Tebessa - Revue de Presse

Tourisme Rêve et optimisme


L'Algérie de 2025 sera visitée par 20 millions de touristes. C'est une gageure que Chérif Rahmani aura des difficultés à savoir s'il l'a réussie ou pas. D'ici à cette date, il n'aura, en principe, ni le besoin ni l'occasion de rendre compte de la faisabilité de la stratégie sur le tourisme, qu'il présente depuis hier, à un millier de personnes venus y compris de l'étranger. Le ministre de l'Aménagement du territoire, de l'environnement et du tourisme voit grand. Il l'a toujours fait, du moins depuis qu'il occupe des postes censés fabriquer et mettre en oeuvre de lourdes stratégies. C'est lui, alors wali de Tébessa, qui a été chargé durant les années 80, de mettre en oeuvre Jeunesse 2000, c'est-à-dire la création d'espaces de culture et de loisirs pour les jeunes. Une opération de charme à l'égard d'une catégorie de la population que les pouvoirs de l'époque voulaient (re)mettre en confiance. Pari perdu. Avec, en plus, de gros sous sortis du Trésor public. Pis, les jeunes ont été attirés à la même période, dans le dédale d'un mouvement islamiste dont l'esprit avait une espèce d'envoûtement auprès de foules que les gouvernants n'ont jamais réussi à intéresser. La suite est connue, elle est dramatique. Chérif Rahmani avait réussi à cette époque au moins quelque chose, celle de se retrouver à la tête de la wilaya d'Alger, pour en faire quelques années plus tard le Gouvernorat du grand Alger. Un nom pompeux pour un projet qui devait être tout autant. Encore une fois, le pari était gros jusqu'à enfreindre les lois de la République. Le texte codifiant cette nouvelle «création» était en effet, anticonstitutionnel et « s'inscrivait en faux » aux codes communal et de wilaya. A sa publication par la presse le jour même de la tenue d'un Conseil du gouvernement et à une remarque faite à ce sujet par le ministre du Tourisme de l'époque, Abdelaziz Benmhidi du PRA de Nouredine Boukrouh, Ahmed Ouyahia, alors chef de l'Exécutif, aurait lancé « quant à l'anticonstitutionnalité du texte, je dirais que je ne répondrais pas à des supputations de presse ». L'Etat accordera ainsi au gouverneur Chérif Rahmani, par les grâces d'un de ses grands commis, Ahmed Ouyahia, des années de règne supplémentaires jusqu'en 2000 où le Président Bouteflika a décidé de déclarer le texte instituant le Gouvernorat du Grand Alger anticonstitutionnel, donc nul et non avenu. Alger redevient wilaya après avoir consommé d'autres factures tout aussi lourdes que celles de Jeunesse 2000. Il faut croire que Chérif Rahmani est un récidiviste en matière de programmation de réalisations fastes. Il a, depuis quelque temps, annoncé l'élaboration d'un schéma national d'aménagement du territoire dont la mise en oeuvre sera effective d'ici à plusieurs années. Mais il fait mieux depuis hier. Le ministre réunit jusqu'à aujourd'hui, au palais des Nations de Club des pins d'Alger, plus d'un millier de personnes pour leur présenter la stratégie du tourisme. Il a déjà fait son premier pronostic de l'évolution de ce secteur. Il voit l'Algérie recevoir 20 millions de touristes en 2025. La Turquie, ce fabuleux pays aux structures touristiques de rêve, n'a pu réaliser ce score prodigieux qu'après 30 ans de labeur. L'Egypte, destination touristique de premier ordre pour tout le reste du monde, n'a pu le faire à ce jour. Si le rêve et l'optimisme sont permis, il est par contre interdit de spéculer sur le devenir d'une Nation. LES GRANDS HOTELS ET L'OPEN SKY Chérif Rahmani s'est toujours projeté dans l'avenir à travers des stratégies que ses services confectionnent sans pour autant en être responsable de leur manque de visibilité voire de leur échec. Il renvoie tellement loin leur résultat qu'il n'aura même pas le temps de vérifier leur faisabilité. 2025, c'est encore loin, très loin. Chérif Rahmani ne sera certainement pas à ce même poste pour être tenu de rendre compte de la justesse ou pas de sa stratégie d'aujourd'hui sur un secteur qui souffre affreusement de problèmes structurels. Comme tout le reste de l'économie. Fallait-il à son ministre plus d'un millier de personnes pour le montrer et pour programmer sa construction ? La morale dirait non, s'il en existe une. Les stratèges savent pertinemment que pour régler un problème structurel, il faut mettre en place l'ossature nécessaire au secteur qui en souffre. C'est-à-dire commencer par lui instituer un ensemble de parties essentielles et résistantes qui le soutiennent. Rien à voir avec les 1200 km de côte que le gouvernement a toujours mis en avant pour montrer les potentialités touristiques de l'Algérie. L'Etat devra défier Chérif Rahmani de trouver à l'intérieur du pays un hôtel aux normes universelles pour accueillir des touristes. Il devra en premier, lui faire savoir qu'il n'a pas besoin de plus d'un millier de personnes pour décider de sa construction. Lors de la tenue du Forum arabe sur l'investissement en Algérie, les hommes d'affaires étrangers se sont plaints de ne pas trouver facilement de vols à destination d'Alger, encore moins ceux directs. L'ouverture du ciel algérien aux compagnies privées ne serait pas une mauvaise idée. L'Open Sky, cette convention qui se signe entre des pays pour ouvrir leurs espaces aériens respectifs à de plus en plus de compagnies étrangères, devrait aussi figurer parmi les objectifs du gouvernement. Le Maroc où les touristes affluent de tous les pays du monde, l'a fait récemment avec les Etats-Unis. Chérif Rahmani se targue d'ores et déjà de mettre l'Algérie sur l'orbite de l'éco-tourisme. En tant que ministre de l'Environnement, il n'a même pas réussi à fermer la décharge de Oued Smar. Une fermeture qu'il avait pourtant annoncée en grandes pompes. En attendant, Chérif Rahmani a choisi de faire balader ses invités des assises sur le tourisme à Ghardaïa. C'est une manière de faire du charme aux étrangers. C'est bien lui qui invite les responsables des chancelleries étrangères à Alger à passer leur réveillon de fin d'année dans le grand Sud avec en prime des galas artistiques de haute facture. Une stratégie politique vaut bien des sacrifices sonnants et trébuchants pour marquer son amorce. L'opération Jeunesse 2000 en a été l'exemple.
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