Dans un fauteuil roulant et 3.650 DA par mois pour vivreEvoquer le football à Sidi Bel-Abbès, c’est évoquer d’abord l’USMBA et son armada de joueurs talentueux qui se sont succédé depuis sa création un certain 7 février 1933 et qui ont donné à cette équipe son vrai standing.
Parmi les artisans de ce prestige, l’ancien gardien, Fellah Djillali, aujourd’hui, dans un fauteuil roulant, amputé d’une jambe et dans une situation sociale, défavorable. Nous l’avons rencontré, entouré de certains amis chaleureux, comme Sebaâ Ghalamoun, le kiné, et Nehari dit «l’USMO».- Djillali, si on vous demandait de nous retracer, brièvement, votre carrière sportive, pour la génération montante.- Fellah Djillali, 70 ans, aujourd’hui, dans un fauteuil roulant. J’ai connu quatre équipes dans ma carrière sportive que j’ai terminée à 40 ans. J’ai débuté à l’USMBA, en 1948/1949, chez les minimes jusqu’en juniors. J’ai joué à l’ASBA, l’équipe des chemins de fer de Sidi Bel-Abbès en 1952/53, puis, je suis parti à Oued Fodda car à l’époque les équipes musulmanes, telles que l’USMBA, l’USMO, l’USMB, l’USM, l’USMS, (celles qui portaient dans leur sigle «musulmane» avaient refusé d’intégrer «franco-musulmane» dans le leur et étaient donc soumises à la suspension. Lors du critérium, 1962-1963, je suis allé au CC Sig puis une année après, quand les joueurs étaient de retour du Maroc, les dirigeants de l’USMBA m’ont demandé de retourner au bercail, j’ai signé une licence B, c’est-à-dire en 1963/64. Depuis, je n’ai pas quitté l’USMBA jusqu’à ma retraite, en 1975. - Parlez-nous de ces moments de joie que vous avez connus avec l’USMBA.- C’était de la joie, au sens propre du mot. En 1965/66, nous avons terminé premiers du championnat de division honneur, l’équivalent aujourd’hui, de la 2ème division. On devait logiquement accéder en Nationale Une mais la FAF a décidé de créer un palier intermédiaire, qu’on appelait la super division. Le nombre d’équipes a été réduit de 16 à 12, en Nationale Une et à 10 en Nationale II. Il fallait disputer, à nouveau, l’accession en Nationale Une, aux côtés du MCA, l’USMA, qui ont rétrogradé, la JSM Skikda, le MSPB, le CRT, l’USMS, la JSD, l’ESM et l’ASK. Nous avions terminé, ex æquo, avec la JSMS et nous avons accédé en Nationale Une. Cette année était exceptionnelle pour nous. Nous sommes allés en Angleterre, assister à la Coupe du Monde de 1966. Nous avons suivi tous les matchs du groupe C, à l’époque, à Birmingham, composé du Brésil, la Hongrie Portugal et la Bulgarie. C’était notre récompense. Nous avons effectué notre préparation là-bas. Nous avons disputé des matchs amicaux contre le club amateur de Birmingham que nous avons battu (7-3) et Béziers (France) que nous avons également battu (1-0). A notre retour, nous avons joué contre l’EN au stade «20 Août», à l’époque «El-Anassers», puis face au Dynamo Bucarest à Sidi Bel-Abbès. Cette année-là, Hamid Zouba jouait avec nous, il avait marqué un but superbe contre le MCA, à Alger. En 1968/69, nos terminons à la 3ème place, derrière le champion, le grand CRB, à 4 points seulement. Nous avons perdu le titre à cause d’un match qu’on a rejoué et perdu (2-1) face au NAHD à Alger après un nul 2-2. Cette année-là, Soukhane et Lahmar, le Tunisien avaient signé à l’USMBA, c’était aussi l’année de ma sélection en EN de Lucien Leduc aux côtés de Abdi Djillali, Hamri et le professionnel Soukhane alors qu’en juniors il y avait Maggi, Amar et Abdi Fodil.- Justement votre passage à l’EN, parlons en si vous voulez bien ?