Sidi-Belabbès - LITTERATURE ALGERIENNE


Posté le: 10/11/2008 16:16:33 Sujet du message: Sidi Bel-Abbès: Festival de Mostefa Ben Brahim



Sidi Bel-Abbès: Festival de Mostefa Ben Brahim, une si longue absence


par M. Kadiri


Il est un fait avéré qu'à Sidi Bel-Abbès, la redynamisation de l'action culturelle, conjuguée à la réalisation de belles infrastructures inaugurées dernièrement, est une réalité qui ne s'occulte pas.

A cela, s'ajoute un important programme de manifestations nationales et internationales pour l'année 2009. Mais loin de s'ingérer dans les missions des parties concernées par toute cette panoplie de programmations, beaucoup de voix se disent intéressées par le retour du festival feu Mostefa Ben Brahim, le barde de Béni-Ameur et chantre, levain de l'Oranais, dont l'ultime édition date de décembre 1995....

Voilà 13 années de cela pourtant, ces ultimes joutes comme celles qui l'avaient précédés en mars 1988 étaient perçus comme une réelle tentative de prise en charge effective de la poésie locale porteuse d'ancrage et de modernisation, et notamment par le rayonnement de ce patrimoine culturel très noble, qui est un repère identitaire de toute une région, un cadre d'affirmation et un authentique répertoire de la mémoire collective dans lequel puisent les grandes célébrités artistiques, chanteurs de renom.

S'il n'est jamais trop tard pour accomplir un geste de gratitude ou de devoir de mémoire envers ces hommes et femmes, qui marquèrent de leurs différentes empreintes la mémoire collective, il aurait été maladroit de ne pas citer la bande de l'Oranais Mostefa Ben Brahim.

Qui ne connaît pas les premières paroles de la chanson de feu Ahmed Wahbi «Que cette nuit est longue, bien longue, et moi dans cette chambre tout seul». Mais qui est au courant que l'auteur de cette poésie populaire est Mostefa Ben Brahim ? Ce poète de la tribu de Béni-Ameur, né à Boudjebha (commune mixte de la Mekerra), aux environs de 1.800 et mort en 1867.

Son existence, pleine de vicissitude, a fourni les thèmes essentiels de son lyrisme. Sa poésie tout à tour érotique, bachique puis nostalgique est empreinte de beaucoup de sensibilité, d'ardeur et de sensualité.

Elles sont sans doute nombreuses ces chansons interprétées par Blaoui Houari, le regretté notamment Ahmed Wahbi (Matoual Dellil Ki Toual, Sredj ya Farès El Itam, Yamna et autres), par Khelifi Ahmed (Ya El Gomri), et reprises souvent dans le genre Haouzi par Nouri Koufi (Serdj Ya Farès El Itam) ou encore dans le style Raï par Khaled (Yamna) qui, grâce à l'originalité et la singularité de leurs textes, ont connu un succès. Un succès qui, au-delà du temps et de l'espace, reste intact...

Les paroles évoquées reflètent parfaitement la réalité et traduisent les préoccupations de l'auteur et sa vie avec ses joies et ses peines, ses aventures et ses souffrances, ses hauts et ses bas, mais tout en demeurant fidèles en quelque sorte à certains principes inculqués depuis sa jeunesse, et attaché au pays et à ses racines après une période de déboires et d'amertume.

Mostefa Ben Brahim, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a effectivement marqué son époque dans la région de Sidi Bel-Abbès, notamment au sein de sa tribu, la plus importante, celle de Béni-Ameur, pour donner une fois de plus toute la signification à la poésie populaire, forme d'expression et de lutte et contribuer ainsi à l'enrichissement de ce patrimoine. Son épopée était riche en événements.

En effet, la réputation du poète a dépassé les frontières de sa région pour se répercuter au niveau maghrébin ou arabe. Les histoires, à titre d'illustration, vécues par SAFA comme il désirait être appelé, lors de son exil au Maroc, sont passionnantes parfois et émouvantes également. Après une période d'adaptation, une adaptation d'ailleurs difficile, il émergea pour ensuite briller de mille feux par son intelligence et son talent artistique. Compte tenu des traits satiriques qu'il décrochait pour les habitants de Fès, il devait prononcer une parole devenue célèbre par la suite, «Une simple djellaba à Sidi Bel-Abbès avec l'honneur qu'elle comporte vaut mieux que le caidat à Fès», avec l'humiliation qu'il suppose.

Mis en demeure devant le sultan de s'expliquer, le poète aurait désavoué ces propos et déclaré : «Une simple Djellaba à Fès est préférable au caidat à Sidi Bel-Abbès... «Ces jeux de mots devaient lui valoir reconnaissance et distinction...

C'est pour l'ensemble de ces raisons donc, que le regretté le professeur AZZA Abdelkader a eu l'initiative et le mérite, surtout, d'approfondir la réflexion sur son oeuvre poétique et de retracer son itinéraire tant le personnage a été fascinant et marquant à la foi...

Mostefa Ben Brahim est né à Boudjebha, une localité à proximité de Sfisef aux environs de 1800. Le père, originaire de Aflou, était venu se fixer à Boudjebha pour y travailler. La jeunesse de Mostefa est peu connue mais qui a dû être studieuse a priori. Il apprit le Coran et étudia le Droit musulman pour embrasser la même profession que son père. On signale, au passage, l'existence d'un exemplaire du Coran qu'il aurait écrit de sa main et enrichi de ses vers.

