
L’œuvre de Yahia Belaskri s’inscrit dans une littérature algérienne exigeante, habitée par les blessures du passé et les fractures du présent. Depuis ses premiers romans, Le Bus dans la ville (2008) ou Si tu cherches la pluie, elle vient d’en haut (2010), l’écrivain explore les zones d’ombre de l’histoire, les silences qui hantent les peuples, et la persistance du rêve malgré la perte.
Dans N’oublie pas notre Arménie (Éditions El Kalima, 2025), Belaskri élargit encore le champ de sa mémoire. Il quitte momentanément l’espace maghrébin pour se tourner vers l’Empire ottoman du début du XXᵉ siècle, au moment des massacres d’Adana (1909). À travers les destins entremêlés de Maritsa et Burak, l’auteur redonne chair à une tragédie souvent reléguée dans les marges de l’Histoire, et rappelle qu’avant d’être politique, la barbarie est d’abord une déchirure humaine.
Belaskri écrit dans une langue sobre et dense, portée par une musicalité méditerranéenne où la nostalgie côtoie la révolte. Son style évite la grandiloquence : il préfère les silences, les gestes, les regards.
Chez lui, la mémoire n’est jamais figée, elle est mouvement, errance, quête de sens. L’exil, omniprésent dans ses textes, devient une métaphore de la condition humaine — celle de ceux qui cherchent à rester debout, malgré les déracinements.
Dans N’oublie pas notre Arménie, l’auteur fait dialoguer les identités blessées : Arméniens, Arabes, Turcs… Tous partagent la même terre, les mêmes douleurs, les mêmes espoirs. Loin du manichéisme, il cherche la part d’humanité qui survit à la barbarie.
Cette tension entre mémoire et pardon, entre fidélité et oubli, entre racines et errance, fait toute la force du roman.
Yahia Belaskri appartient à cette génération d’auteurs algériens qui refusent les frontières étroites du nationalisme littéraire.
Dans Les Fils du Jour ou Un regard blessé, il évoquait déjà la guerre civile, l’intolérance, l’exil forcé ; mais toujours à hauteur d’homme, à travers des destins singuliers.
Avec N’oublie pas notre Arménie, il tisse un pont entre les mémoires algérienne et arménienne, entre les souffrances du passé et les défis du présent.
Le roman devient ainsi un chant universel sur la dignité humaine, un appel à la résistance par la mémoire, et à la fraternité face aux déchirures du monde.
Par son œuvre, Yahia Belaskri s’impose comme l’un des grands conteurs de la douleur et de l’espérance. Son écriture, à la fois intime et lucide, rappelle que les blessures de l’histoire ne guérissent que si l’on accepte de les regarder en face.
« N’oublie pas notre Arménie » n’est pas seulement un roman sur le génocide ou l’exil : c’est un texte sur ce qui reste quand tout s’effondre — la parole, la dignité, la fidélité à l’humain.
Posté par : litteraturealgerie
Ecrit par : Rédaction