Relizane - Revue de Presse

Agriculture et variabilité climatique



Ce qu?il importe tout d?abord de dire, c?est que dans le monde cruel d?aujourd?hui, il n?y aura guère de place pour les pays qui n?auront pas su identifier leurs atouts propres et mobiliser leurs ressources humaines, dans un même élan de solidarité.Cette volonté collective est certainement la meilleure manière de se prémunir des effets pervers de cette mondialisation qui porte atteinte à la dignité de l?homme dans ses valeurs et sa culture. Au plan du principe, le développement durable est à considérer comme étant le meilleur moyen de préserver les intérêts des générations futures.Il est de ce fait, un style de gouvernance qui donne une meilleure lisibilité aux actions de l?Etat stratège, qui a pour obligation d?anticiper les risques majeurs et leurs effets négatifs sur la cohésion sociale et l?intégrité territoriale.Encore faut-il être vigilant par rapport à ce concept galvaudé à outrance par les Occidentaux, comme pour se donner bonne conscience, après avoir hypothéqué l?équilibre de l?écosystème de la forêt amazonienne, porté atteinte à la couche d?ozone par l?effet de serre et désertifié le continent africain, à partir d?une réduction conséquente de sa couverture forestière et de ses parcours. L?obligation de vérité nous amène à considérer la destruction des équilibres écologiques et le réchauffement de la planète, comme étant la conséquence des appétits féroces des multinationales, du mépris des civilisations anciennes et des technologies traditionnelles, et ce, depuis l?avènement de la révolution industrielle du 19e siècle. Sinon, comment expliquer que la convention de Kyoto ne soit pas ratifiée à ce jour par l?Amérique, qui reste dans son arrogance de gendarme du monde, le plus grand prédateur des ressources énergétiques et le premier pollueur de la planète ! Cette ruine écologique orchestrée par la finance internationale, et dont la traduction est le réchauffement climatique, est une menace réelle pour la paix et la sécurité dans le monde et il est à craindre que, dans leur frénésie de recherche de redressement de la croissance, les pays industrialisés ne soient amenés à accentuer davantage leurs pressions sur les écosystèmes fragiles, autrement dit sur le patrimoine de l?humanité tout entière. Cela se fera en dépit de la misère des plus démunis et de la famine qui a déjà atteint de larges pans de la planète, à l?échelle du continent africain, asiatique et des pays d?Amérique du Sud. Cette arrogance est d?autant plus insupportable, qu?il est demandé aux pays pauvres, de surcroît endettés, de restaurer les équilibres de leurs milieux écologiques au risque de pénalités préjudiciables à leur survie.C?est pourquoi, il importe de dire que le développement durable ne saurait être une directive des plus forts en direction des plus faibles. C?est tout au contraire une responsabilité partagée entre tous les peuples de la planète et dans notre position de victimes d?actions prédatrices sur nos ressources, l?on est tentés de dire, que l?on n?est pas concernés par ce diktat, pour avoir été à notre manière, précurseurs de ce concept au demeurant raisonnable. Cette affirmation est étayée par l?attitude de nos ancêtres qui ont su donner un sens à leur existence, dès lors qu?ils ont su vivre en harmonie et en communion avec leur environnement et les ressources qui leur prodiguaient la survie. Ils avaient compris dans leur «galère» au quotidien, que tout ce qui est rare est précieux, parce que non renouvelable. Ils s?employèrent à gérer les ressources naturelles en déployant des trésors d?ingéniosité qui, au fil du temps, allaient donner lieu à l?émergence de technologies traditionnelles qui ont épaté bien des scientifiques, des chercheurs et des inventeurs des temps modernes. Tel est le cas du système traditionnel d?irrigation par foggara du Touat Gourara, qui intègre tout à la fois, la notion d?économie de l?eau, le principe d?équité dans la répartition de la ressource, la couverture des besoins essentiels de chaque élément de la société ainsi que la prévention des contentieux, afin d?