc. Le secteur touristique représente moins de 1 % du PIB algérien, contre 12 à 18 % chez ses voisins immédiats.

Défis identifiés : entre verrouillages structurels et inertie réglementaire

Le retard touristique algérien s'explique par une combinaison de facteurs interdépendants :

Accès aérien limité, coûteux et peu concurrentiel : les liaisons internationales sont dominées par une compagnie nationale peu adaptée aux exigences du tourisme de masse ou de niche.

Formalités d'entrée contraignantes, en particulier pour les ressortissants étrangers ou les conjoints non algériens. L'absence d'e-visa constitue un frein majeur à l'attractivité.

Faiblesse des infrastructures hôtelières et de services, en dehors des grandes villes, avec peu d'initiatives labellisées ou encadrées dans l'hébergement alternatif.

Absence de circuits organisés, de plateformes nationales consolidées et d'un récit touristique global cohérent à l'échelle du pays.

Méfiance persistante à l'égard de l'investissement privé dans le secteur, et faible accompagnement des porteurs de projets locaux.

Lancement d'un tourisme « tous azimuts » : dix propositions concrètes et applicables immédiatement

Afin de positionner l'Algérie comme une destination crédible, durable et compétitive, les axes d'intervention suivants sont proposés :

1. Libéralisation maîtrisée du ciel algérien

Signature d'accords bilatéraux avec des compagnies low-cost (Ryanair, Volotea, Transavia).

Révision du modèle économique d'Air Algérie pour orienter certaines lignes vers le tourisme.

2. Mise en place d'un e-visa attractif

Plateforme en ligne multilingue, avec délivrance du visa sous 72h.

Possibilité de visa à l'arrivée pour les circuits organisés ou les zones franches touristiques.

3. Création de pôles touristiques régionaux

Trois hubs à haute valeur ajoutée : Sahara (Djanet, Timimoun, Tamanrasset), Méditerranée (Jijel, Tipaza, Oran), Patrimoine antique (Constantine, Sétif, Batna).

Aménagement de circuits interconnectés avec guides, transports, hébergements et activités intégrées.

4. Labellisation et encadrement du tourisme alternatif

Développement d'un réseau de gîtes, écolodges et maisons d'hôtes certifiés, accessibles via une plateforme officielle.

Incitation fiscale pour les particuliers souhaitant ouvrir un hébergement touristique.

5. Formation et professionnalisation des acteurs locaux

Création de centres de formation aux métiers du tourisme et de l'hospitalité (guides, réception, animation).

Inclusion des langues étrangères (anglais, espagnol, allemand) dans les programmes prioritaires.

6. Valorisation du tourisme culturel et identitaire

Réhabilitation des médinas, kasbahs, ksour, zaouïas et sites historiques en partenariat avec l'UNESCO.

Mise en place de festivals thématiques : cinéma dans les ruines romaines, musique touarègue, gastronomie régionale.

7. Déploiement d'une carte touristique nationale

Carte prépayée incluant : entrées dans les musées/sites, accès au transport interurbain, carte SIM et assurance voyage.

8. Promotion institutionnelle à l'international

Participation active aux grands salons (ITB Berlin, FITUR Madrid, IFTM Paris).

Lancement d'une campagne d'image globale sous le slogan «Algérie, terre d'origines et d'horizons», valorisant diversité, authenticité et nature préservée.

9. Création d'un portail national unifié du tourisme

Plateforme numérique regroupant : réservation, itinéraires, événements culturels, météo, conseils aux voyageurs.

Interface en arabe, tamazight, français et anglais.

10. Mise en place d'un fonds d'investissement touristique

Fonds souverain dédié aux infrastructures, accessible aux collectivités et opérateurs privés.

Garantie publique pour les investissements dans les zones rurales ou sahariennes.

Vers un tourisme responsable et régénératif

L'Algérie a l'opportunité de proposer un modèle à contre-courant du tourisme de masse, centré sur :

La lenteur, l'expérience, la rencontre ;

Le respect des cultures locales et des équilibres sociaux ;

La valorisation des circuits courts et des savoir-faire artisanaux.

C'est un projet de société autant qu'un levier économique. Le tourisme peut devenir un moteur de diversification, d'emploi et de rayonnement, à condition de reposer sur une vision partagée, planifiée et inclusive.

Conclusion : oser l'ouverture, construire l'avenir

Dans un monde touristique en recomposition, l'Algérie ne peut plus rester en retrait. L'ouverture n'est pas un abandon, c'est un acte de souveraineté moderne.

Le tourisme n'est pas une menace pour l'identité, mais une chance de la transmettre, la valoriser et la réinventer. L'heure est venue de faire de l'Algérie une destination de référence, au carrefour de l'histoire, de la nature et de l'émotion.

Le monde attend l'Algérie.

Reste à savoir si l'Algérie est prête à s'ouvrir au monde.