Ces capacités lui permettent de s'initier dans la poésie populaire et de se distinguer hautement dans ce genre... Il fut avant tout un poète lyrique. Sa propre existence pleine de vicissitudes, avec des hauts et des bas, a fourni les thèmes essentiels de son lyrisme. Sa position privilégiée parmi les Béni-Ameur, particulièrement les vaillants et courageux Ouled Slimane (terre d'épopées et de talents), son prestige de Chef, de poète, puisqu'on raconte énormément de choses dans ce domaine à ce sujet, ont concouru à faire de lui un seigneur menant une vie descente et facile au milieu d'une cour intime. Son plaisir a consisté à organiser en compagnie de ses fidèles des soirées de gala. Ce rythme fut toutefois perturbé à la suite de nombreux incidents qu'il a eu avec l'administration de l'occupant, ce qui a provoqué son exil au Maroc et de sa position ainsi que de son soutien à l'Emir Abdelkader (très peu de gens le savent).

Cette période de la vie du poète était en somme complexe et si difficile qu'il a eu toutes les peines du monde pour s'y remettre...

Poète de la nostalgie, barde de l'Oranais et chantre des Béni-Ameur, Mostefa Ben Brahim a composé pour l'amour, la patrie, l'art.

Ses poèmes furent interprétés par plusieurs chanteurs bédouins d'abord et modernes ensuite. Feu Cheikh El-Madani El-Abassi et feu Abdelmoula étaient les principaux interprètes... La guesba et le gallal furent les instruments utilisés... d'ailleurs, les moments les plus évoqués par les anciennes générations qui trouvaient tout le plaisir, en plein milieu de la place publique «Tahtaha» aujourd'hui dénommée à juste titre Place des Fidas, en écoutant les poèmes rythmés de Mostefa Ben Brahim. Devenu par la force des choses une référence, les habitants ne cessaient de parler de son oeuvre et de prodiguer des conseils à leurs proches tout en s'appuyant sur ses paroles et son expérience... L'on citera à titre indicatif :

«Mon miel au bout de ma langue...», «L'éloignement, s'il se prolonge est de nature à servir les agneaux...», «Que d'actions illustres mes largesses ont accompli ! Je suis écouté de tout le monde». «Toujours soucieux de mon bonheur, je crains le blâme public...»! La quacida d'El Gomri, composée au Maroc, reste la plus célèbre et la plus émouvante compte tenu de l'exil du poète, son isolement qui provoquera longtemps sa colère et sa déception. En interpellant ce gomri, il lui dit : «Tu te divertis et te pavanes parmi les arcades, pendant que je reste accablé par mon exil... (exil que nous retrouverons évoqué aussi à partir de Calvi et de Cayenne par un autre barde du Sud-oranais, Mohamed Belkheïr). Revenant à Mostefa Ben Brahim, il dira également : «Ne sachant où jeter mes fondations, sans avoir personne à qui témoigner mon amitié ou mon amour... Choyé par tout le monde, tu es l'objet de la tendresse divine et tu es sans pêché...». «Tu ne crains ni censeur envieux, ni espion et ton coeur est tranquille car tu n'as pas d'ennemis à ta poursuite...». L'abord de Mostefa Ben Brahim était facile et son «urbanité» exquise. Sa fierté naturelle résidait dans ses manières, dans son langage et dans ses actes, et cependant, il était de tempérament irritable. Il avait occupé une place éminente auprès des Béni-Amer, la «verte tribu», comme il surnommait la confédération des Béni-Amer, qui appréciait ce chef, plein de distinction, vaillant et courageux, capable dans ses panégyriques de trouver les mots qui lui allaient droit au coeur.

Il a chanté les grâces de nombreuses femmes. Son tempérament de séducteur et sa conduite licencieuse lui ont valu beaucoup de déboires. Il était aussi reconnu comme «magicien», et une série d'actes miraculeux lui étaient attribués. Le voile sur sa vie et sur son oeuvre a été levé par le professeur Azza Abdelkader qui en fait le sujet de sa thèse. Son doctorat lui a été d'ailleurs décerné avec mention très honorable par la Sorbonne. C'est-à-dire l'intérêt ainsi que la passion déployés pour entreprendre les nombreuses recherches dans la région natale du poète et auprès de ses descendants (il a même suivi les traces du passage de Mostefa Ben Brahim en exil au Maroc). Il faut dire que l'oeuvre de ce poète, essentiellement lyrique, vient enrichir et compléter la poésie populaire oranaise. Le professeur Azza a essayé d'expliquer le prestige ainsi que la renommée de ce chansonnier. Ainsi, «les chants de Mest'fa Ben Brahim de son vivant avaient déjà connu la faveur de la foule. Les paroles et la musique en sont devenues classiques, non seulement dans la région fertile de Sidi Bel-Abbès, mais dans tout l'Ouest algérien.

Le succès et la vogue de ses chants s'expliquent par le fait que le poète a su exprimer ce qu'il y avait de généreux chez ses contemporains, les vertus qui étaient innées en eux, et dont ils aimaient à se parer. C'est pour cette raison, qu'aucun poète n'a pu effacer le prestige incomparable que ce poète a su acquérir auprès des courageux Béni-Amer et des tribus d'origine guerrière et rebelle de l'Oranais».



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