éviter que ne soient perturbées la convivialité et la cohésion sociale de la communauté. Cela est aussi le cas de la vallée du Mzab, de Oued Souf, des Ziban, de Oued Ghir et de la Saoura où furent érigés des systèmes oasiens millénaires dans un contexte hyper aride, à la faveur de la gestion parcimonieuse des ressources rares et de la conception d?un type d?habitat adapté à l?aridité du milieu. C?est ça le génie et c?est aussi cela la civilité et l?esprit citoyen ! Cette parcimonie dans la gestion des ressources rares a fait de nos ancêtres, des êtres admirables qui ont utilement marqué leur histoire et participé à l?édification du patrimoine civilisationnel de l?humanité.Le respect de la gestion communautaire des ressources sans hypothèque sur les intérêts des générations futures, autrement dit la culture du strict nécessaire «el kanaa», est la meilleure forme d?expression d?une responsabilité partagée, par rapport à la permanence des valeurs et la survie d?une nation. Cette symbiose entre l?homme et son milieu, si bénéfique au bien-être social, à la durabilité du développement et à la préservation des équilibres écologiques, s?est malheureusement effilochée au fil du temps. Cela tient à la négation des valeurs morales et des vertus d?antan. De nos jours, cela a laissé place à de nouvelles attitudes de narcissisme, faisant fi de la dégradation des ressources et de la spoliation de la chose publique.C?est ainsi que de précurseurs de développement durable, nous sommes devenus à notre tour, prédateurs de ressources rares non renouvelables. Cette attitude s?est traduite par la reconversion de bon nombre de nos exploitations agricoles à fortes potentialités, en des lotissements, des hangars de divers usages, et en des aires de production et de stockage de matériaux de construction. Cette spoliation des richesses de la collectivité nationale trouve son explication dans l?attitude laxiste manifestée à l?égard des bénéficiaires des EAI et EAC, qui ont été le plus souvent tentés par la recherche du gain facile, sans qu?ils ne soient déchus de leurs droits, faisant fi de la restauration du potentiel productif qui leur a été concédé, hypothéquant ainsi notre sécurité alimentaire, tout au moins, en produits agricoles de première nécessité. Cette situation est d?autant plus déplorable qu?elle se conjugue aux effets des changements climatiques dont la traduction est la flambée des prix des produits alimentaires de première nécessité, tels les céréales, le lait, l?huile... Cet impact négatif sur le revenu des ménages est un signe de mauvais augure, qui ne peut laisser indifférents, non seulement les pouvoirs publics, mais aussi et surtout la communauté scientifique et technique. Ceci d?autant plus que les disponibilités alimentaires à l?échelle planétaire seront de plus en plus réduites, eu égard à la forte demande des pays émergents, notamment la Chine et l?Inde, et du développement des biocarburants par certains pays (Brésil, France...) en tant que réponse au souci de leur sécurité énergétique. Selon la FAO, le Moyen-Orient et l?Afrique du Nord sont tout particulièrement exposés aux pénuries d?eau. Une hausse de température de l?ordre de 3 °C pourrait entraîner un stress hydrique pour plus de 155 à 600 millions de personnes. C?est pourquoi la question des changements climatiques inquiète bien des pays et même ceux à climat tempéré.C?est ainsi qu?en France, l?on s?active déjà à développer des scénarii aux horizons 2050 et 2100, non seulement pour mesurer les effets de ce phénomène, mais aussi pour élaborer des stratégies de prise en charge. Chez nous, la réaction par rapport à cette question doit être tout au moins comparable à celle de ce pays, bien qu?il soit mieux nanti en ressources hydriques. Elle est à inscrire comme risque majeur, d?autant plus que le ratio surface agricole utile par habitant n?est que de 0.2 hectare, que nos disponibilités en eau d?irrigation demeurent limitées et que notre sécurité alimentaire reste fortement dépendante des importations en produits alimentaires de première nécessité. En l?absence d?une réaction énergique et dans l?attitude du laisser-faire, il est à craindre que notre pays, qui risque d?être totalement inscrit dans l?aridité, serait dans seulement quelques décennies, dans des situations comparables à celles du Soudan, du Mali, du Niger, de la Mauritanie d?aujourd?hui, ou tout au moins des pays du Moyen-Orient.Les effets de la sécheresse pèseront lourdement sur la productivité des parcours des régions steppiques qui seront soumis à de fortes pressions de la part des éleveurs, ce qui devrait accentuer le phénomène de désertification et le déclin de l?activité pastorale. Dans cette situation, les modifications attendues de la géographie agraire tant au plan physique qu?