Oran - Patrimoine Historique

Quartiers d’Oran, Scalera ou les marches pittoresques



La Calère ou Scalera (les marches en espagnol) comme s’amusent à l’appeler les Oranais, est lovée entre la pêcherie d’Oran et la partie basse du quartier pittoresque de Sidi Lhouari. Le site, composé de maisons aux murs décrépis et rongés par les sels marins, ressemble à un joyau incrusté à un diadème aux couleurs étincelantes.

Sa structure d’étages que cernent des marches bordées de figuiers de barbarie (cactus opuntia) lui donne l’aspect d’une toile où se rencontrent les tons des quatre saisons. La Calère s’ouvre pour mieux se refermer sur le visiteur, mieux l’envelopper dans une chape où s’entremêlent des souvenirs, que les murs des bâtisses ont jalousement gardé. Dans ce quartier antique vivaient, durant la période coloniale, en parfaite harmonie les Espagnols et les Arabes. Ces derniers issus de familles oranaises connues, chassées de Sidi Lhouari, après sa transformation, par l’administration coloniale en centre-ville de la cité oranaise. La Calère est tel un livre d’histoire, un album. Au fil des pages, on y découvre une myriade de souvenirs, d’événements gais et douloureux. Le quartier recèle des sites historiques et des atouts qui peuvent permettre la résurrection des lieux sous la forme d’une mue en pôle touristique, en mesure d’accueillir, à longueur d’années, des touristes. La Calère, qui s’étend sur une superficie de 6 ha, est comme une palette qui a donné naissance à mille et un traits de peinture sur une toile. Le quartier a vu naître et a inspiré plusieurs artistes qui l’ont peint jusqu’à n’en plus pouvoir. Il est également un nom fredonné par des maîtres de la chanson oranaise, dont Blaoui Lhouari qui lui a réservé plusieurs vers de sa chanson, véritable hymne d’amour à Oran El banda ezzahouania ou encore Houari Benchenet qui a repris le flambeau pour déclarer lui aussi sa flamme à El bahia wahran en vantant la beauté de La Calère. Le quartier, érigé sur un plateau de la forêt du Murdjadjo qui surplombe le port d’Oran, offre un panorama insaisissable qui séduit tous les visiteurs. Des associations, dans leurs tentatives de préservation et de réhabilitation de La Calère, ont émis une proposition de classification du site connu sous le nom de la gassaâ. Le lieu, chargé d’histoires continue d’accueillir les femmes des quartiers de Ras El Aïn et Sidi El Houari pour des tâches ménagères ou pour laver la toison du mouton sacrifié à l’occasion d’une noce ou de l’Aïd. Renfermant une multitude de vestiges de la période ottomane et de l’invasion espagnole, le quartier, qui représente un prolongement de Sidi El Houari accueille également des femmes venues des quatre coins du pays pour visiter la zaouïa de Sidi Abdelbaki, un joyau architectural qui a résisté à l’agression du temps. La Calère, qui abritait en 1977, 990 familles qui vivaient de la pêche et du travail sur les quais du port d’Oran, a connu plusieurs mutations. Les nombreuses opérations de relogement des familles habitant le vieux bâti menaçant ruine, réalisées durant les deux décennies précédentes, ont réduit le nombre des habitants qui n’atteint aujourd’hui que 300 familles qui continuent de s’accrocher à des demeures éparses qui voguent tels des fétus de paille sur une mer en houle. La dernière opération de relogement et la démolition des maisons en ruine a permis de dégager une assiette foncière soumise aujourd’hui à une étude pour y implanter une infrastructure touristique. Mais la nature du sol et la présence de nombreuses nappes phréatiques rendent aléatoire toute tentative de construire des édifices imposants, sur le site de La Calére. C’est ce qui a permis de réactiver les propositions de transformer le quartier en pôle artistique et culturel tout en gardant son architecture et son agencement original. Dans ce contexte, l’ancienne agence foncière d’Oran avait présenté un projet consistant en l’affectation d’une assiette de 4200 m2 pour la réalisation d’un parc de loisirs et d’attraction qui s’inscrit dans le cadre d’une opération d’aménagement d’ensemble prévoyant la construction de cafétérias, d’un centre commercial, de restaurants, d’une salle des fêtes et la création d’espaces verts. Ce projet qui vise, en premier lieu, la valorisation du site, n’a malheureusement pas encore vu le jour. Le Plan d’occupation des sols (POS) du quartierSidi El Houari, réalisé par un bureau d’études privé prévoit, quant à lui, la création d’un parc à vocation culturelle, touristique et économique. Mais, outre des moyens financiers conséquents, cette idée nécessite la collaboration de plusieurs institutions pour préserver les vestiges historiques et le cachet architectural de La Calère, a indiqué un responsable du bureau, auteur de l’étude. Un habitant du quartier a, pour sa part, souhaité le relogement des derniers habitants pour livrer le site au génie des architectes et des artistes et permettre ainsi la renaissance des lieux et leur transformation en pôle touristique susceptible de faire d’Oran une métropole méditerranéenne. En attendant l’aboutissement des tentatives de réhabilitation du quartier, les derniers habitants de La Calère continuent de voir l’agression du temps rider encore plus le doux visage du site. Ils continuent de voir les murs des maisons s’effriter et les immondices joncher le sol. Tout comme leurs pairs des autres quartiers antiques de la ville d’Oran, comme Bab El Hamra et Ras El Aïn, ils espèrent quitter La Calère pour des habitations neuves et livrer ainsi le quartier à ceux qui veulent le sauver et préserver les souvenirs que continuent de raconter les maisons et les vieux, adossés aux murs décrépis et rongés par les sels que charrient les vents venus de la mer.




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