- Pour jouer à l’époque en EN, il fallait être à Alger, jouer dans une équipe algéroise. Nous étions cinq ou six éléments de l’Ouest. A mes côtés, il y avait Tahar Benferhat (JSMT), Fréha, un ailier gauche du PGS dont j’ai oublié le nom, qu’il m’en excuse, alors que les Algérois étaient en force, avec Zerga, Nassou, moi comme gardien de but, puis Ouchen et Abrouk qui nous ont rejoint. Je suis dit qu’il était impossible de jouer avec ces quatre. A ce moment, j’ai appris par la presse que mon équipe allait jouer un match amical international contre l’équipe de l’Algérien Kader Firoud, Toulon ou Toulouse, à Sidi Bel-Abbès qui avait, auparavant, battu l’EN (3-0) à Oran. Alors, j’ai rejoint ma ville et je suis allé au «Perdrix» lieu de rendez-vous des dirigeants de l’USMBA et feu Saïd Makoudi m’avait lançé «On t’a lâché, tu vois, je n’ai rien dit». Tous les autres Oraniens sont rentrés chez eux après avoir constaté l’esprit de clanisme au sein de cette EN. Après le match nul face à Toulouse (1-1) au stade «Trois Frères Amarouche(ex-Paul André), la commission de discipline de la FAF que présidait M. Sâadi m’a convoqué pour me demander des explications sur mon absence. Je suis parti à Alger et je leur ai répondu tout simplement, après le cinglant 3-0, je voulais me venger sur les Français avec mon équipe, l’USMBA, pour sauver l’image de l’Algérie ! Lucien Leduc et l’ancien joueur du NAHD avaient beaucoup ri de ma réponse et m’avaient pardonné.- Parlez-nous de votre record d’invincibilité ?- Lors de la saison 1966/67, je n’ai pas encaissé un seul but et ce, durant 16 matchs. A l’époque on n’avait pas comptabilisé les trois matchs de coupe contre le NAC (Nadjah) et l’ASMO (0-0) puis (2-0) on ne comptait que les rencontres de championnat.- On disait que c’était les dirigeants de l’époque qui étaient derrière ce standing de l’USMBA.- Nous avions une équipe dirigeante à Alger composée du commandant, Tayebi Larbi, le défunt commandant Si Mokrane, le défunt docteur Amir, le Dr Ben Barek, le défunt Benali Sekkal, Mohamed Benyoub, commandant Belacel dit «Mahi», Chérif Rabia, Djamil Bendimered. Des gens qui aimaient l’USMBA. Et c’est grâce à feu Tayebi Larbi que l’USMBA s’est déplacée en Angleterre pour assister à la phase finale de la coupe du Monde. Mais, c’était le défunt docteur Hassani qui était le principal meneur. C’était lui qui nous programmait les matchs amicaux internationaux, Lyon, Dusseldorf et bien d’autres ainsi que l’EN et les équipes maghrébines telles que le WA Casablanca, l’ES Sahel, Marrakech.- Qu’en était-il de l’affaire Attouga - Fellah. On dit que c’était un titre de presse qui avait fait changer de décision au docteur?- Vous avez bien fait de me rappeler cette histoire dont beaucoup ne connaissent pas les dessous. Attouga, le grand gardien international tunisien n’avait pas l’intention de jouer à l’USMBA. Il l’avait clairement signifié à son compatriote Henia qui jouait avec moi à l’USMBA. Il était venu à Sidi Bel-Abbès, juste pour faire du chantage à son équipe l’EST afin que sa prime de signature soit revue à la hausse, c’est tout. Alors qu’ici, à Sidi Bel-Abbès, on avait avancé que Fellah avait donné 24 heures à Attouga pour qu’il rentre chez lui à Tunis sinon, il aurait affaire à moi.- Et Meziani ?- Celui-là était, aussi, un grand gardien mais il a été victime de mes performances. J’étais dans ma meilleure forme je m’entraînais, seul, rien que pour gagner ma place. Un jour, je me rappelle, à Alger contre le MC Alger, on lui a planté 3 buts, le docteur était dans tous ses états. Je l’ai remplacé en 2ème mi-temps et nous nous en sommes sortis, finalement, à bon compte. Le docteur en voulait à notre entraîneur de l’avoir titularisé.- Henia, le Tunisien était l’ami le plus fidèle ?- Henia, était et le restera toujours un frère. C’est un ami qu’on ne peut oublier. Chaque fois qu’il vient en Algérie, il vient me voir, il est au courant de ma situation sociale. A chaque occasion, il m’envoie un «mektoub». Je le remercie beaucoup. Que Dieu le protége et le préserve !- Quel est l’avant centre que vos craigniez le plus ?- Je vais, peut-être, vous surprendre si je vous dis que je ne craignais nullement, Lalmas, le grand attaquant du CRB mais Hachouf, l’avant-centre de l’ES Guelma. Il avait une énorme frappe de la tête. Figurez-vous que Lalmas qui était, plusieurs fois, buteur ne m’a pas marqué un seul but.- Fellah, a-t-il encaissé plusieurs buts dans une seule rencontre ?