Oran - Malek Alloula

Malek Alloula, Les festins de l'exil, Essai - Éditions Françoise Truffaut, Paris, 2003



Malek Alloula, Les festins de l'exil, Essai - Éditions Françoise Truffaut, Paris, 2003
Commentaire
Non, fait l'enfant obstiné devant la cuillère tendue. Malek Alloula nous aide à comprendre le sens de ce « non », un « non » pour mieux te manger, toi nourriture que sa mémoire continue à chérir.
Mine de rien, l'auteur nous promène à travers les champs du savoir, et les rencontres de l'amitié. Tiens voilà justement Kateb Yacine, qui nous fait les honneurs de son plat préféré. Savoir et mémoire se fondent pour combler notre appétit. Les jours de festin, la longue et unique serviette qui entoure la table symbolise une convivialité que Malek, Abdelkader, et toute la famille Alloula nous invitent à partager. Avec 16 recettes de cuisine oranaise pour ne pas rester sur sa faim.

L'écrivain Malek Alloula nous invite, mine de rien, à travers les champs du savoir et les rencontres de l'amitié. Tiens voilà justement Kateb Yacine, qui nous fait les honneurs de son plat préféré.
Le lecteur se trouve convié à partager ce qui se passe autour de cette table, quand 33 thèmes prennent place sur la longue et unique serviette des jours de festin. Le goût, le partage, les plaisirs enfantins, le plat divin ou encore le rêve de la matière sont des thèmes qui inspirent Malek Alloula. L'appétit des gourmands de la vie et des métis culturels que nous sommes tous est largement comblé par l'alchimie de l'écriture de ce " chef " nourri par les paradoxes du goût, de l'amour et du rejet. C'est ainsi que nous allons à la rencontre de l'Autre et peut-être de nous-mêmes. Une quinzaine de recettes - d'une chorba loubia (soupe aux haricots blancs) à une dolma hout (ragoût aux boulettes de poisson) - donnent un aperçu de la cuisine simple et populaire oranaise.

Extraits
…ce long processus, ponctuellement suivi, contrôlé de bout en bout et qui allait très bientôt nous réunir autour de la table basse, nous était confirmé par la brutale irruption dans la salle à manger d’une aérienne nappe diaphane de senteurs aussi diverses que hautement agréables et excitantes pour nos papilles et glandes salivaires.

…Il me semble que cette symphonie olfactive à la riche palette devait naturellement prédisposer à une consommation mesurée et rythmée par le tempo d’une très lente musique : celle que les marmites, posées au-dessus des placides et modestes braseros maternels, émettaient au passage des vapeurs qui s’en échappaient.

“…Le verbe manger avait, très tôt et définitivement, acquis pour moi de bien étranges résonances où revenait une lancinante et insoluble question : " Comment faire pour ne pas être mangé ? "

…Il faut avoir vu un mouton à la broche (méchoui), cuit à point mais toujours maintenu au-dessus de son lit de braises ardentes, être réduit à l’état de carcasse proprement nettoyée de sa chair par des doigts dont le nombre et l’affairement rappelleraient le grouillement d’une colonie de fourmis rouges acharnées à triturer, récurer jusqu’à l’os une proie dont rien ne se retrouve après leur passage qui ressemble à une chevauchée.

…Le spectacle remémoré de cette convivialité jubilatoire, de cette gloutonnerie débraillée, réveillait l’idée même du festin préhistorique, celui qui réunissait, autour de la bête et des fruits de la cueillette, nos très reculés ancêtres dont, sans doute, le souvenir, pas totalement effacé, demeure profondément enfoui dans une des cases de notre cerveau reptilien.

…Le taxi venait de s’arrêter. J’étais rendu et m’apprêtais à prendre congé quand j’entendis Kateb murmurer de son coin de banquette : " Mais où sont donc passés nos couscoussiers dans tout cela ? "



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