Skikda - Patrimoine Immobilier

Skikda - Arcades du centre-ville: Un patrimoine en déperdition



Skikda - Arcades du centre-ville: Un patrimoine en déperdition




Au cours des années 1990, les premiers résultats d’une étude étaient déjà inquiétants, car ayant fait ressortir que sur un ensemble de 460 immeubles du centre-ville, seuls 54 sont jugés en bon état.

Une fois encore, les fameuses Arcades de la ville de Skikda ont été le théâtre d’un effondrement. Certes il n’y a pas eu de pertes en vies humaines, mais faudrait-il pour autant en faire un simple fait divers? Faudrait-il encore se plaire dans le mutisme et l’inertie ambiants, au risque de laisser des gens côtoyer le risque chaque jour que Dieu fait?

L’effondrement, vendredi dernier, du plafond d’un appartement situé au 58, rue Didouche Mourad, a poussé les habitants à réagir et à user du seul moyen encore valable pour attirer l’attention des pouvoirs publics: les barricades. Ils sont ainsi sortis avec femmes et enfants pour bloquer cette artère qui représente un passage obligé à l’ensemble du trafic dans la ville.

«Cela s’est passé à 20h. Alors que nous dînions, le plafond qu’on retenait avec des bâches en plastique s’est carrément effondré sur nos têtes. On a paniqué, tout comme nos voisins d’ailleurs et on a cru que l’immeuble allait s’écrouler. Une fois dehors, on a décidé de fermer cette artère pour obliger les responsables concernés à venir voir dans quelles conditions nous survivons», témoigne un des habitants rencontrés sur les lieux.

Toutes les familles de cet immeuble se disent outrées par les promesses successives, mais toutes sans lendemain.

«Notre immeuble ne tiendra pas longtemps et dans son inévitable chute, il risque d’emporter d’autres victimes innocentes qui arpentent les arcades. L’immeuble mitoyen avec le nôtre a déjà enregistré un premier deuil, il y a tout juste 40 jours, après le décès d’un vieil habitant qui est mort dans l’effondrement d’une partie de l’escalier. Faudra-t-il attendre qu’il y ait d’autres deuils pour réagir?» s’offusque un autre habitant.

Cet effondrement est donc venu, rappeler aux uns et aux autres que la vieille ville de Skikda continue toujours de s’effriter et en silence. Le constat, vieux de plusieurs décennies, n’a jamais été accompagné de décisions pratiques ni de projets susceptible de sauvegarder un authentique patrimoine.

Des poutrelles pour rassurer les gens

Au courant des années 1990, une étude avait déjà esquissé le danger qui mine le tissu urbain de la vieille ville. Les premiers résultats étaient déjà inquiétants puisqu’il en ressortait que sur un ensemble de 460 immeubles (plus de 2.800 appartements) constituant le centre-ville, seuls 54 immeubles sont jugés en bon état, alors que les immeubles menaçant ruine représentent plus 50 % du parc immobilier. C’est cinglant, mais ça n’a pas pour autant été accompagné de mesures de réhabilitation. Tout ce qu’on s’amusait à faire, c’était de maquiller les façades en les badigeonnant de peinture, alors que l’intérieur continuait de moisir.

Il faut également rappeler qu’au courant de cette même décennie, les premiers risques s’étaient manifestés. Pris au dépourvu, les responsables de l’époque et devant l’absence de toute perspective, ont alors décidé d’implanter, en 1996, des poutrelles métalliques pour, laissait-on comprendre à l’époque, «soutenir les immeubles donnant sur les arcades et éviter leur effondrement en attendant de rafistoler les bâtisses». On reconnaîtra par la suite que ces poutrelles, corrodées, ne pouvaient, techniquement, rien soutenir et qu’elles ont été installées pour rassurer les gens en attendant d’engager des travaux de réhabilitation. Depuis rien n’a été fait, ou plutôt si.

Vers la fin des années 1990 et à ce jour, le dossier des Arcades, tout comme celui du Quartier Napolitain ont à chaque fois été déterrés avec des promesses d’engager des études sérieuses devant conclure à la meilleure manière de réhabiliter ce patrimoine local. Les responsables qui ont eu à gérer les affaires de Skikda ont alors usé, par populisme, de ce dossier pour se faire un peu de pub. Rien de plus car, à ce jour, la longue et lente agonie des Arcades persiste encore.

On se souvient encore des promesses officielles faites par certains responsables, élus et walis. En 2009, on a parlé d’une étude relative au vieux bâti qui était en cours. Un responsable de l’époque avait même déclaré à El Watan qu’une fois achevée «elle aura à diagnostiquer l’état actuel des Arcades et préconisera les mesures à apporter. C’est en fonction des résultats de l’étude que nous pourrons apporter les mesures nécessaires. Tout ce qui doit être démoli le sera, le reste sera réhabilité».

Où en est donc cette étude ?

Personne ne le sait. Puis, en 2010, les responsables sont allés trop fort en déclarant que des consultations étaient lancées auprès de spécialistes pour initier un grand projet de consolidation des Arcades, en optant pour l’utilisation de la fibre de carbone. Rien que ça! On reviendra par la suite en laissant comprendre que les travaux de réhabilitation allaient être faits par des spécialistes espagnoles et ce genre de promesse continuera sans pour autant aboutir à une décision claire, nette et effective.

Enfin, une lueur d’espoir ?

Sans chercher à noircir le tableau d’une ville déjà assez sombre, il faut néanmoins reconnaître que dans cette grisaille qui mine le dossier des Arcades, il y a tout de même un rai de lumière, qui a jailli l’année passée. Pour rendre à César ce qui lui appartient, il faut reconnaître que c’est l’ancien wali, M. Bouderbali, qui a réussi à convaincre les instances centrales de débloquer 1,5 milliard de dinars pour la restauration du vieux bâti de la ville de Skikda.

«C’est une première tranche qui a été réservée par le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. Elle devra permettre de remédier à la situation qui prévaut au niveau du vieux bâti et d’anticiper sur les risques que pourraient encourir les citoyens», avait déclaré M Bouderbali devant les élus de l’APW.

Il a même ajouté qu’une commission avait été installée pour enclencher le processus administratif devant permettre de mettre en pratique ce projet, et de révéler que 2.000 constructions avaient déjà fait l’objet d’une expertise sérieuse même si- avait-il expliqué- les travaux de restauration auront à débuter d’abord au niveau des Arcades, «car c’est un site sensible», avait estimé l’ex-wali.

Voilà donc une bonne note pour la vieille ville et pour ses habitants qui vivent encore dans des conditions insoutenables, par faute de logements, alors que des centaines de nouveaux logements ont été attribués dans un grand silence. Quand on sait qu’à Skikda aucune liste d’attribution de logements, tous types confondus, n’a été affichée depuis exactement… 11 années, il y a de quoi alimenter toutes les suppositions.

Dans quelles conditions a-t-on attribué les anciens programmes? Qui en a profité?

On n’en sait rien et quand on apprend que des enfants d’entrepreneurs milliardaires sont inscrits sur certaines listes d’attribution et bénéficieront de l’aide de l’Etat, on comprend alors aisément le marasme qui mine cette ville, jadis très belle.

Khider Ouahab

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