- J’ai toujours eu de l’expérience. Si j’encaissais trois buts durant la 1ère mi-temps, soit, je n’étais pas bien, soit, il y avait anguille sous roche. Dans ce cas, je préférais quitter le terrain. Je me rappelle à Oran contre le MCO alors que nous étions menés 3 buts à zéro, j’ai senti du louche. J’ai préféré aller me doucher sous les regards étonnants de notre entraîneur Popadic qui m’avait demandé ce que je faisais. Je lui avais répondu demandez-le aux autres.- L’USMBA, c’est quoi pour vous ?- C’est ma seconde famille, ma seconde naissance. Fellah est devenu Fellah grâce à cette équipe. J’ai connu de braves gens, en Algérie, en France en Tunisie au Maroc, avec mon âge je commence à oublier certains noms. On aimait l’USMBA, trop même, au point où le jour où j’ai enterré ma fille, j’ai joué un match face à la JSK, l’après midi. Vous voyez ce qu’on faisait pour l’amour de club. Aujourd’hui, un petit bobo à la tête et il veut être épargné.- Même en tant que dirigeant, vos avez connu la joie du premier titre en 1991, en gagnant la coupe d’Algérie.- Même en raccrochant les crampons, je suis resté fidèle à mon équipe. Je suivais régulièrement son évolution. J’étais dirigeant aux côtés de Bensenada Djillali, l’actuel vice-président de l’équipe avec qui nous avons remporté la coupe d’Algérie face à la JSK (2-0). Cette année, nous avons réussi à atteindre la finale, dans toutes les quatre catégories, sauf les cadets avaient perdu. Les juniors ont gagné deux fois de suite la coupe d’Algérie en 1990 et 1991. Nous avions d’excellents joueurs mais faute de suivi, on les a laissés partir pour que l’USMBA se retrouve ainsi.- Passons maintenant au volet social. Vous êtes malade, amputé d’une jambe, comment faites-vous pour vous en sortir avec cette maigre retraite de 3650 DA par mois ?- El Hamdoullah, que voulez-vous que je vos dise ? (Il se tient la tête, un moment, sous l’effet de l’émotion, puis il reprend). Cette somme ne peut me suffire que quatre à cinq jours. J’ai des personnes à ma charge dans ma famille. Ce n’est que grâce à des proches, des âmes charitables qui me viennent en aide chaque fois, comme vous voyez bien Sebaâ Ghalamoune que je remercie beaucoup, mon ami «l’USMO», Hamza que je n’oublierai pas aussi. Quand je suis vraiment dans le besoin, je suis dans l’obligation de vendre un des objets de la maison, un téléviseur un démo etc. Je ne tends pas la main mais c’est la vie. Les hommes sont là et seront toujours là. On les connaît tous, certains n’aiment pas être cités.- Vous êtes vraiment dans le besoin, pourquoi l’association des anciens joueurs ou les membres de l’AG n’ont-ils pas décidé de vous octroyer une rémunération mensuelle, pourtant ils savent dans quel état vous êtes ?- Qui fera quoi ? Telle est la question. Une fois la santé défaillante, qui se souciera de vous. Le président Zoubir que je remercie au passage m’avait accordé cette faveur mais il ne l’est plus cette année. Le président Baghdad m’a remis, deux fois, un «mektoub», puis rien.- Et les responsables locaux ?- L’APC m’a attribué un kiosque dans la nouvelle cité «Le Rocher» à la sortie de la ville, moi j’habite au centre ville, je suis malade et je ne peux pas me déplacer là-bas pour y activer.- Qu’avez-vous à nous dire en conclusion ?- Ma situation sociale a touché le fond de l’abîme, qu’on vienne m’aider. J’ai donné pour cette équipe, qu’on me trouve une solution pour vivre tranquillement auprès de mes enfants. Je suis très fier de l’accession de l’USMBA mon souhait est de la revoir affronter les grandes équipes, le MCO, le MCA, JSK, le CRB et l’ESS. Par ailleurs, son ami de toujours, Nehari dit «l’USMO» a tenu à nous faire cette déclaration : « Je dirai en tout premier lieu aux responsables locaux que s’ils comptent faire un geste de bienfaisance, la priorité des priorités devrait être Fellah Djillali et la famille du défunt Benyounes, qu’on a perdu la semaine passée. Les deux sont dans une situation défavorable. Ils ont beaucoup donné à l’USMBA et à la ville comme je dirai aussi que si on veut sauver le football à Sidi Bel-Abbès, il faut penser aux jeunes et les intégrer à travers les équipes de la ville telles le FC Saâda et le CRBA «Gambetta» pour acquérir une expérience».
M. B.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com