économique devraient s?accompagner par une paupérisation des populations pastorales et par des migrations massives vers les régions du Nord.  C?est ainsi qu?à la faveur de l?option prise en matière d?approvisionnement de la ville d?Oran à partir du dessalement, les quantités actuellement prélevées à partir des ressources des wilayas de Tlemcen, de Mascara, de Relizane et de Aïn Témouchent seraient à restituer à l?agriculture de toute la région Ouest. Il n?est pas difficile d?imaginer qu?à la suite de cela, s?ensuivra une quasi-littoralisation du pays, un effritement des solidarités et une menace durable sur la cohésion sociale. Ceci d?autant plus qu?à ces migrations internes, devraient s?ajouter celles des pays sub-sahéliens qui n?auront pour seul choix, que de chercher refuge dans les régions algériennes du Nord, relativement plus clémentes, dans l?attente du risque de l?aventure de l?immigration outre mer qui entretient le rêve chez les démunis et les mal nourris, que l?égoïsme des pays riches a relégués au banc de l?humanité. Ce scénario catastrophe est tout à fait imaginable, si aucune mesure n?est prise pour prévenir les effets pervers des changements climatiques. Il est une manière d?interroger les consciences et d?avertir les pouvoirs publics sur l?ampleur de ce risque majeur, sans pour autant ajouter à l?angoisse de nos concitoyens et sans verser dans le fatalisme.Ce scénario est développé à titre pédagogique, pour dire que la variabilité du climat, du fait ou non de l?action de l?homme, est à considérer dès à présent comme une constante pour la mutation de notre agriculture qui doit se préparer à inscrire sa dynamique dans l?option incontournable de l?aridiculture. En effet, il est attendu de ces bouleversements une redéfinition des vocations de nos régions agricoles, dans la mesure où il n?est pas exclu que l?aire de prédilection de la culture du palmier-dattier par exemple puisse s?élargir plus au Nord, au niveau des Hauts Plateaux. Cette option d?une agriculture totalement inscrite dans l?aridité fait référence au développement des variétés locales de céréales, plus résistantes à la sécheresse, à la verse et au sirocco, aux espèces fruitières rustiques à faibles besoins en froid et en eau, au développement de la viticulture, à la préservation et au développement des palmeraies, à l?introduction de nouvelles techniques qui permettent de réduire la dégradation des sols. C?est à ce titre, que doit être orientée la recherche agronomique sur la base de cette nouvelle problématique, tout en cherchant à s?inspirer des expériences réussies des pays du Moyen-Orient et de l?Australie, dont la situation climatique de chacun de ces pays, aujourd?hui, pourrait être la nôtre demain ! Face à cet enjeu majeur, la mobilisation attendue à hauteur de ce défi ne saurait être celle des seuls départements de l?agriculture, de l?hydraulique et de l?environnement. Elle est à caractère horizontale et concerne non seulement les pouvoirs publics, mais aussi et surtout la communauté scientifique et technique qui doit entrevoir la mise en place d?un système de veille stratégique. Dans le prolongement de ce dispositif, la société civile devrait pouvoir agir sur les comportements individuels, dans la perspective d?une adaptation au contexte de l?aridité. Il s?agit en quelque sorte d?anticiper le stress hydrique en réalisant des économies d?eau au bénéfice de notre agriculture qui a pour obligation d?assurer notre sécurité alimentaire, tout au moins, en produits de première nécessité et quelles que soient les conditions naturelles au sein de laquelle elle aura à évoluer. Dans le contexte de cette agriculture, totalement orientée sur les appoints d?irrigation, il convient de considérer l?option de dessalement de l?eau de mer, comme une nécessité par rapport à la couverture des nouveaux besoins en eau que ne manquera pas d?exprimer cette nouvelle option agricole, qui tend non seulement à prévenir les effets négatifs de la variabilité climatique, mais aussi à améliorer la productivité de nos divers terroirs. C?est ainsi qu?