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El Manara de Belkacem Hadjadj
Liés par une grande amitié, trois jeunes vont être soumis à rude épreuve dans l’Algérie de la décennie noire. Au tournant de l’ouverture démocratique de 1989, Fawzi (Khaled Benaïssa) est un journaliste engagé dans l’aventure de la presse indépendante. Ramdane (Tarek Hadj Abdelhafid) est un médecin sensible aux préoccupations des petites gens et aux actions humanitaires des islamistes. Peu à peu, l’écart va se creuser entre eux au grand dam de leur amie Asma (Samia Meziane) qui tente vainement d’empêcher le déchirement du groupe. Et c’est peu de dire qu’au bout du voyage aucun des trois ne sortira indemne de la tourmente.
A travers une histoire d’amitié prise dans la spirale de la crise qui agit comme un broyeur, le film tente d’éclairer les contradictions et les archaïsmes d’une société à la fois enracinée dans son époque et attachée à ses croyances et à ses traditions. D’où la référence à l’héritage de tolérance symbolisé ici par le rituel d’El Manara (le phare), qui célèbre chaque année la naissance du Prophète dans la ville de Cherchell. Une fête populaire jugée hérétique par les fondamentalistes.

Vouloir revenir sur cette période de bouleversements dans le pays comportait quelques risques, à commencer par la difficulté à restituer toute la complexité des rapports et des engrenages qui ont amené aux émeutes d’octobre 88, à la répression qui fit plusieurs centaines de morts, à l’ouverture démocratique, à la dérive islamiste et à l’irruption d’une violence sans nom qui fit plus de 150 000 morts et des milliers de disparus. Le cinéaste Belkacem Hadjadj et le scénariste Tahar Boukella se tirent de cet exercice plutôt périlleux avec une maîtrise qui mérite d’être saluée. Constamment sur le fil du documentaire, avec des personnages tout en nuances, à l’image d’une société traversée par des courants contradictoires, El Manara participe à sa façon au devoir de mémoire et au travail de deuil qui doivent s’accomplir. Projeté durant plusieurs mois lors de séances spéciales, le film a régulièrement fait la preuve que le débat était possible et nécessaire.
Il faut en outre saluer le collectif de jeunes acteurs qui porte le film, d’où émerge notamment Sofia Nouaceur en jeune fille effarouchée qui trouve l’énergie de se révolter dans un précieux moment de cinéma.

Avec un petit budget de 35 millions de dinars algériens (350 000 euros), El Manara, qui compte parmi les rares films d’initiative algérienne des cinq dernières années, a été tourné en DV. Projeté en avant-première le 30 octobre 2004 à Alger, sélectionné au Caire, en compétition officielle à Carthage, primé au dernier Fespaco, il est sorti en avril 2005 sur les écrans d’Alger, Tizi Ouzou, Béjaïa, Annaba et Constantine. Depuis mai 2007, le film est en enfin visible en France.


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