à la faveur de l?option prise en matière d?approvisionnement de la ville d?Oran à partir du dessalement, les quantités actuellement prélevées à partir des ressources des wilayas de Tlemcen, de Mascara, de Relizane et de Aïn Témouchent seraient à restituer à l?agriculture de toute la région Ouest. Au même titre, le traitement et la réutilisation des eaux usées est aussi une autre action à promouvoir au titre de l?appoint d?irrigation. Les actions évoquées au titre de l?adaptation de la recherche agronomique, des systèmes et modes de production agricoles et des arbitrages autour de la répartition de la ressource en eau sont à entrevoir dès à présent.Elles ne sauraient suffire à elles seules, pour faire face à la conjoncture d?une aridité durable au sein de laquelle devra évoluer notre agriculture. Si l?on part du principe que la configuration du paysage agraire de demain se décide aujourd?hui, les actions les plus urgentes à entreprendre sont celles qui consistent à améliorer la couverture végétale et à créer les microclimats propices au développement des cultures, à l?atténuation des effets de l?évapotranspiration et à la préservation des réserves en eau des sols. Il s?agit en quelque sorte, d?initier à hauteur du risque majeur de l?aridité, un véritable «plan vert», soulignant ainsi la détermination des pouvoirs publics à vouloir agir dans le sens de notre sécurité alimentaire, de notre souveraineté et de la dignité de notre population.Cette initiative dans l?élaboration d?un plan à décliner sur plusieurs décennies aurait pour élément moteur, le barrage vert dont la composante végétale devrait être revue dans le sens d?une plus large diversification qui devrait réserver une place prépondérante à la culture du pistachier, de l?olivier, du jujubier, de l?arganier, du jojoba, du câprier, du cactus et autres espèces fourragères à introduire, à partir des régions arides. Cette action à l?échelle de toutes les étendues des régions des Hauts Plateaux (de Bir El-Ater à l?Est à El-Abiodh Sidi Cheikh à l?Ouest) est de nature à favoriser l?amorce d?une authentique politique de grands travaux, générateurs d?emplois pour les populations locales, dont les sources de revenus restent intimement liées aux aléas de l?activité pastorale. C?est pourquoi, la steppe est aussi à considérer, dans son caractère d?écosystème fragile, comme espace à protéger, à restaurer et à aménager. De par la fragilité de ses parcours, les mécanismes de gestion de cet espace doivent nécessairement s?imprégner de l?esprit communautaire qui doit être le dénominateur commun de toute action partenariale à promouvoir, en vue de la conciliation des intérêts de la pratique pastorale avec ceux de la remontée biologique.C?est dans cette équation qui lie l?homme à son milieu, dans un destin commun, que doit être pensé le statut de la steppe qui tarde à venir. La conjugaison des actions du barrage vert à celles de la steppe doit également trouver son prolongement dans la réalisation de brise-vent et de ceintures vertes à l?effet de prévenir le risque d?ensablement des établissements humains et des infrastructures économiques, tout particulièrement au niveau des régions du Sud et des Hauts Plateaux. Dans le même ordre d?idées, l?amélioration de la composante paysagère à l?intérieur et autour des villes est une autre action à entreprendre, dans le cadre de l?amélioration des conditions de vie de nos concitoyens, dans un environnement empreint d?aridité. Cette mutation profonde attendue du secteur agricole dans sa relation avec le segment hydraulique de l?irrigation n?a de chances de porter ses fruits, que si elle se conjugue à l?adaptation des systèmes d?éducation, de formation professionnelle et d?enseignement supérieur qui doivent intégrer dans leurs projections futures, la permanence de la variabilité climatique. Elle sous-tend également, un meilleur usage des matériaux locaux pour la construction d?habitats mieux adaptés à l?aridité du milieu. Elle souligne aussi l?intérêt dans le développement des énergies renouvelables en tant que systèmes énergétiques mieux adaptés aux réalités des exploitations agricoles et plus particulièrement des exploitations familiales. Ceci pour dire que la question des changements climatiques ne peut être traitée convenablement dans ses différents volets, que si elle s?inscrit dans le principe d?une compétence partagée, qui tend à cerner les contours d?un destin commun, à l?échelle de toute une nation.
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